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4. PARTIE 3 : LES RECHERCHES THÉORIQUES

4.2. L E MODÈLE INFORMATIQUE

4.2.3. Les niveaux propres à l'intelligence artificielle

On est en présence d'un environnement de représentations musicales, de processus d'aide à la traduction de ces représentations, et d'une structure de processus qui peut engendrer par instanciation des directions de communication entre ces représen-tations. Dans cet environnement, l'élève peut écouter une pièce, puis la transcrire par l'intermédiaire de la représentation gestuelle ou partition.

Mais considérons un instant la production de l'élève comme un texte, c'est-à-dire comme un objet logiciel, associé à une pièce musicale. Ceci est possible car la pièce dont il est question a été produite par le biais d'une représentation générative. Après calcul de la représentation en EPF de la pièce produite, ce qui est par définition pos-sible également, on peut comparer point à point les valeurs de chacun des EPF avec ceux de la pièce écoutée, qu'on possède aussi. On est en présence d'une sorte de système d'écoute sémantique assistée de bas niveau.

Pourquoi parlons-nous d'écoute sémantique, en ayant l'air d'en exclure la dimension syntaxique ? Parce qu'on n'atteint pas de la sorte la reconnaissance en temps du phénomène musical. On préfère une écoute heuristique, hors temps, plus robuste aux erreurs locales et contextuelles de l'élève : nous avons longuement argumenté cette position dans [Rousseaux 88].

Cependant, on se réserve les moyens d'aborder la question syntaxique par ailleurs, en mettant en œuvre des algorithmes de reconnaissance de formes et de motifs, basés sur les transformations musicales habituelles. Mais ce genre d'approche est très difficile à rendre pertinente dans un cadre pédagogique : sur l'exemple suivant, on présente un cas typique, ou l'élève a fait des choix de référence de hauteur et de métrique, qui vont probablement faire échouer tous les processus de diagnostic trop linéaires basés sur une reconnaissance événementielle primaire. Il faudrait pouvoir détecter que l'élève a tout simplement fait des choix de transcription différents de ceux du compositeur de la pièce : dans un contexte où cet élève travaille la

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transcription sans diapason et sans métronome, la divergence entre les deux objets abstraits est purement stylistique.

S'il est primordial de disposer d'écoute syntaxique, nous n'avons pas trouver le moyen d'en rendre compte de façon assez pertinente pour que cette approche puisse fonder un modèle pédagogique.

Par ailleurs, pourquoi avons-nous parlé d'écoute de bas niveau ? Parce que les EPF ne sont pas très pertinents ni très riches quand ils sont seuls à contribution pour expliquer le niveau d'adéquation d'une perception. C'est d'ailleurs pour cela que la forme est quelque chose de plus que l'union des EPF. Pourquoi dans ce cas ne pas permettre à un pédagogue de sculpter une forme référence, qui servira d'enjeu à la perception de l'élève, de projet à son intention et à son attention ? C'est ce que nous proposons, par le biais d'une écoute dirigée par la reconnaissance globale de la forme.

Le pédagogue élabore une grille d'écoute (une structure d'organisation) à partir des EPF qu'il souhaite retenir à cet effet, à l'image du projet pédagogique qu'il souhaite soumettre à l'élève. Ainsi, grâce à cet objet, il sera possible de rendre compte de si-militudes formelles entre la source écoutée et une imitation de l'élève, dans un cadre formel prédéfini mais éditable. De plus, le cadre formel sera à même de fournir des explications à l'élève, et de servir de base de connaissance à des mécanisme d'acquisition et d'apprentissage de règles de progression.

La grille d'écoute est un réseau sémantique organisant certains EPF. Aussi, la structure et le contenu d'une explication demandée par un utilisateur sont-ils

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ment conditionnés par la structure et le contenu de la grille d'écoute du texte impliqué dans l'exercice : c'est pourquoi il est impératif que la grille d'écoute soit entièrement éditable, tant dans sa structure que dans son contenu.

Ainsi, c'est sur cette notion de grille d'écoute que repose toute l'intelligence du système, qui passe par des possibilités d'explication et des propositions de directions de progression. C'est pourquoi les critères d'organisation de la grille sont essentiellement d'ordre pédagogique : il s'agit ici de construire une structure à partir d'éléments typiquement nombreux, très particuliers et à faible représentativité explicative et pédagogique, comme par exemple le nombre d'intervalles renversés dissonants de la pièce étudiée, le but étant d'élaborer des nœuds de haut niveau généraux et didactiques, comme par exemple la couleur harmonique de la pièce.

A titre de métaphore, nous présentons sur la figure ci-dessus deux formes diffé-rentes, constituées chacune à partir d'EPF dont l'ensemble est différent, mais dont certains sont communs aux deux constructions. Si le lecteur nous pardonne, nous poussons plus loin l'analogie graphique en montrant un exemple de deux formes différentes basées sur les mêmes EPF.

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Ces deux formes sont bâties à partir des mêmes éléments porteurs de forme, mais elles ne sont pas identiques. Certes, on pourrait décrire chacune d'elles d'après l'histoire de leur dessin à main levée, comme on le ferait à propos d'un cours de des-sin : à ce titre, il est probable que le contour du corps et de la tête de chacun des animaux soit considéré comme un même trait de crayon, à tracer en premier lieu pour délimiter un ordre de grandeur de la surface occupée par le dessin.

Mais on peut aussi imaginer d'exposer un ordre différent : les animaux possèdent tout deux une tête et un corps, mais il est important de noter que la poule possède en plus des ailes. Il se trouve que la tête du lapin possède deux paires de moustache et deux oreilles : mais peut-être n'est-il pas important de préciser cette multiplicité, ce qui suppose que nous aurions tous reconnu comme lapin un exemple ne comportant qu'une oreille. En revanche, si le graphisme du bec et de la queue de la poule d'une part, et le graphisme de son aile et de ses pattes d'autre part sont identiques, il peut s'avérer pertinent de les distinguer dans l'organisation. De même, on aurait pu accorder de l'importance à l'orientation des graphiques : mais ici, on a supposé que tout le monde était capable de reconnaître les formes élémentaires en jeu, indépendamment des rotations ou des symétries.

Ainsi par exemple, l'auteur du schéma de décomposition suivant s'est engagé, a fait preuve d'une certaine intention, qu'il a d'une certaine manière manifesté en élabo-rant un projet pédagogique, qui est ici celui d'une leçon de science naturelle.

Mais laissons là cette analogie graphique, qui mérite peut-être d'être davantage ap-profondie, mais qu'il est dangereux de manipuler sans avoir fait sérieusement cette démarche. Quant à la figure suivante, elle exprime que deux instances d'une même pièce, en l'occurrence l'instance à percevoir et l'instance perçue, donnent naissance

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à deux ensembles d'EPF instanciés; cette dualité autorise une comparaison qui permet de s'adresser à la forme : il sera possible de mettre ainsi en évidence des divergences de perception de la forme, dans la mesure où les EPF communiquent plastiquement avec la forme.