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En français, le sens originel du terme est celui du latin monumentum, lui-même dérivé de monere (avertir, rappeler), c’est ce qui interpelle la mémoire.(Larousse, 2006)

« Œuvre créée de la main de l’homme et édifiée dans le but précis de conserver toujours présent et vivant dans la conscience des générations futures le souvenir de telle action ou telle destinée » : cette définition du monument historique par l’historien d’art viennois Aloïs Riegl – auteur du Culte moderne des monuments (1903) – épouse parfaitement les caractéristiques que le dictionnaire retient du « monument » au sens premier du terme, le monument commémoratif – arc de triomphe, colonne, stèle funéraire – en constituant l’exemple type.

Le monument a donc une valeur à la fois, de mémorisation (qui n’est pas forcément esthétique : un monument peut ne pas être une œuvre d’art, comme le soulignait Riegl en distinguant « valeur historique » et « valeur artistique ») et d’universalisation, dans la mesure où il transmet une mémoire à toute une communauté ; communauté présente et à venir mais, en tout cas, communauté publique, et non pas privée (ce qui exclut, par exemple, le simple souvenir de famille). C’est en cela qu’il a une partie liée avec la durée, impliquant une construction « en dur » : de préférence l’inscription dans la pierre, qui le voue par excellence à l’architecture et à la sculpture.

C’est la Charte de Venise (1964) qui a approfondi la notion de monument historique Il s’agit de « toute création architecturale, isolée ou groupée, qui porte témoignage d’une civilisation particulière, d’une évolution significative ou d’un événement historique ».

L’évolution la plus remarquable présentée par la Charte de Venise se trouve dans l’article 6: « la conservation d’un monument implique celle d’un cadre à son échelle». Donc un monument n’est pas un élément isolé: il forme un tout avec son environnement non seulement pour des critères esthétiques mais aussi pour ceux qui lui confère toute sa signification culturelle ou fonctionnelle. Ainsi est proclamé que le monument est inséparable de son cadre bâti ou naturel.

F.Choay dans son livre L’allégorie du patrimoine (1992) précise que la nature affective de la destination est essentielle « …il ne s’agit pas de faire constater, de livrer, une infirmation neutre, mais d’ébranler, par émotion, une mémoire vivante. Donc, un monument est artefact

édifié par une communauté d’individus pour se faire remémorer ou faire remémorer d’autre génération, des personnes, des événements, des sacrifices, des rites ou des croyances ».

La spécificité du monument tient alors précisément à son mode d’action sur la mémoire. Non seulement il la travaille et la mobilise par la médiation de l’affectivité, de façon à rappeler le passé en le faisant vibrer à la manière du présent. Le monument s’est développé et devenu monument historique mais la différence, fondamentale, mise en évidence par A. Riegl , au début de ce siècle : le monument est une création délibérée (gewoilte) dont la destination a été assumée a priori et d’emblée, tandis que le monument historique n’est pas initialement voulu (urzgewollte) et créé comme tel; il est constitué a posteriori par les regards convergents de l’historien et de l’amateur, qui le sélectionnent dans la masse des édifices existants, dont les monuments ne représentent qu’une petite partie. Tout objet du passé peut être converti en témoignage historique sans avoir eu pour autant, à l’origine, une destination mémoriale. Le monument a pour fin de faire revivre au présent un passé englouti dans le temps. Le monument historique entretient un rapport autre avec la mémoire vivante et avec la durée.

II.2 La sauvegarde des monuments historiques, une action pluridisciplinaire

La conservation des monuments historiques suscite la constitution d’un nouveau champ de savoir et de corps de spécialistes dont l’action rencontre rapidement l’espace du politique. Aux archéologues qui découvrent et mettent à jour ces sites, vont s’ajouter des architectes, chargés de les conserver et de les valoriser. Contrairement à leurs collègues qui restaurent les manuscrits anciens et les oeuvres d’art dans la solitude des ateliers des bibliothèques et des réserves des musées, les architectes chargés des monuments historiques sont amenés à dialoguer et à composer avec de multiples acteurs politiques, sociaux et économiques pour assurer leur mission de conservation.

Celle-ci mobilise en effet des budgets plus conséquents et rencontre sur le terrain de nombreux obstacles : sa mise en oeuvre va souvent à l’encontre d’autres logiques économiques, notamment la promotion foncière et immobilière. En outre, la valeur symbolique du monument peut faire de sa conservation ou de sa destruction un enjeu politique.

II.2.1 La sauvegarde des monuments religieux, la plus ancienne des sauvegardes Les lieux de culte réfèrent d’abord au patrimoine bâti reconnaissable par sa qualité architecturale, son intérêt historique mais aussi de plus en plus sa valeur communautaire ou identitaire. Par ailleurs, la définition de patrimoine religieux prend une dimension englobante, intégrant le bâti mais aussi les archives et les collections, le paysage sacré et les éléments immatériels tels que les usages, les rites et les traditions associés à ces lieux.

La conservation des lieux de culte pose des défis de taille dérivant de leur signification particulière dans nos sociétés, de leur nombre et de leur diversité. De plus, la particularité architecturale et la complexité de ces bâtiments amènent des besoins particuliers de maintenance et de restauration.

La protection des monuments religieux chrétiens repose encore sur les outils traditionnels de protection du patrimoine, notamment les instruments législatifs, par apport aux formules de concertation. Le rôle des pouvoirs publics dans la protection et la conservation, voire la propriété des lieux de culte, reste encore important en Europe. En Amérique, il est plus pondéré, notamment aux Etats-Unis ou les associations locales ou régionales joue un rôle fort actif. Les cas européens démontrent aussi un traitement particulier réservé au patrimoine religieux dans les législations de protection du patrimoine, fruit d'une forte présence de ces institutions dans l'histoire nationale.

Pour mieux connaître en quoi consiste l'intervention sur le patrimoine religieux chrétiens, nous avons pris l'exemple de l'église de la Madeleine (Vézelay) en France, cette église a subit depuis sa création beaucoup de changements et d'interventions, mais l’intervention de E. Viollet-le-Duc reste celle qui a marqué l’histoire de cette église.

II.2.1.1 la restauration de l’église de la Madeleine (Vézelay), une référence de la sauvegarde des monuments chrétiens,

La Madeleine, église de la (Vézelay), église abbatiale du XIIe siècle située près d'Avallon, dans l'Yonne en France.

Photo. 03 : Église de la Madeleine (Vézelay, Yonne)façade occidentale, XIIe siècle

Source : Encyclopædia Universalis France S.A. 2003

L'abbaye bourguignonne de Vézelay fut d'abord un établissement de moniales, fondé pendant la seconde moitié du IXe siècle. Détruite lors des raids normands, elle fut relevée par un groupe de moines qui s'installèrent au sommet de la colline voisine. Au début du XIe siècle, le bruit se répandit que sainte Marie-Madeleine y était enterrée et qu'elle accomplissait des miracles. Le monastère devint alors un important centre de pèlerinage, entraînant la reconstruction d'une vaste abbatiale de style roman.

La reconstruction démarra vers 1096, vraisemblablement par le chœur, réédifié de nouveau à l'époque gothique. La nef actuelle fut entreprise à la suite d'un incendie survenu le 21 juillet 1120 qui ravagea l'ancien vaisseau. Tournant le dos aux solutions mises en œuvre quelque temps auparavant à la grande abbaye de Cluny, l'architecte de Vézelay conçut une large nef centrale, moyennement élevée, voûtée d'un berceau à pénétrations. Elle est éclairée par de vastes baies

surmontant de grandes arcades beaucoup moins hautes que celles de Cluny et surtout en plein cintre, alors que l'arc brisé s'imposait partout ailleurs en Bourgogne. Les collatéraux voûtés d'arêtes, larges mais peu élevés ne pouvant efficacement contrebuter la voûte du vaisseau central, l'architecte maintint la structure en utilisant des tirants de fer et des longrines de bois. Cependant, peu de temps après, on lança des arcs-boutants afin de renforcer la voûte maîtresse.

Fig.05 : La Madeleine, Vézelay, la nef, XIIe siècle.

Source : (Wikidédia, 2006)

Contrairement à l'architecture, les chapiteaux de la nef et les trois portails semblent influencés par l'art des sculpteurs clunisiens. Vers 1140-1150, l'abbé Ponce de Montboissier fit bâtir l'avant-nef, à deux niveaux, type traditionnel depuis le début du XIe siècle pour nombre de façades bourguignonnes. Le chevet gothique fut entrepris à partir de 1180 environ, sur le modèle de l'abbatiale parisien de Saint-Germain-des-Prés. Le chœur relativement court est contourné d'un déambulatoire entièrement ceinturé d'une série de neuf profondes chapelles rayonnantes.

Quant à l'élévation, elle se caractérise par la présence de trois niveaux : grandes arcades, petites tribunes voûtées et fenêtres hautes. À l'extérieur, des arcs-boutants contrebutent la voûte d'ogives du haut vaisseau.

Fig.06 : La Madeleine, Vézelay, façade ouest (Dessin) avant sa restauration par E. Viollet-le-Duc

Source : (JOKILEHTO. J, 1986)

II.2.1.1.1 Les travaux de restauration par Viollet-le-Duc, un respect des valeurs