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2.3 Premier regard sur les données inclinométriques

2.3.3 Les observations hydromécaniques (court-terme)

Les séismes résultent de la rupture de failles en profondeur lorsque les contraintes ci- saillantes exercées sur celles-ci dépassent un seuil critique. L’énergie libérée par la rupture, qui dépend de la surface de la faille qui a « glissé » prend la forme d’ondes de déformations qui se propagent dans les roches terrestres, notamment la croûte. L’amplitude de ces ondes décroît avec la distance au foyer, et lorsqu’un séime est suffisamment puissant, sa signature peut être enregistrée partout dans le monde grâce à des sismomètres qui sont sensibles à des infimes accélérations de la surface. Les inclinomètres longue-base de Ploemeur enregistrent eux aussi les déformations haute fréquence11 créées par les séismes. Nous montrons en fi- gure2.23la signature du séisme du 11 mars 2011 dont l’épicentre était Tohoku (Japon) avec une magnitude de 9.0 sur l’échelle de Richter. On constate que différents trains d’ondes sont perçus par l’inclinomètre LB1 N328◦E et l’amplitude maximale mesurée dépassent 2µrad, soit plus de 10 fois l’amplitude du signal de marées en cette même période. Le passage des ondes sismiques de Tohoku se traduisent également par des oscillations haute fréquence du niveau piézométrique sychrones à la détection du séisme par les inclinomètres. Cet effet poro-élastique est lié aux variations de la contrainte totale sur l’aquifère, qui dans les condi- tions non-drainées [Wang, 2000] doivent être balancées par des variations de la pression de fluide pour garantir une contrainte effective constante (comme nous l’avons vu dans le cha- pitre 1, équation1.10page42).

Les signaux dus aux cycles de pompages

Comme nous l’avons expliqué auparavant, le site de Kermadoye est équipé de trois fo- rages exploités pour l’alimentation en eau potable de la ville de Ploemeur. Les pompes sont implantées dans les forages Pe, F31 et F29 (figure2.12). La gestion de l’exploitation a évo- lué au cours des années mais dans tous les cas, le pompage n’est pas effectué en continu. En effet, les pompes sont enclenchées lorsque les châteaux d’eau de la ville nécessitent un remplissage. Les niveaux piézométriques fluctuent donc en conséquence, et la déformation induite par les phases successives de mise en charge et décharge de l’aquifère fracturé est parfaitement saisie par les inclinomètres installés à Ploemeur, comme illustré pour un incli-

11. Toutefois, les fréquences les plus hautes ne sont pas perçus par les inclinomètres, à cause de leur temps de réaction et de la période d’échantillonnage trop grande.

FIGURE2.23 – Signature du séisme de Tohoku dans les données inclinométriques et piézométriques.

Les ondes de périodes ∼ 6 h sont les signaux dus aux marées terrestres, qui sont visibles à la fois dans les données inclinométriques avec une amplitude de ∼ 0.2 µrad et dans les données piézométriques avec une amplitude de ∼ 2 cm.

nomètre longue-base en figure2.24, et un inclinomètre courte-base en figure2.25. Toutes les stations inclinométriques ont des comportements similaires en réponse aux cycles de pom- page, à ceci près que les inclinomètres courte-base ne suivent pas toujours aussi fidèlement la forme transitoire caractéristique des variations de charges (figure2.24et2.25).

FIGURE2.24 – Réponse inclinométrique typique de LB1 NS aux cycles de pompage sur le site de Ker-

madoye. Le signal dû aux marées a été ôté du signal inclinométrique même s’il est possible d’en per- cevoir encore quelques résidus.

Notons par ailleurs que le tilt engendré par une variation de charge hydraulique a une amplitude inférieure dans le signal LB1 NS que dans celui de IMF1 EW. En effet, un rabat- tement d’environ 3.7 m au niveau de la faille N20 induit typiquement un tilt légèrement inférieur à 1 µrad sur LB1 NS (figure2.24), tandis qu’un rabattement d’environ 2.8 m fait s’incliner l’inclinomètre IMF1 EW de plus de 6 µrad. En fait, la station IMF1 est bien plus proche que la station LB1 de la structure conductrice N20, où les flux se concentrent princi- palement lors des pompages ou arrêts de pompage. IMF1 est ainsi situé à proximité directe des plus grandes variations de charge hydraulique et enregistrent donc des déformations plus grandes. L’orientation des instruments possède aussi son importance mais ici, les deux inclinomètres sont positionnés de façon relativement similaire par rapport à la faille.

FIGURE2.25 – Réponse inclinométrique typique de IMF1 EW aux cycles de pompage sur le site de

Le développement d’un code informatique destiné à reconnaître automatiquement une grande partie des évènements liés aux cycles de pompages dans les séries temporelles de piézométrie et d’inclinométrie, a contribué à établir si le lien entre amplitude de tilt et de pression est systématique à Ploemeur (figure2.26). La routine se base essentiellement sur deux choses pour accéder à la durée et l’amplitude de chaque évènement dans les diffé- rentes chroniques : 1) la période durant laquelle les pompes sont arrêtées ou en marche sont identifiées dans les données de débits mesurées et fournies par l’exploitant du site. Mal- heureusement, nous avons disposé de chroniques de débits à un pas de temps de 15 min uniquement pour une période limitée recouvrant celle des enregistrements de tilt et de pié- zométrie. Les autres données de débits octroyées sont des volumes cumulés par jour, ce qui n’est pas suffisant pour faire fonctionner la routine développée. 2) Une fois que la liste des dates d’arrêt et de marche des pompes est composée, un algorithme recherche autour de ces dates des sauts abrupts dans les dérivées temporelles des chroniques analysées. Il est ainsi possible d’obtenir les coordonnées des maxima et minima locaux correspondant à l’arrêt ou au démarrage des pompes, ce qui autorise le calcul des amplitudes et des durées.

Néanmoins, la routine n’est pas parfaite et il se peut que la lecture des amplitudes ou des temps de fonctionnement des pompes soit erronée, ou bien imprécise à cause de la pré- sence de résidus des signaux de marée trop importants dans les chroniques de tilt . Au total, nous avons pu repérer 208 évènements d’arrêt des pompes (et donc de mise en charge de la nappe) ainsi que les amplitudes en terme de pression et de tilt associées. Nous présentons en figure2.27a l’amplitude des tilts, mesurés à la station LB1 dans la direction perpendiculaire à la faille N20, en fonction de l’amplitude des variations de charge hydraulique à la remontée dans le forage F32. Malgré les imprécisions et les erreurs, on observe qu’un nombre signi- ficatif de points semblent s’aligner selon deux droites successives. Cela signifie que jusqu’à ∼ 2.5 m de variation de charge, le rapport charge/tilt est de 0.16 µrad/m puis bascule à 0.8 µrad/m au delà de ce seuil. Il existe donc bien un lien systématique qui unit les variations de charge hydraulique à la déformation mesurée à une centaine de mètre des pompages, mais il met en jeu au moins deux régimes distincts.

FIGURE2.26 – Résultats obtenus grâce à la routine de reconnaissance automatisée des évènements

de pompage ou d’arrêt de pompage, ainsi que leur durée et leur amplitude, dans les chroniques d’in- clinométrie (a) et de piézométrie (b).