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L’urgence : les mesures immédiates

La question du temps est essentielle dans les conditions de mise en œuvre concrète d’une telle réforme. Elle est curieusement méconnue par la plupart de ceux qui, ces derniers mois, ont proposé des réformes substantielles en la matière.

Il faut donc distinguer ce qui relève de l’urgence et ce qui relève du plus long terme.

La première mesure immédiate consisterait à étendre le champ de la négociation sur les quatre piliers des accords ACTES que sont le temps de travail, les salaires, l’emploi et les conditions de travail, avec une nouvelle architecture entre les accords de branche et d’entreprise, et à reprendre d’autres mesures proposées par le rapport qui ne posent pas de difficulté pour leur mise en œuvre dans le temps.

La voie d’action privilégiée pourrait être un projet de loi relativement court.

La « maquette » de ce texte pourrait être la suivante :

Partie I – Les accords sur les conditions de travail, le temps de travail, l’emploi et les salaires

le champ d’application : définition des parties du code du travail concernées ;

l’ordre public et la délégation de la loi : serait posé le double principe du respect des dispositions législatives indiquant explicitement qu’elles sont d’ordre public et du renvoi à la négociation collective ;

les missions des accords de branche : l’ordre public conventionnel, la définition des stipulations supplétives s’appliquant en l’absence d’accord d’entreprise, les missions de prestations de services notamment vis-à-vis des TPE et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au niveau de la branche ;

la priorité donnée à l’accord d’entreprise : sous la réserve des ordres publics législatifs et conventionnels de branche, l’accord d’entreprise s’applique en priorité, à défaut s’appliquent les stipulations supplétives de l’accord de branche, à défaut d’accord collectif d’entreprise ou de branche s’appliquent les

dispositions supplétives, qualifiées explicitement comme telles, du code du travail ;

la prévalence des accords collectifs liés directement à l’emploi sur le contrat de travail : par dérogation aux dispositions de droit commun de l’article L.2254-1 du code du travail, les accords liés directement à l’emploi ne peuvent se voir opposer les stipulations contraires des contrats de travail ; le salarié qui refuse l’application de cet accord peut être licencié pour un motif économique dont la cause est présumée, son régime d’indemnisation dans cette hypothèse est inférieur à celui d’un salarié qui fait l’objet d’un licenciement pour motif économique dans les conditions de droit commun ;

dispositions particulières d’adaptation des règles actuelles du code du travail ; il s’agit de faire la liste des dispositions du code du travail concernées en faisant le partage entre ce qui relève de l’ordre public, du renvoi à la négociation et des dispositions supplétives en l’absence d’accord collectif.

Partie II – Les dispositions générales concernant la négociation collective

la limitation dans le temps des accords collectifs ;

la consécration des accords de méthode ;

la définition des règles concernant l’accès aux accords collectifs et leur interprétation ;

l’assimilation des accords de groupe aux accords d’entreprise ;

le renvoi encadré à la négociation aux partenaires sociaux dans le champ de l’économie digitale ;

le renvoi explicite à la faculté de négocier dans le champ de la RSE ;

l’accord majoritaire d’entreprise.

Partie III – Les dispositions sur la restructuration des branches : il s’agit de prévoir un mécanisme impératif de fusion des branches qui représentent, dans un premier temps, moins de 5 000 salariés.

Partie IV – Les dispositions transitoires : il s’agit de définir les conditions dans lesquelles on passe de l’ancien système à la réforme sans mettre en péril la sécurité juridique des accords déjà conclus.

Ce texte peut être élaboré rapidement.

Il implique néanmoins un gros travail technique de préparation et de rédaction (« légistique »).

Ce travail doit incomber aux services du ministère du travail, sous l’autorité du ministre, qui, dans une matière aussi technique et sensible, disposent, d’une part, de la compétence technique et de la pratique de la négociation et, d’autre part, de la capacité et de la volonté de travailler en concertation étroite avec les partenaires sociaux.

Dans la mise en œuvre de cette réforme, la méthode sera aussi importante que le fond.

S’agissant de la partie consacrée notamment aux accords ACTES, il est nécessaire d’élaborer des dispositions particulières d’adaptation des règles actuelles du code du travail faisant bien apparaître pour chacune des matières ce qui relève de l’ordre public, ce qui relève de la négociation et ce qui relève du supplétif en l’absence d’accord collectif.

Seraient plus particulièrement concernées et donc modifiées par ce texte législatif les dispositions suivantes du code du travail :

− les dispositions sur l’articulation des conventions et accords (titre V du livre II de la deuxième partie du code) ;

− les dispositions sur la durée du travail (titre II du livre I de la troisième partie du code) ;

− les dispositions sur l’organisation du travail (titre I du livre I de la quatrième partie du code) ;

− les dispositions sur le maintien et la sauvegarde de l’emploi (titre II du livre I de la cinquième partie du code).

Enfin ce texte devrait répondre aux prescriptions du présent rapport et ne pas se traduire par une augmentation nette du « poids » du code du travail. Il devrait, en conséquence, être accompagné de l’abrogation de certaines dispositions rendues obsolètes par la réforme.

Le courant de l’année 2016 serait la référence pour le vote de ces mesures relevant de l’urgence.

Agenda de la réforme, à court terme (courant 2016) :

stabiliser la norme législative en fixant un agenda social annuel strict ;

recourir à un texte de niveau législatif (loi ou ordonnance de l’article 38 de la Constitution) pour étendre et rationaliser la négociation dans les champs prioritaires des accords ACTES ;

prévoir dans le même texte des dispositions générales sur la négociation collective (place des accords de méthode, limitation législative dans le temps de la durée des accords d’entreprise et professionnels de branche, accords de groupe, etc.) ;

prévoir dans le même texte des mécanismes permettant l’accélération de la restructuration des branches.