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Les nouveaux espaces de la négociation de l’emploi

7.1. Les territoires

Historiquement construite autour des trois espaces que sont le niveau interprofessionnel, la branche et l’entreprise, la négociation collective peut aujourd’hui s’envisager au sein de nouveaux espaces réunissant plusieurs entreprises, et autour desquels se structurent les problématiques d’emploi : le territoire, le bassin, le site d’entreprises (voire le

« chantier »).

L’émergence de ces nouveaux espaces potentiels impliquent de concilier deux impératifs, en apparence contradictoires.

Le premier est celui de la simplification et de la clarification du paysage conventionnel.

De ce point de vue, l’institution d’un nouveau niveau de norme, celui du territoire, s’intercalant entre la branche et l’entreprise, ne peut que conduire à la confusion. Elle favoriserait les conflits de normes en s’en remettant à des arbitrages prétoriens qui ne sont pas toujours opportuns.

Le second est celui de l’emploi, qui conduit à constater que c’est au niveau du territoire et des sites que se créent des initiatives particulièrement intéressantes et innovantes en matière de gestion de l’emploi et de conditions de travail. Le site et le territoire sont un niveau très pertinent où la négociation collective doit trouver une place.

C’est ainsi que des sites regroupant de multiples entreprises peuvent porter par la voie de la négociation des initiatives sur les mobilités professionnelles, la Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ou sur des questions très concrètes pour la vie quotidienne des salariés du site comme, par exemple, les crèches collectives, l’organisation des transports et des horaires, la formation ou la restauration collective.

La conciliation de ces deux impératifs s’impose en conséquence.

Ces négociations territoriales et de sites créant des dispositifs innovants, leur existence devrait être explicitement reconnue dans la loi, à charge pour le législateur non pas d’organiser une représentativité territoriale des acteurs, trop complexe à mettre en œuvre, mais des règles simples et adaptées de négociation ouvertes notamment aux syndicats de salariés représentatifs au niveau national.

Pour bien montrer que l’on est dans un cadre dérogatoire qui n’est pas assimilable aux formes classiques de négociation, les termes de « dispositifs territoriaux négociés » pourraient être utilisés.

Le principe devrait être posé que ces dispositifs s’appliqueraient au territoire concerné sans s’immiscer dans les relations entre entreprise et salariés.

Les dispositions de nature normative que, le cas échéant, ces « dispositifs territoriaux négociés » contiendraient n’auraient d’effet juridique que dans la mesure où elles seraient explicitement reprises dans les accords d’entreprise conclus à l’intérieur du territoire concerné ou dans une décision unilatérale de l’employeur pour les TPE.

Les cas dans lesquels il pourrait être reconnu une portée normative directe aux accords territoriaux ne pourraient être que très exceptionnels (voir pour le travail dominical, la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques).

PROPOSITION N° 39 – Reconnaissance législative mais avec un encadrement très souple des « dispositifs territoriaux négociés ».

7.2. Les filières

Lors des travaux du groupe de travail, la question d’accord collectif intégrant les logiques de filières et donc des rapports entre entreprises donneuses d’ordres et sous-traitants a été évoquée. De tels accords répondraient à une logique sociale et économique.

Dans un contexte général où la « chaîne de valeur » (notion qui désigne l’ensemble des fonctions assumées pour produire et mettre sur le marché un bien ou un service) est de plus en plus éclatée le long de filières internationalisées, aucune entreprise n’intègre plus l’ensemble des étapes de la chaîne de production et de distribution. Il existe donc aujourd’hui un enjeu majeur pour les négociateurs, qui doivent pouvoir accéder à une information pertinente, comprendre l’ensemble du processus et dépasser le cadre strictement juridique de l’entreprise.

Se pose également la question du bon niveau de la négociation pour qu’il soit en adéquation avec le niveau effectif de la décision.

En revanche, plaquer ces accords dans un paysage dont les piliers essentiels sont l’accord de branche et l’accord d’entreprise peut être source de grande insécurité en l’absence de toute articulation entre les différents accords.

Si la restructuration des branches aboutissait à une meilleure adéquation avec les logiques de filières, une partie de la difficulté pourrait à terme disparaître.

En tout état de cause, c’est un domaine qui devrait pouvoir être ouvert à l’expérimentation et à l’initiative de branches et d’entreprises volontaires, ceci sous le contrôle des pouvoirs publics et notamment des ministères en charge de l’économie et du travail.

Le législateur pourrait prévoir le cadre juridique de ces expérimentations, dans le cadre de ce que les spécialistes dénomment parfois « l’entreprise étendue ».

PROPOSITION N° 40 – Lancement d’une expérimentation relative aux accords collectifs concernant les filières et les sous-traitants dans le cadre de la notion de l’« entreprise étendue ».

7.3. Les accords au niveau européen et mondial

Comme précédemment indiqué, il existe une importante activité conventionnelle menée au sein de l’Union européenne sous l’égide des pouvoirs publics communautaires.

Traditionnellement on distingue les négociations à caractère sectoriel des négociations à caractère général (télétravail, risques psycho-sociaux, etc.).

Ces accords qui peuvent être comparés aux accords nationaux interprofessionnels et aux accords de branche signés au niveau national doivent être soigneusement distingués des accords dits transnationaux qui sont signés aux niveaux mondial et européen par certains grands groupes.

Même si la Commission de l’Union européenne a commencé à s’intéresser à eux, leurs conditions de négociation et de signature sont caractérisées par un certain flou juridique.

Pour autant et comme le montrent les études de certaines organisations syndicales au niveau européen (par exemple IndustriAll Trade Unions), les accords sont généralement de qualité.

Comme pour les accords territoriaux, il ne faut pas enfermer ces accords dans un carcan juridique qui serait inadapté au regard de la diversité des groupes.

En revanche, leur négociation est un champ sans pareil d’enrichissement pour les DRH et les syndicats des différents pays.

Il serait de ce point de vue opportun de mieux faire le lien entre ces accords et les accords négociés au niveau national.

Un champ d’innovation serait que ces accords accompagnent davantage la mobilité ou l’emploi au sein de l’Union européenne.

PROPOSITION N° 41 – Mise en valeur des bonnes pratiques des accords transnationaux et meilleure articulation entre accords transnationaux et accords nationaux.