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Les observations dans le domaine offshore

Chapitre III: La crise de salinité messinienne : un événement

B. Les avancées récentes

B.2. Les observations dans le domaine offshore

De nombreuses campagnes de sismique réflexion ont eu lieu dans le golfe du Lion, portant essentiellement sur la plate-forme et la pente. Le bassin profond demeurait jusqu’à ce jour relativement peu connu.

a. La surface d’érosion messinienne

La surface d’érosion messinienne est un des marqueurs principaux de la Crise de Salinité Messinienne. Elle représente un argument important en faveur d’un abaissement du niveau marin supérieur au millier de mètres durant le Messinien.

La morphologie de cette surface d’érosion a permis de mettre en évidence l’existence de paléo-réseaux fluviatiles d’âge messinien à l’origine de l’érosion des marges (Barber, 1981; Gennesseaux and Lefebvre, 1980; Gorini, 1993; Guennoc et al., 2000). La cartographie de la surface d’érosion messinienne montre clairement deux réseaux principaux : le réseau rhodanien et le réseau pyrénéo-languedocien (Figure III-9).

b. Les produits détritiques

Au débouché de l’érosion messinienne, il était logique de trouver les produits issus de cette érosion. Un des premiers systèmes détritiques documenté a été celui du Nil (Barber, 1981; Rizzini et al., 1978). Cet éventail messinien peut atteindre plus de 1000 m d'épaisseur. Il est constitué de sédiments fluvio-deltaïques accumulés dans le secteur amont, au-dessus de la surface d’érosion messinienne. Ces dépôts sont constitués de sables, de grès et de conglomérats intercalés avec des niveaux argileux. Dans le golfe du Lion, les dépôts détritiques sont restés inconnus pendant de nombreuses années. Ce paradoxe n’a été qu’en partie résolu ces dernières années, puisque seulement de petites quantités de sédiments potentiellement issus de l’érosion ont été décrits (Lofi, 2002; Lofi et al., 2005).

Figure III-9: Carte des isobathes de la surface messinienne du golfe du Lion. On peut voir le tracé des fleuves messiniens pyrénéo-languedociens à l’ouest et rhodaniens à l’est (Guennoc et al., 2000).

En Méditerranée occidentale, les éventails détritiques messiniens mis en évidence sont les suivants (Figure III-10) :

En mer Ligure, au large du Var, un éventail de taille beaucoup plus réduite que l’éventail du Nil a été cartographié (Savoye and Piper, 1991). Il serait constitué de sédiments deltaïques accumulés parallèlement au dépôt des évaporites supérieures dans le bassin. Au-dessus, une unité conglomératique épaisse d’une trentaine de mètres, déposée dans l’axe des thalwegs messiniens, se serait mise en place pendant la transgression marine accompagnant l’achèvement de la crise.

Des dépôts détritiques ont également été identifiés et cartographiés à l’Ouest de la Sardaigne (Sage et al., 2005) et de la Corse. Ils seraient organisés en prismes progradant vers le bassin et reposeraient, en amont, sur la surface d’érosion messinienne. Au-dessus, une unité fortement réflective en sismique, qui se termine en biseau progressif sur la marge, est observée dans l’axe des canyons. Les auteurs interprètent ces dépôts comme contemporains de la remise en eau du bassin à l’achèvement de la crise. Ils pourraient correspondre à l’unité conglomératique observée par Savoye et Piper (1991) au large du var.

Au large de la plate-forme du golfe du Lion, en pied de pente, une unité au faciès sismique chaotique a été localement observée sous les évaporites supérieures et le sel par Dos Reis (2001). La cartographie de ces dépôts au faciès chaotique a ensuite été réalisée par Lofi (2002). Observés sous la pente et le glacis, ces sédiments sont organisés en deux éventails détritiques orientés NW-SE (l’éventail du Languedoc-Roussillon à l’est et de la Rascasse à l’ouest) et qui deviennent coalescents en pied de pente. Dans la partie amont de ces édifices, les dépôts ont une extension latérale restreinte et sont limités au remplissage des dépressions messiniennes creusées sur la pente. Dans la partie aval des éventails (Figure III-11), les produits détritiques sembleraient passer latéralement au toit des évaporites inférieures. Ils sont surmontés

Figure III-10 : Position de différents éventails détritiques messiniens décrits jusqu’à aujourd’hui. Ces éventails se situent au débouvhé du Var messinien (Savoye and Piper, 1991), en Sardaigne (Sage et al., 2005), dans le golfe du Lion (Lofi et al., 2005) et dans le bassin de Valence (Maillard et al., 2006).

Lofi (2002; 2005) a réalisé une comparaison entre le volume érodé sur la plate-forme pour la partie Langudoc-Roussillon et le volume des éventails détritiques observés en aval (Figure III-12). L’auteur trouve un volume minimal érodé d’environ 3000 Km3 pour un volume déposé compris entre 900 et 1400 Km3, soit 2 à 3 fois moins que le volume estimé pour l’érosion.

Pour expliquer cette différence, Lofi (2002) introduit des déstabilisations gravitaires qui auraient pu entraîner les produits érodés dans le bassin profond sous la forme de turbidites (Lofi et al., 2005).

Figure III-11 : Profil sismique et son interprétation montrant le passage latéral des produits détritiques dans le golfe du Lion avec les évaporites du bassin (Lofi et al., 2005).

c. Les évaporites profondes

Les principales études sur les évaporites du bassin profond proviennent des leg XIII et XLII des campagnes DSDP (Hsü et al., 1978a; Ryan et al., 1973). Cependant, seule la partie supérieure des évaporites a été forée. D’autres observations ont décrit les faciès sismiques des séries situées sous le sel « fluant » mais la nature et l’âge de ces séries reste hypothétique. La série évaporitique messinienne est donc souvent décrite comme l’addition des évaporites supérieure et du sel « fluant ».

La série évaporitique messinienne serait ainsi épaisse de 2000 à 2500 m en Méditerranée orientale et de plus de 1500 m dans la partie occidentale (Montadert et al., 1970). Contrairement au domaine de plate-forme où une surface d’érosion sépare les sédiments miocènes des sédiments plio-quaternaire, le domaine de bassin profond montre une concordance entre les séries miocènes sous-jacentes et les séries pliocènes sus-jacentes. L’absence de surface d’érosion au toit des évaporites supérieures dans le centre du bassin profond témoignerait de l’immersion constante des plaines abyssales sous une tranche d’eau suffisante au cours de la crise. Plusieurs observations récentes soulignent cependant le caractère érosif du toit des évaporites supérieures dans le bassin de Valence (Maillard et al., 2006) et en Sardaigne (Sage et al., 2005).

L’évaporation d’une tranche d’eau de 1000 mètres ne donnerait qu’une couche de halite d’une dizaine de mètres d’épaisseur. Or, dans certains points de la Méditerranée, on enregistre des accumulations de près de 1000 mètres d’évaporites messiniennes. Il faut donc admettre un renouvellement régulier des eaux par l’océan ouvert, rechargeant le système en sels et permettant des dépôts répétés d’évaporites. Le dépôt massif d’évaporites nécessite donc plusieurs cycles évaporitiques ou une alimentation continue en eaux salées.

C. Conclusion

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