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La rupture conventionnelle plan de départ volontaire

5 S Autres activités de services 14 4 (+1)

III) Les entretiens : résultats bruts

III.1) L’amont de la rupture

1. Le déroulement des entretiens

1.1. Le nombre d’entretiens

Présenté comme un élément indispensable à l’homologation de la rupture conventionnelle selon la loi portant modernisation du marché du travail, l’entretien officiel au cours duquel l’employeur et le salarié se rencontrent pour convenir de la rupture du contrat est, dans les faits, bien différent selon les cas. Si pour le besoin de l’homologation une date d’entretien est effectivement spécifiée sur le document CERFA, il ressort que cette entrevue, lorsqu’elle a réellement lieu, se déroule de manière très différente selon la taille de l’entreprise et la nature de la relation salarié/employeur.

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Un peu moins d’un quart des enquêtés souligne l’absence d’entretien avant la signature de la rupture conventionnelle ou assimile le face à face durant lequel le document CERFA est signé à ce dit entretien officiel. Ces cas recouvrent notamment les annonces « surprises » de l’employeur, mettant alors le salarié devant le fait accompli, la phase des pourparlers n’ayant pas lieu. En voici deux exemples :

- manutentionnaire dans un supermarché : accusé de faute grave sur dénonciation (mensongère) de sa chef de rayon, il est convoqué par sa direction qui le jour même de la convocation lui propose directement un licenciement pour faute grave ou une rupture conventionnelle, après avoir rappelé les faits en présence de la chef de rayon. Deux jours plus tard, il accepte la rupture conventionnelle et informe la direction de son choix. Il n’y a pas eu à proprement parlé d’entretien officiel et la convocation sera considérée comme tel. Par conséquent, le salarié n’était pas assisté puisqu’il a été informé de la convocation le jour même. « Ma chef de rayon est venue me voir en me disant que le patron voulait me parler,

donc sur le moment je suis monté, elle est montée avec moi, on est rentré dans le bureau, on s’est assis, on a discuté et après ils m’ont expliqué qu’ils comptaient se séparer de moi (…). Ça a duré une petite demi-heure où ils m’ont rappelé ce dont j’étais soi-disant accusé. Je me sentais idiot, j’osais rien dire. Ils m’ont dit que c’était ma parole contre celle de ma chef donc je savais que j’avais déjà perdu d’avance (…). Après, ils m’ont dit qu’ils me licenciaient pour faute grave ou qu’ils me faisaient une rupture conventionnelle. Comme je connaissais, ils m’ont pas expliqué la rupture conventionnelle (…). Ils m’ont demandé d’y réfléchir, j’y suis retourné deux jours après pour leur dire que j’acceptais donc ils ont préparé les papiers et une semaine après je les ai signés avec la comptable et une fois que je les ai signés tout s’est bien passé, bizarrement ».

Dans les très petites structures (moins de 5 salariés) où l’employeur a recours pour la première fois à ce dispositif, l’entretien officiel n’est souvent pas effectué. Le déroulement de la procédure est alors reconstruit a posteriori sur le document CERFA. Ce salarié pointe le fait que des discussions informelles se déroulaient, sur son lieu de travail, en lieu et place d’entretien(s) officiel(s) :

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- peintre : « j’ai jamais eu d’entretiens comme c’était normalement prévu dans la loi… Il

venait sur le chantier, on en parlait, il me ramenait les papiers que je devais signer. Il n’y a jamais eu d’entretiens à l’entreprise. Je m’arrangeais toujours pour qu’il y ai un collègue qui soit témoin s’il y avait un problème. Mais ça ne me dérangeait pas, le plus rapidement possible c’était le mieux ».

Dans environ la moitié des cas de rupture, la procédure se déroule avec un seul entretien officiel et le dernier quart de l’échantillon mentionne deux, voire trois entretiens.

Majoritairement lorsqu’un seul entretien a été réalisé, la date de l’entretien et de la signature du formulaire sont identiques. Mais lorsque l’on constate deux entretiens, le scénario est toujours le même : le premier correspond soit à l’annonce du départ soit à une discussion sur la RC pour donner des explications sur la procédure et le deuxième entretien est le moment de la signature du formulaire CERFA. Lorsque la procédure compte 3 entretiens, notamment dans les plus grosses structures et lorsque le salarié négocie le montant de son indemnité, ils se structurent bien souvent de la manière suivante : le premier entretien assoie l’accord de principe après d’éventuelles explications du dispositif ; lors du deuxième entretien, les parties négocient les conditions de la rupture, notamment le montant de l’indemnité et c’est lors du troisième entretien que les parties signent le document CERFA : « le retour de formation ça a

été la période la plus délicate que j’ai jamais eu parce que je suis retourné au travail, je lui ai fait direct ma lettre de rupture conventionnelle. Ensuite, il me fixe un rendez-vous pour un entretien, au total j’en ai eu trois. Le premier entretien c’était pour officialiser les conversations qu’on avait eu avant la formation ; on a officialisé la demande et il m’a parlé de mes droits et m’a donné les documents. Le deuxième entretien c’était pour fixer officiellement l’indemnité et le troisième entretien c’était pour signer, pour conclure le départ » (chef d’équipe dans le transport). Dans ce cas le salarié était à l’initiative de son

départ, mais il peut en être de même pour les situations d’initiative de l’employeur :

-actrice : la procédure est longue puisque deux entretiens sont effectués avant la signature. L’enquêtée doit se déplacer au siège régional de l’entreprise à Bordeaux. Elle est reçue par le DRH dans une salle de réunion. Le premier entretien porte sur l’explication de la rupture conventionnelle et la lecture du dispositif, il dure un peu plus de 30 minutes. Le deuxième entretien qui a lieu huit jours plus tard avec la même personne, dans la même salle, est

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constitué d’une nouvelle explication de la rupture conventionnelle et d’une discussion sur le montant de l’indemnité de départ. Enfin, 12 jours plus tard a lieu la dernière entrevue lors de laquelle la rupture est signée. « J’ai reçu une lettre recommandée comme quoi j’étais

convoquée pour la rupture conventionnelle. J’y suis allée. Ils se sont arrangés à chaque fois pour que je ne travaille pas. Donc durant le premier, il m’a expliqué ce qu’était la rupture conventionnelle, il m’a dit que dans tous les cas je ne pouvais pas réintégrer l’entreprise (…). Après le deuxième, c’était pour réexpliquer, j’ai dit que j’avais bien pris note et de fixer le montant de l’indemnité, il était toujours aussi long parce qu’il prenait franchement son temps pour… Il y a des moments j’avais l’impression d’être prise un peu pour… Mais bon et à chaque fois il insistait sur le fait que je ne pouvais pas réintégrer l’entreprise (…). Et le troisième, c’était pour la signature de tous les papiers et il m’a encore expliqué un peu la rupture conventionnelle parce qu’au départ il m’a vraiment lu le dispositif de la rupture conventionnelle, il m’a fait la lecture ! Mais ils ont fait ça dans les règles de l’art ! ».

Notons donc que pour une importante part des enquêtés, les entretiens indiqués sur le CERFA sont reconstruits a posteriori et que dans les petites structures notamment, ces « entretiens » correspondent en réalité à des discussions informelles. Alors que dans les

plus grandes entreprises, l’entretien notifié sur le CERFA peut correspondre à une convocation « surprise » du salarié par son employeur afin de lui annoncer son départ par RC.