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La rupture conventionnelle plan de départ volontaire

5 S Autres activités de services 14 4 (+1)

III) Les entretiens : résultats bruts

III.1) L’amont de la rupture

5. La phase des négociations

5.1. Les négociations abouties

Les négociations abouties sont majoritairement le fait des cadres puisqu’ils arrivent à obtenir ce qu’ils demandent (avec l’aide ou non d’un avocat). Avec ou sans pression, ils prennent le temps de tout calculer et de mener leurs négociations jusqu’à l’obtention de toutes leurs exigences. La situation de ce consultant est emblématique de ce pouvoir de négociation des cadres :

« Au terme d’un mois de réflexion, ils sont revenus vers moi pour qu’on trouve un terrain de

convergence. J’avais ciblé la possibilité de passer en rupture conventionnelle, mais vous remarquez, de façon quelque peu conditionnée et contrainte puisqu’ils n’envisageaient pas d’autres possibilités. Moi je m’étais dit qu’à partir du moment où financièrement je m’y retrouve… Mais je n’allais pas que privilégier cet aspect-là. J’en ai aussi profité pendant ce mois de réflexion pour voir quelle était la tendance sur le terrain pour voir si j’avais des chances de m’y retrouver après cette rupture dans les 3 mois, les 6 mois ou les un an. Cette analyse m’a conforté dans l’idée que ça valait peut être le coup d’accepter quelque chose, mais pas tout et n’importe quoi ! J’ai fait mon calcul et quand on s’est revu j’ai dit que puisqu’ils ne veulent pas entendre parler de licenciement économique (mais je reste persuadé que s’en est un masqué et je l’ai clairement dit), on peut engager une négociation et voilà mes chiffres. Je me suis mis dans la peau d’un futur chômeur avec le fait qu’il faut consommer ses vacances, qu’il y a des délais de carences, que les indemnités en licenciements économiques sont plus élevées qu’en rupture conventionnelle. Enfin voilà, j’ai fait un brassage de tout ça et j’en suis arrivé à des chiffres que j’ai mis sur la table. J’ai dit que s’ils voulaient continuer la procédure, on part sur ces bases là. J’ai imposé en quelque sorte parce qu’eux imposaient quelque chose, donc moi d’un autre côté j’arrivais en imposant certaines choses. J’ai fourni quelques explications, mais pas trop parce que je voulais voir comment ils réagissaient. Ils m’ont convoqué quelques jours après à Toulouse, aux ressources humaines officielles. Ils

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m’ont dit que, comme j’avais un comportement tout à fait acceptable par rapport à la situation, ils seraient prêts à faire certains efforts. Alors je leur ai dit « maintenant on aligne et on met ça noir sur blanc et on voit si on signe à la fin ». On a mis des chiffres qui englobaient bien tout ce que j’avais calculé, même en chargeant un petit peu à la louche. Ils ont levé un point de litige qui était une condition sine qua none et ils sont revenus vers moi une semaine après avec leur proposition qui répondait à ce que j’avais demandé. J’ai pris le temps d’étudier, de décortiquer et de faire relire par des personnes de confiance. C’était conforme à mes attentes. (…)En tout cas, j’ai veillé à ne pas lâcher le morceau parce que « vous voulez jouer, on va jouer, mais il faut que j’y gagne aussi ! ». Tu ne me donnes pas les moyens de travail ok, tu ne veux pas de moi, c’est une chose, tu me fais une proposition, donc la démarche est engagée par toi parce que ça t’arrangerait bien, mais après voilà… (…)Non ils n’ont jamais accepté de dire que c’était un licenciement économique masqué mais histoire de dire qu’ils jouaient à un certain jeu, mais qu’ils faussaient déjà la donne. C’est pour les faire un peu tremper dans leur tambouille. Et oui, c’est vrai que d’avoir pointé ça, ça m’a aidé pour la négociation. L’indemnité que j’ai perçue c’est celle que j’avais envisagée. Englobant la prime de rupture conventionnelle, j’ai eu une enveloppe de 26 500 euros ; la prime c’était 2 500 je crois, à peu près 10 %. Je ne leur ai pas laissé le choix, je leur ai dit « vous me mettez ça noir sur blanc, je signe au bas de la feuille, c’est à prendre ou à laisser ». Comme j’ai argumenté chaque chiffre qui a fait cette addition, je ne leur donnais pas de marge théorique de manœuvre. Je leur avais quand même dit de venir avec leurs chiffres, mais ils ne sont jamais venus avec et je savais ce qu’il c’était passé dans les ruptures précédentes, les chiffres étaient minables ! Dans une négociation il peut y avoir des contre- propositions, mais là il n’y avait rien. En plus moi les calculs je les avais faits à la louche et à mon avantage. Je m’étais mis dans une logique de départ et il y avait l’aspect financier, je voulais leur faire cracher un peu et le fait qu’il faut tourner la page et passer à autre chose quand on te dit qu’on veut se séparer de toi. Mais surtout, il fallait que je m’y retrouve et en chargeant un peu, mais en ayant les pieds sur terre malgré tout ».

Et cette cadre également contrainte à partir d’ajouter :

« J’ai négocié mais j’ai eu du mal ! De toute façon il ne voulait pas me garder, donc à partir

de là il faut prendre le maximum, j’ai fait un point complet sur ma retraite, quand je serai retraitable… Il faut gérer le truc, il ne faut pas être là à baisser les bras en se disant « qu’est-

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ce que je fais ». (…) Sur l’indemnité j’ai négocié un mois, j’ai gagné un mois par rapport à ce qu’ils proposaient. Ils ont accepté difficilement et sous condition de formation de ma remplaçante qui a donné lieu à une petite prime ».

Voici également un autre cas :

- il refuse le montant minimal de l’indemnité proposée, soit 3 200 euros et raie le formulaire CERFA de bas en haut. Il demande le double pour ses dix années d’expérience et également des formations (des certificats d’aptitudes à la conduite d’engins). Le DRH refuse la formation demandée, trop chère (2 500 euros). Le salarié en propose d’autres à 1 500 euros. Il obtiendra une indemnité d’un montant de 6 400 euros et la prise en charge de formation pour un montant de 1 800 euros.

Les négociations portent généralement sur le montant de l’indemnité, la date du départ ou les congés payés restant dus. Il est arrivé cependant que le salarié intègre, dans la

négociation, un bien en nature (un véhicule par exemple) qui vient s’ajouter à l’indemnité financière :

- chauffeur adjoint et chef d’équipe au sein d’une entreprise spécialisée dans l’environnement et la propreté urbaine : « j’ai entamé les discussions à la mi-novembre. Moi j’ai tout fait par

téléphone directement avec le DRH. Il me dit qu’il y avait pas de souci, qu’on pouvait faire un licenciement, qu’on pouvait négocier. Alors moi je lui ai dit que le licenciement c’était hors de question et que je voulais une conventionnelle. Il m’a dit que c’était ok et il m’a demandé ce qui m’intéressait. C’est là où je lui ai dit qu’il y avait un véhicule qui était au garage depuis deux ans et qu’ils ne voulaient pas faire réparer alors je lui ai dit que je voulais le véhicule et une enveloppe de 2000 €. Il m’a dit qu’il voyait ça avec le directeur et qu’il me tenait au courant. Il à tardé à me rappeler donc c’est là où j’ai fait intervenir le chef de l’agence, qui est bien placé, qui a relancé le DRH et là le DRH m’a rappelé vers le 20 novembre pour me confirmer la rupture conventionnelle, que c’était accordé avec ce que j’avais demandé et qu’il me faisait passer les papiers ».

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5.2. Aide à la négociation par un tiers

Après un violent conflit lors de l’entretien de rupture conventionnelle, une cadre a été soutenue par le Commissaire aux comptes de la société qui est allé négocier pour elle sa prime de départ. Le fait qu’elle soit assistée par un avocat tout au long de la procédure lui a également permis d’obtenir la rupture conventionnelle et à ses conditions :

« Eux ils m’ont proposé une indemnité normale, mais moi il était hors de question que je

parte avec l’indemnité légale. C’est le commissaire aux comptes de la société qui est allé négocier pour moi. Il leur a dit que je m’étais investi pendant trois ans et que j’avais fait du bon travail. La négociation c’était que je restais jusqu’au 15 décembre, mais qu’en contrepartie ils me donnaient tant. Ils m’ont donné trois mois et demi de salaire pour partir. Mais ça c’est parce que j’ai pris un avocat et le commissaire aux comptes savait très bien que je connaissais tout de la société, j’étais à un poste super important. Je ne voulais pas partir salement, donc j’ai joué le jeu jusqu’au bout. Un mois après je leur ai envoyé un mail avec les mots de l’avocat et de la manière dont c’était formulé ils étaient un peu coincés. Je savais que j’allais avoir besoin d’un avocat pour ce genre de chose. Sinon moi toute seule, j’aurai peut- être perdu pied, alors que d’être assistée par un avocat, on emploie les bons termes. Et eux derrière, du fait de la formulation, ils savaient très bien que ce n’était pas moi qui avais écrit ! L’avocate m’avait toujours dit de ne jamais jeter mes cartes, mais de toujours sous- entendre. Donc lors de la négociation je leur ai dit que j’avais pris conseil auprès d’un avocat et que j’allais l’appeler. Ma grosse crainte c’était que du coup, ils refusent la rupture conventionnelle ! Après seulement est venue la négociation parce que l’avocate m’avait dit de négocier tant au vu de mon dossier. Et c’est là où il y a eu l’autre gros clash puisqu’ils ont dit « ok vous partez mais avec le minimum légal ». Donc là je leur ai dit qu’au vu de toutes les heures supplémentaires et de toute l’implication que j’ai eu dans cette société, il était hors de question que je parte avec le minimum légal. Donc là on est parti fâché ! Il y a eu un super gros clash parce que je ne vous dirais pas ce qui s’est dit, mais des choses dont j’étais au courant au sein de la société que je leur ai dit. Donc là c’était fini, la guerre était ouverte ! Donc le lundi le commissaire aux comptes arrive… C’est eux qui ont paniqué parce qu’ils ont vu comment ça partait, ils avaient peur que ça parte en live et que je fasse des conneries. Comme le Commissaire aux comptes a vu que ça partait mal et que j’étais à un poste assez stratégique et qu’il fallait que je puisse former ma future remplaçante… Mais comme là ça

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partait super mal, il est allé négocier pour moi, mais ça a été super tendu ! J’ai appelé mon avocate et c’est elle qui m’a calmée parce que moi je voulais donner ma démission. Elle m’a dit que c’était une grosse connerie et elle m’a dit d’attendre. C’est le lendemain que le Commissaire aux comptes est venu me voir pour me dire qu’il allait négocier pour moi parce que ce n’était pas normal que je parte dans ces conditions. Si je donnais ma démission, je refusais de faire mon préavis et on entrait en guerre ! Donc il m’a dit qu’il négociait pour moi trois mois et demi de salaire si je restais jusqu’au 15 décembre. Donc j’ai bien fait de ne pas donner ma dem’ ! Finalement c’est avec le Commissaire aux comptes que j’ai négocié puisque je lui ai dit « moi je veux tant » et lui m’a dit « non, demande plutôt tant par rapport à ton profil ». Donc j’ai accepté parce que je trouvais que c’était très correct. (…) Non, je ne sais pas ce qu’il s’est passé entre eux, il est revenu vers moi et il m’a dit que c’était bon ».