Les mouvements vers Paris méritent à eux seuls un examen plus poussé. En effet il s’agit d’examiner si Paris exerce réellement une attraction sur les étudiants de CPGE et si c’est le cas, si cette attraction concerne seulement certaines filières et certains étudiants ou tous les élèves de CPGE. Sur l’ensemble des élèves qui continuent après leur baccalauréat en CPGE 10% changent d’académie pour aller à Paris, 14% changent d’académie de province vers la province, 1% va de Paris vers la Province et les autres ne changent pas d’académie. Donc, parmi les élèves qui changent d’académie à l’entrée en CPGE, 40% vont de province à Paris, 56% de province en province et 4% de Paris vers la province. On voit donc apparaître deux grands mouvements : l’un vers Paris et l’autre intra-province.
Tableau 17 : Les migrants vers Paris selon l’académie de départ
Académie de départ Part dans le total des migrants vers Paris
AIX - MARSEILLE 1%
AMIENS 5%
ANTILLES 2%
BESANCON 1%
BORDEAUX 1%
CAEN 1%
CLERMONT 0%
CORSE 0%
CRETEIL 21%
DIJON 2%
GRENOBLE 1%
LILLE 3%
LIMOGES 1%
LYON 1%
MONTPELLIER 1%
NANCY - METZ 1%
NANTES 2%
NICE 1%
ORLEANS - TOURS 4%
POITIERS 2%
REIMS 1%
RENNES 2%
ROUEN 3%
STRASBOURG 0%
TOULOUSE 0%
VERSAILLES 44%
Si on examine les origines des migrants vers Paris (cf. le tableau 17), sur 10 migrants, 4 viennent de Versailles et 2 de Créteil. Il s’agit donc dans 6 cas sur 10 d’une migration intra Ile de France mais qui se dirige essentiellement vers Paris. Ceci peut s’expliquer en partie par la distribution des réseaux de transports en Ile de France qui rendent plus facile des déplacements vers Paris qu’intra Ile de France.
En ce qui concerne les migrations vers Paris viennent ensuite principalement par ordre de poids décroissant Amiens, Orléans, Rouen et Lille. Cependant cette attractivité est ciblée : deux établissements parisiens attirent un quart des migrants vers Paris et six établissements parisiens la moitié. Plus précisément, si on examine la destination des élèves migrants des académies de Créteil et de Versailles, on constate qu’un tiers d’entre eux se retrouve dans trois établissements parisiens.
On peut examiner les profils des migrants selon leurs deux principaux mouvements : province-Paris ou province-province (cf. le tableau 18). Les migrants de la province vers Paris sont plus souvent en avance, plus souvent des filles, plus souvent des bacheliers littéraires et c’est le plus souvent pour
entrer en CPGE MPSI, CPGE littéraires lettres ou économie option scientifique. Les migrants d’une académie de province vers une autre académie de province sont plus souvent enfants d’agriculteurs, d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise, entrant en CPGE TSI ou en CPGE lettre-sciences sociales. Ce sont également plus souvent des filles et des bacheliers scientifiques. Ce ne sont donc pas les mêmes profils d’élèves qui sont concernés par ces deux types de migrations.
Tableau 18 : la répartition des élèves en migrants et stables selon différents critères
Mouvements Caractéristiques
Paris-Province
Province-Paris
Province-Province
Ne migre pas
Total des CPGE
Age
En avance 1 13 15 71 100
A l’heure 1 9 14 76 100
En retard 1 8 15 76 100
Sexe
Filles 1 11 15 73 100
Garçons 1 9 13 77 100
Type de bac
BAC S 1 9 15 75 100
BAC L 1,5 13 13 72,5 100
BAC ES 1 11 12 76 100
BAC technologiques 0,5 3,5 14 82 100
Origine sociale
Agriculteurs 0 5 25 70
Artisan, commerçants, chefs d’entreprise 1 7 16 76 Professions libérales, cadres sup 1,5 10 14,5 74
Enseignants 0,5 9 13,5 77
Professions intermédiaires 0 7 13 80 100
Employés 0,5 6,5 14 79 100
Ouvriers 0 5 12 83 100
Retraités 1 24 12 63 100
Filière
CPGE scientifique 1 9 14 76 100
Dont MPSI 1 11 12 76 100
Dont PTSI 0,5 3 14 82,5 100
Dont TSI 0 2 17 81 100
CPGE littéraire 1,5 12 15,5 71 100
Dont lettres et sciences sociales 2 8 24,5 65,5 100
Dont lettres 1 12 14 73 100
CPGE éco et commerciale 1 11 12 76 100
Dont option scientifique 1 12 14 73 100
Total 1 10 14 75 100
Une étude plus poussée qui croise différents profils dans les tableaux 19 et 20 met en évidence deux mouvements migratoires bien différents.
Le premier, qui conduit à migrer vers Paris, concerne proportionnellement plus des bacheliers littéraires. Les bacheliers littéraires migrent plus souvent vers Paris que les bacheliers scientifiques ou économiques, quelle que soit d’ailleurs la filière où vont ces derniers (cf. le tableau 19). De plus les comportements des filles et des garçons ne sont pas significativement différents même si les filles apparaissent plus mobiles, essentiellement lorsqu’elles entrent en CPGE scientifiques. Le second mouvement migratoire entre académies de Province est très différent : ce sont des bacheliers scientifiques qui bougent plus que les autres bacheliers, et ceci quelle que soit la filière mais surtout lorsqu’ils entrent en CPGE littéraires, plus particulièrement en BL (cf. le tableau 20). Ceci s’explique par la distribution de l’offre de telles sections. C’est la grande différence avec les migrations vers Paris : ici ce sont plus des bacheliers scientifiques qui sont concernés alors que les migrations vers Paris intéressaient proportionnellement plus des bacheliers littéraires. Les filles bougent également proportionnellement plus que les garçons sauf les bachelières scientifiques qui entrent en CPGE littéraires.
Tableau 19 : Les migrants par sexe, selon le type de baccalauréat et selon la filière de CPGE pour province-Paris
Garçons Filles Total Par baccalauréat
baccalauréat S 9 10,5 9
baccalauréat L 14 13 13
baccalauréat ES 10 11 11
baccalauréat technologique 3 5 3,5
Par CPGE
Cpge scientifiques 8 10 9 Cpge littéraires 12 12 12
Cpge économie 10 11 11
Lecture : 11% des filles titulaires d’un baccalauréat S changent d’académie à l’entrée en CPGE
Le pourcentage de migrants par sexe croisé avec le baccalauréat et selon la cpge
Garçons bac S Filles bac S Total bac S Garçons bac ES Filles bac ES Total bac ES
Cpge scientifiques 8 10 9 ns Ns ns
Cpge littéraires 12 12 12 6 9 8
Cpge économie 11 11 11 11 12 11
Total 9 11 9 10 11 11
Lecture : 12% des filles titulaires d’un baccalauréat S qui entrent en CPGE littéraires changent d’académie.
Tableau 20 : Les migrants par sexe, selon le type de baccalauréat et selon la filière de CPGE pour province-province
Garçons Filles total Par baccalauréat
baccalauréat S 14 16 15
baccalauréat L 11,5 13,5 13 baccalauréat ES 11,5 12,5 12 baccalauréat technologique 15 13 14
Par CPGE
Cpge scientifiques 14 16 14 Cpge littéraires 15 15,5 15,5
Cpge économie 12 13 12
Lecture : 16% des filles titulaires d’un baccalauréat S changent d’académie à l’entrée en CPGE
Le pourcentage de migrants par sexe croisé avec le baccalauréat et selon la cpge
Garçons bac S Filles bac S Total bac S Garçons bac ES Filles bac ES Total bac ES
Cpge scientifiques 13,5 16 14 ns ns Ns
Cpge littéraires 21 20,5 21 14 15 15
Cpge économie 12 14,5 13,5 11 11 11
Total 13,5 16 15 11,5 12,5 12
Lecture : 20,5% des filles titulaires d’un baccalauréat S qui entrent en CPGE littéraires changent d’académie.
Les modélisations logistiques permettent de bien synthétiser toutes ces caractéristiques.
Les résultats présentés dans le tableau 21 sont ceux du modèle qui estime la propension à migrer vers Paris. Les conclusions de ce modèle sont très différentes de celui estimant une propension à migrer quelles que soient les destinations de la migration (cf. le tableau 15). Ainsi le fait d’être bachelier littéraire apparaît comme lié positivement à la probabilité de migrer vers Paris alors que dans le modèle présenté dans le tableau 15 le coefficient correspondant était négatif. Par contre intégrer une CPGE littéraire n’apparaît pas comme ayant un impact différent d’intégrer une CPGE scientifique. Le taux plus élevé de migration pour les élèves de CPGE littéraires que l’on constatait dans le tableau 19 s’explique entièrement par un taux plus élevé pour les bacheliers littéraires par
Aussi a-t-on un effet positif du fait d’être bachelier littéraire dans le modèle présenté. La propension à changer d’académie pour Paris est plus forte pour les élèves entrant en CPGE économie par rapport à ceux entrant en CPGE scientifiques. Enfin les filles entrant en CPGE scientifiques sont plus mobiles que les garçons dans le même cas. On retrouve bien que l’effet le plus important est celui des académies.
Tableau 21 :Impact des différentes caractéristiques des élèves entrant en CPGE sur leur décision de migrer vers Paris
modalité de référence modalité active modèle II
Constante -1,50***
Age en avance 0,22***
à l'heure en retard Ns
Sexe Garçon Filles en CPGE non scientifiques Ns
Fille en CPGE scientifiques 0,17***
pcs du chef de famille agriculteur Ns cadres supérieurs commerçant, artisan -0,22*
enseignant Ns
profession intermédiaire Ns
employé -0,22*
ouvrier -0,62***
inactif 0,99***
filière de CPGE CPGE littéraire Ns CPGE scientifique CPGE économique 0,18*
classe de terminale L 0,20*
S ES Ns
technologique -0,85***
Académie aix -2,52***
Versailles besançon -1,89**
bordeaux -2,06***
caen -1,55***
clermont-ferrand -3,10***
dijon -1,18**
grenoble -3,04***
lille -1,99***
lyon -3,27***
montpellier -2,13***
nancy -2,26***
poitiers -1,28***
rennes -2,29***
strasbourg -2,64***
toulouse -3,22***
nantes -2,10***
orléans-tours -0,81***
reims -1,56***
amiens Ns
rouen -0,67***
limoges -1,27***
nice -1,99***
créteil -1,73***
corse -1,19***
antilles -1,19***
Tableau 22 :Impact des différentes caractéristiques des élèves entrant en CPGE sur leur décision de migrer de la Province vers la Province
modalité de référence modalité active modèle II
constante -0,83***
âge en avance 0,12*
à l'heure en retard 0,16**
Sexe garçon Fille en CPGE non scientifiques Ns
Fille en CPGE scientifiques 0,19***
pcs du chef de famille agriculteur 0,31***
cadres supérieurs commerçant, artisan Ns
enseignant -0,30***
profession intermédiaire -0,30***
employé -0,25***
ouvrier -0,41***
inactif -0,23***
filière de CPGE CPGE littéraire 0,43***
CPGE scientifique CPGE économique Ns
classe de terminale L -0,47***
S ES -0,23***
technologique Ns
Académie aix -0,51***
Grenoble besançon Ns
bordeaux -0,54***
caen -0,64***
clermont-ferrand -1,06***
dijon ns
lille -2,06***
lyon -1,78***
montpellier -0,41***
nancy -0,96***
poitiers Ns
rennes -1,19***
strasbourg -1,90***
toulouse -1,47***
nantes -0,78***
orléans-tours -0,78***
reims -0,42***
amiens 0,22*
rouen -0,70***
limoges Ns
nice -0,98***
créteil -0,47***
versailles -1,82***
paris Ns
corse 0,43*
antilles -0,28*
*p<0.05; **p<0.01; ***p<0.001
Le tableau 22 présente les résultats de l’estimation de la probabilité de migrer de Province à Province.
Le coefficient des bacheliers L est négatif puisque les bacheliers S sont plus mobiles que les bacheliers L lorsqu’ils entrent en CPGE littéraires et que la filière de CPGE est contrôlée dans ce
scientifiques que lorsqu’ils entrent en CPGE littéraires, d’où le coefficient positif des CPGE littéraires.
On retrouve encore la plus forte mobilité des filles entrant en CPGE scientifiques par rapport aux garçons dans le même cas.
On a bien deux mouvements de migration bien distincts : l’un vers Paris qui concerne plus les bacheliers littéraires et l’autre qui intéresse plus des bacheliers scientifiques surtout ceux entrant en classes littéraires. Enfin, le phénomène commun à tous les mouvements de migrations est la plus grande propension des filles entrant en CPGE scientifiques à migrer.