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L’impact du réseau social dans la vie des dialysés

(d) Pratiques de sociabilité des patients du groupe

4. Les patients et la perception de leur état de santé

Comme nous l’avons signalé précédemment dans la partie méthodologique de ce travail, le questionnaire de qualité de vie SF-36 permettait aussi de mesurer la perception par les patients de leur état de santé, mais cette dimension n’était pas incluse dans les scores. Elle a été analysée cependant pour tous les patients de l’étude RS-QUADDIAL.

Les résultats montrent que un peu plus d’un tiers des patients (36 %) trouvent que leur santé est « médiocre » ou « mauvaise », et que 16 % jugent leur état de santé « moins bon qu’avant la dialyse » :

Santé Très bonne Bonne Médiocre Mauvaise

Patients (n) 4 19 11 2

% 11 % 53 % 31 % 5 %

Tableau n°50 : Perception par les patients de l’étude RS - QUADDIAL de leur état de santé. 56 % des patients considèrent que leur santé s’est améliorée avec la dialyse :

Santé actuelle /

santé il y a 1 an Bien meilleur meilleur Plutôt A peu près pareil Plutôt moins bon moins bon Beaucoup

Patients (n) 4 16 10 4 2 % 11 % 45 % 28 % 11 % 5 % Tableau n°51 : Comparaison de l’état de santé des patients de l’étude par rapport à l’année précédente à la même époque. La perception par les patients de leur état de santé va être détaillée au sein de chaque cluster dans les chapitres qui vont suivre : (i) Patients du cluster 1

Dans le cluster 1, composé de réseaux de soutien moyennement denses, essentiellement familiaux, les personnes en arrêt maladie sont surreprésentées. Au sein de ce groupe, 6 patients sur 13 considèrent que leur état de santé est médiocre.

Par rapport à la période précédant la dialyse, 1 de ces 6 patients trouve que son état de santé est plutôt meilleur malgré tout, 3 autres patients considèrent leur état de santé stable, et 2 autres trouvent qu’il est plutôt moins bon :

Nom (âge) Type EER Perception actuelle de l’état de santé Etat de santé actuel par rapport à l’an dernier à la même période

ALE. (92) HD Centre Médiocre A peu près pareil

PIE. (79) HD Centre Bonne Plutôt meilleur

ROU. (35) DPA Bonne Plutôt meilleur

HOM. (58) Autodialyse Bonne Bien meilleur que l’an dernier

GUE. (38) HD Centre Médiocre Plutôt moins bon

VAL. (89) HD Centre Médiocre Plutôt moins bon

FER. (90) HD Centre Médiocre A peu près pareil

COL. (76) DPCA + IDE Bonne A peu près pareil

SAR. (86) HD Centre Bonne A peu près pareil

POI. (82) UDM Médiocre A peu près pareil

LAN. (64) HD Centre Très bonne Bien meilleur que l’an dernier

ERN. (58) UDM Bonne A peu près pareil

LEC. (46) Autodialyse Médiocre Plutôt meilleur

Tableau n°52 : Comparaison de l’état de santé des patients du cluster 1 par rapport à l’année précédente à la même époque. Chez les 6 personnes qui qualifient leur santé de médiocre, deux patientes se trouvent moins bien qu’avant la dialyse parce qu’elles se sentaient auparavant en pleine forme et qu’elles ont perdu beaucoup d’autonomie depuis l’intrusion de la technique dans leur vie : o Mme VAL., 89 ans, était totalement autonome avant la dialyse. Depuis qu’elle dialyse, elle ne peut plus faire grand-chose, ce d’autant qu’elle est tombée et qu’elle a une rupture de la coiffe des rotateurs au niveau de ses 2 épaules : « Le peu que je fais, ça me coûte », et elle ne peut plus faire de la cuisine pour recevoir ses enfants : « Avant, ils étaient souvent là ». Elle est devenue dépendante des autres « faire la toilette entière et tout ça, ça m’agace ». Elle a perdu la mémoire, est devenue frileuse, fait des chutes de tension artérielle pendant la dialyse et a un eczéma qui l’invalide : « J’avais pas d’eczéma, et puis voyez, c’est venu, ça vient partout… Quand ça me démange, ça me prend plus la nuit… De supporter, c’est pas possible, il faut se gratter… ». Bien qu’elle dise : « Je vais pas à reculons parce que c’est comme ça, c’est comme ça », elle se demande si elle a bien fait de commencer la dialyse : « Par moments, je me demande… Ah ben, je l’ai dit, ça je le dis. Mais est-ce que je l’aurais fait, j’peux pas… j’ai pas quand même le moral à la fin… » ;

o Mme GUE., 38 ans, se considérait comme une « super-woman » avant la dialyse, pour reprendre son expression, car elle avait un taux de créatinine très élevé et se sentait en pleine forme. Elle a été obligée d’arrêter son travail du fait de la dialyse. Au moment de l’entretien, elle exprime : « J’ai pas l’impression que la dialyse m’a fait du bien… franchement ça gâche notre vie… là j’ai plus l’mental… et depuis que j’ai fait la dialyse, je ne suis pas repartie

marcher, parce que j’ai mal dans les jambes en permanence, parce que je me fatigue davantage… J’ai p’us la patate d’avant ».

Pour trois autres patients, l’état de santé qui était déjà médiocre avant la dialyse ne s’est pas amélioré. Il est resté « à peu près pareil » :

o Mme ALE., 92 ans, est dans une maison de retraite, dépendante de soignants pour son

hygiène de vie. Elle commençait à perdre son autonomie avant la dialyse du fait de son âge, mais surtout elle a eu une entrée précipitée en dialyse dont elle ne garde aucun souvenir. Elle a toutes ses facultés intellectuelles mais elle marche très peu et sa mobilité restera restreinte. Ses dialyses se passent bien cependant et ne sont pas du tout un fardeau pour elle. Elle est entourée d’affection par les membres de sa famille et souhaite continuer à vivre pour eux ;

o Mme FER., 90 ans, a dû changer de domicile et arrêter son activité professionnelle avec

l’instauration de la dialyse. Ses séances de dialyse ne se passent pas bien : « 4 heures comme ça, c’est trop. Alors, la quatrième heure, c’est un vrai supplice. J’ai froid, j’ai toujours les pieds glacés, glacés… Je suis trop malheureuse la nuit, jusqu’au lendemain midi… », mais comme elle est religieuse, elle n’a pas voulu abréger sa vie : « J’aurais pas voulu diminuer ma vie. En conscience, je n’ai pas le droit » ;

o Mme POI., 82 ans, trouve qu’elle n’a que 2 journées de bonnes dans une semaine. Avant la

dialyse, elle ne se plaignait que de douleurs rhumatismales. Depuis qu’elle est dialysée, elle n’a pas vu d’amélioration de son état de santé : elle a des nausées, a froid, est plus fatiguée, n’a pas envie de sortir de chez elle. Elle trouve que les séances de dialyse sont longues :

« C’est long, c’est ça, de rester sur le dos comme ça pendant 4 heures sans bouger, c’est… moi qui ai mal dans les jambes. Quelquefois, vous avez des crampes et tout ça… ». Si elle a eu une mauvaise séance, elle appréhende de retourner à la séance suivante. Selon elle, « ça m’apporte juste que ça peut me prolonger des années à vivre ».

Enfin, un patient qualifie sa santé de médiocre :

o M. LEC., 46 ans, n’accepte pas d’être dialysé : « La dialyse, non, non, je l’accepterai jamais… ». Il vit mal cette situation : « Non, j’ai envie de rien, non, non. La seule chose que j’fais, c’est le ménage, à manger, ma cour par obligation ». Il dort très mal mais se repose un peu pendant les séances de dialyse. Il attend la greffe avec impatience : « La greffe, j’y vais de bon cœur, pour reprendre une vie normale après ».

Ainsi, chez ces 6 patients qui trouvent leur état de santé « médiocre », il faut distinguer les 4 personnes les plus âgées de plus de 80 ans, qui ont leur santé altérée pas uniquement à cause de la maladie rénale, des 2 plus jeunes qui n’ont pas accepté la dialyse ni l’arrêt de leur activité professionnelle. Ils auraient sans doute besoin d’être plus soutenus, accompagnés. Pour deux personnes âgées de 89 et 90 ans, les séances de dialyse, ainsi que les périodes suivant ces séances, sont très inconfortables. La question de l’arrêt des dialyses pourrait se poser, mais cela n’est pas

concevable pour Mme FER. qui est religieuse, ni pour Mme VAL. qui ne se sent pas prête à mourir malgré tout.

(ii) Patients du cluster 2

Ce groupe, est composé de réseaux de soutien lâches, très peu denses, avec un voisinage soutenant. Les personnes seules y sont surreprésentées, 5 patients sur 7 ont eu une amélioration de leur état de santé en étant dialysés :

Nom (âge) Type EER Perception actuelle de l’état de santé Etat de santé actuel par rapport à l’an dernier à la même période

KOT. (76) HD Centre Bonne Beaucoup moins bon

MOT. (92) HD Centre Bonne Bien meilleur que l’an dernier

JAM. (85) DPCA Médiocre Beaucoup moins bon

LAR. (48) HD Centre Bonne Plutôt meilleur

SEG. (83) HD Centre Mauvaise Plutôt meilleur

LEL. (84) HD Centre Bonne Plutôt meilleur

BON. (72) HD Centre Très bonne Plutôt meilleur

Tableau n°53 : Comparaison de l’état de santé des patients du cluster 2 par rapport à l’année précédente à la même époque.

Deux patients trouvent que leur état de santé est beaucoup moins bon depuis le début de la dialyse :

o Mme KOT., 76 ans, dont les dialyses se passent bien, mais elle a de terribles douleurs des

membres inférieurs et ne peut plus marcher du fait d’une artériopathie en lien avec son diabète. Elle aurait peut-être eu cette symptomatologie sans être dialysée. Comme elle le dit : « Les pieds, c’est pire que tout ! C’est pas la faute de la dialyse, c’est la faute de mes pieds… ». En dehors de cette complication qui l’invalide, elle qualifie sa santé de « bonne » malgré tout car elle pense que les traitements vont être efficaces et que cette complication n’est que transitoire. Elle vit dans l’espoir de remarcher normalement ; o M. JAM., 85 ans, dont la dialyse (par voie péritonéale) se passe très bien également. Il se portait très bien quand on lui a annoncé qu’il devrait dialyser : « Vous étiez en pleine forme ? Ben oui, c’est ça qu’est triste ». Il reconnaît lui-même que la dialyse à domicile ne pose pas de problèmes particuliers, mais il a du mal à accepter cette contrainte. Il ne souffre pas, mais il exprime : « La dialyse, moi je voudrais que ça n’existe pas, hein… C’est pesant, c’est contraignant. On est obligés d’y passer, voilà… Ces sacrées poches qui bloquent tout ! ». Il perçoit sa santé comme « mauvaise » car la DP est venue troubler le cours paisible de sa vie, mais objectivement, son état de santé ne s’est pas dégradé.

En ce qui concerne Mme SEG., 83 ans, elle trouve que son état de santé est plutôt meilleur qu’avant dialyse, mais elle qualifie sa santé de « mauvaise » car elle se plaint d’un prurit, complication assez fréquemment observée chez le dialysé pour laquelle il n’y a malheureusement pas de traitement très efficace à l’heure actuelle : « C’est très désagréable, c’est douloureux, très douloureux…

Ca réveille des fois ». Du fait de l’évolution naturelle de sa scoliose, elle ne peut plus se déplacer qu’avec un fauteuil roulant qu’elle pousse comme un déambulateur. Elle va devoir quitter sa maison, la vendre et aller en maison de retraite.

(iii) Patients du cluster 3

Ce groupe est composé de réseaux de soutien vastes, tournés vers les autres. Il comporte 5 patients, 3 d’entre eux trouvent que leur état de santé est stable ou plutôt meilleur par rapport à l’an dernier :

Nom (âge) Type EER Perception actuelle de l’état de santé Etat de santé actuel par rapport à l’an dernier à la même période

BAR. (80) UDM Mauvaise Plutôt moins bon

KUB. (53) HD Domicile Bonne Plutôt meilleur

CAM. (48) HD Centre Très bonne A peu près pareil

LIZ. (85) HD Centre Bonne Plutôt moins bon

CHA. (83) HD Centre Médiocre Plutôt meilleur

Tableau n°54 : Comparaison de l’état de santé des patients du cluster 3 par rapport à l’année précédente à la même époque.

Deux patients trouvent que leur santé est plutôt moins bonne depuis qu’ils sont dialysés : o M. BAR., 80 ans, qualifie sa santé de « mauvaise » car il dit tout oublier et a beaucoup

maigri. Il est devenu sédentaire et ne peut plus faire de randonnées comme avant. Arrivé en dialyse, il a suivi rigoureusement les consignes de la diététicienne et n’avait plus goût à rien, ne mangeait plus rien, et puis comme il le dit : « J’ai relâché un peu, et je vais nettement mieux » ;

o Mme LIZ., 82 ans, trouve que son état de santé est bon, mais « moins bon » qu’avant la

dialyse, car elle a de gros troubles de mémoire. Elle s’inquiète de ne presque plus uriner et pense que sa maladie rénale s’est aggravée. Elle se demande ce qui va lui arriver. ses dialyses ont été débutées en urgence, et son mari est décédé exactement à ce moment-là. Elle pleure à chaque fois qu’elle évoque le nom de son mari.

Le premier patient n’a pas encore trouvé son « régime de vie », mais il est sur la « pente ascendante ». Il aurait sûrement gagné à voir plus souvent la diététicienne. Quant à Mme LIZ., elle se remet à peine des épreuves qu’elle a traversées. Un soutien psychologique lui aurait peut-être été bénéfique. Par ailleurs, Mme CHA., 83 ans, diabétique, trouve que son état de santé est meilleur, mais pour autant, elle qualifie sa santé de « médiocre » car elle a des troubles de la marche qui l’obligent à sortir de chez elle avec un déambulateur. Du fait de cette perte d’autonomie, elle ne voulait plus se battre pour vivre. Elle ne voulait pas dialyser, mais elle a accepté cette contrainte uniquement pour sa petite-fille, pour pouvoir assister à son mariage.