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Chapitre I : Chromatine et régulation de l’expression génique

D. Les modifications post-traductionnelles des histones

Les modifications post-traductionnelles des histones jouent un rôle fondamental dans la plupart des processus biologiques tels que la réplication, la réparation, la régulation de l’expression génique et la mitose. Ces modifications permettent de moduler les contacts chromatiniens en permettant de recruter des protéines spécifiques ou des complexes porteurs d’une activité enzymatique. Les acides aminés les plus souvent modifiés sont la lysine (K), l’arginine (R), la sérine (S) et la thréonine (T). Les modifications les plus étudiées à ce jour sont l’acétylation, la méthylation, l’ubiquitination et la phosphorylation (décrites ci-dessous et Figure 8), mais d’autres modifications ont également été d’écrites comme l’ADP-ribosylation, la sumoylation, la glycosylation ou la biotinylation (BANNISTER and KOUZARIDES 2011). Ces modifications covalentes sont principalement catalysées au niveau des queues N-terminales des histones ou de leur variants. Par ailleurs, ces modifications sont réversibles, ce qui permet une régulation fine de l’expression génique.

Figure 8 : Modifications des histones

Les extrémités N et C-terminales (indiquées NH2 et COOH, respectivement) sortent du nucléosomes et subissent des modifications telles que la méthylation (rouge), l’acétylation (vert), la phosphorylation (bleu) et l’ubiquitination (orange) sur des résidus particuliers (R=Arginine ; K=Lysine ; S=Sérine). Les résidus sont numérotés selon leur position par rapport à l’extrémité N-terminale. Illustration de (TOLLERVEY and LUNYAK 2012).

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i) L’acétylation

L’acétylation des histones est le plus souvent associée à l’activation transcriptionnelle. Les HAT (Histone acétyl-transférases) catalysent l’acétylation en transférant un groupement acétyle de l’acétyl Coenzyme A au niveau du groupement ammonium des lysines (abréviation = K). Cette modification a pour effet de neutraliser la charge positive des lysines, ce qui conduit en la diminution de l’interaction entre l’ADN et les histones. L’acétylation est donc associée à un état plus décondensé de la chromatine et est donc plus propice à l’activation des gènes (IMHOF and WOLFFE 1998; KUO et al.

1998).

Il existe trois grandes familles de HAT : les GNAT (Gnc5-related Acetyl transferase), les MYST et P300/CBP (CREB binding protein). Ces enzymes sont le plus souvent retrouvées au sein de larges complexes multimériques. Par exemple, la HAT dCBP a été purifiée à partir d’embryons de drosophile au sein du complexe activateur de la transcription du TrxG (PETRUK et al. 2001). Le complexe du TrxG associé à dCBP permet à la HAT de

déposer un groupent acétyle au niveau de la lysine 27 de l’histone H3 (H3K27ac), une marque dont la présence aux TSS marque l’activation des gènes (WANG et al. 2008b; TIE

et al. 2009). L’association des homologues de dCBP chez les mammifères (CBP et P300)

avec le complexe du TrxG et l’activité sur H3K27 restent conservées.

L’acétylation des histones est principalement reconnue par un domaine protéique de type bromodomaine porté le plus souvent part des protéines issus des complexes HAT ou des complexes de remodelage de la chromatine, comme les membres de la famille SWI/SNF énoncés plus haut.

Selon les conditions physiologiques ou environnementales perçues par les cellules, le profil d’expression génique doit pouvoir être rapidement modifié. Par conséquent, l’acétylation des lysines doit également pouvoir être reversée pour permettre la répression des gènes. Cette action est effectuée par les HDAC (histone désacétylase) qui désacétylent les histones. La première HDAC découverte Rpd3 (Reduced potassium

dependency-3) fût identifiée chez la levure en 1991 (VIDAL and GABER 1991). C’est la purification de son orthologue chez les mammifères qui a permis de démontrer son activité de désacétylase. Depuis, de nombreuses autres HDAC ont été identifiées. On en compte aujourd’hui 18 chez l’homme qui sont réparties en quatre classes en fonction de leur homologie de séquence avec l’enzyme Rpd3 et de leurs domaines fonctionnels (SETO and YOSHIDA 2014). Cinq de ces membres sont retrouvés chez la Drosophile (YANG and SETO 2008). Les HDAC montrent une faible spécificité pour leur substrat, une même enzyme pouvant désacétyler plusieurs résidus différents sur les histones. Par ailleurs, le fait que ces enzymes soient retrouvées au sein de complexes multimériques rend leur spécificité difficile à percer. Par exemple, les désacétylases HDAC1 et HDAC2 seules montrent une très faible activité enzymatique. Cependant, in

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vivo, elles sont retrouvées au sein de trois grands complexes nommés Sin3, NuRD et

CoREST. De manière générale, les gènes cibles de ces complexes sont impliqués dans divers mécanismes tels que les mécanismes développementaux, de divisions cellulaires et de migration cellulaire (HAYAKAWA and NAKAYAMA 2011).

ii) La méthylation

La méthylation peut être catalysée sur deux résidus, les lysines (K) (qui peuvent être mono-, di- ou tri-méthylées) et les arginines (R) (qui peuvent être mono-, di-méthylées symétriquement ou assymétriquement). Les enzymes catalysant ces méthylations sont donc très spécifiques et sont nommées HMT (Histone méthyl-transférases). Elles transfèrent un groupement méthyle provenant de la S-Adenosyl-Methionine aux résidus. Contrairement à l’acétylation, la méthylation ne modifie par la charge des résidus. Elle n’a donc pas d’effet en soi sur la structure de la chromatine. Cependant, la méthylation est associée à la régulation de la transcription et peut être associée soit à l’activation soit à la répression génique.

La méthylation des lysines a été plus étudiée que celle des arginines (ces dernières ne seront pas décrites dans ce manuscrit). La première HKMT (HMT ciblant les lysines (K)) a avoir été découverte est SUV39H1 chez les mammifères qui cible la lysine 9 de l’histone H3 (H3K9). Cette protéine, conservée chez la Drosophile, possède un domaine SET (Su(var)3-9, Enhancer-of-zeste and Trithorax) qui lui confère son activité (REA et al.

2000). Par la suite, un grand nombre de HKMT ont été découvertes dont les protéines Enhancer of zeste (E(z)) membre du complexe du PcG qui cible la lysine 27 de l’histone H3 (H3K27) et Trithorax (Trx), membre du complexe du TrxG qui cible la lysine 4 de l’histone H3 (H3K4). Cependant, il existe une autre classe de HKMT dépourvue du domaine SET comme l’enzyme Dot1 (cible H3K79).

De façon simplifiée, trois sites de méthylation sont impliqués dans l’activation de la transcription : H3K4, H3K36 et H3K79 et à l’inverse H3K9 et H3K27 sont quant à eux associés à la répression des gènes. Les études à grande échelle effectuées grâce aux technologies de ChIP (Chromatin Immuno-Precipitation) associées au séquençage (ChIP-seq ou ChIP-Chip) ont permis d’établir des cartes de profils de ces modifications le long des gènes (Figure 9). Ainsi, H3K4me3 est retrouvée enrichie dans la partie 5’ des gènes et colocalise avec la Pol II sous forme initiée (phosphorylée sur la sérine 5). H3K36me3 est retrouvée dans la partie 3’ et marque l’élongation de la transcription (Pol II phosphorylée sur la sérine 2). H3K4me2 s’étale autour des TSS actifs mais forme des piques autour des TSS des gènes réprimés (RICKELS et al. 2016). Enfin, H3K79me

peut être retrouvée sur différentes positions des gènes selon son degré de méthylation et peut également être retrouvée au niveau de gènes réprimés. Ces phénomènes de

36 positions sont également retrouvés pour les marques associées à la répression. H3K9me2/3 associée aux TSS marque leur état répressif (VAKOC et al. 2005). Enfin, la

marque H3K27me3, associée à l’activité du complexe du PcG, est retrouvée principalement en 5’ des gènes chez les mammifères. Chez la Drosophile, cette marque peut cependant s’étendre et former de larges domaines répressifs contenant plusieurs gènes (BOYER et al. 2006; SCHWARTZ et al. 2006; SCHUETTENGRUBER et al. 2009).

Figure 9 : Profils typiques des modifications d’histones le long d’un gène

Profils de différentes modifications post-traductionnelles d’histones établis chez les mammifères. 5mC correspond à la méthylation des ilots CpG de l’ADN. Figure adaptée de (BUTLER and DENT

37 Les protéines pouvant reconnaitre ces modifications d’histones possèdent soit un domaine Tudor, soit un Chromodomaine, soit un domaine PHD. Ces protéines peuvent appartenir aux complexes de remodelage de la chromatine (comme la protéine BPTF du complexe NURF qui reconnait spécifiquement la marque H3K4me3) ou à des complexes impliqués directement dans la répression et la compaction de la chromatine (comme la protéine Pc du complexe Polycomb qui reconnait spécifiquement H3K27me3 ou encore HP1 qui reconnait spécifiquement H3K9me2/3. Toutes deux possèdent un Chromodomaine). Enfin, ces modifications peuvent également être reconnues par des déméthylases.

Bien que la méthylation soit une modification extrêmement stable, elle peut cependant être retirée par les familles de protéines de type KDM1 (Lysine (K) Demethylase 1) ou JmjC (Jumonji C) (PEDERSEN and HELIN 2010). Par ailleurs, c’est au sein de cette famille que l’on retrouve la déméthylase JARID1 qui retire la marque activatrice H3K4me2/3. H3K27me2/3 est retirée par UTX, membre de la famille KDM1 (PEDERSEN and HELIN

2010).

iii) L’ubiquitination

L’ubiquitination des lysines consiste en la fixation d’une ubiquitine, un peptide de 8kDa. Cette modification est donc beaucoup plus imposante que les deux précédemment énoncées. L’ubiquitination se fait en trois étapes nécessitant l’action successive d’enzymes ; une enzyme d’activation E1, une enzyme de conjugaison E2 et pour finir une enzyme de liaison E3 (PICKART and EDDINS 2004). L’ubiquitine est transférée de E1 à E2 et est ensuite fixée au niveau des histones par l’action de E3. De manière générale, la poly-ubiquitination d’une protéine est associée au processus de dégradation de celle-ci. En revanche, les mono-ubiquitinations associées aux histones H2A et H2B sont associées à la régulation de la transcription.

Chez l’homme, la mono-ubiquitination de la lysine 120 de l’histone H2B est catalysée par Rad6A/B et est associée à l’activation de la transcription (KAO et al. 2004; XIAO et al. 2005). Par ailleurs, il existe un complexe de remodelage nommé Osa chez la

Drosophile et BAF250 qui agit également comme ubiquitine-ligase de H2B120 (LI et al.

2010b). L’ubiquitination et la modulation de la chromatine sont donc liées. En revanche, la mono-ubiquitination de la lysine 119 de l’histone H2A (ou K118 chez la Drosophile) est associée à la répression des gènes (WANG et al. 2004a; ZHOU et al. 2008)

et est déposée par la protéine RING1A/B (chez les mammifères) ou dRING (chez la drosophile) qui sont toutes deux associées au complexe Polycomb (discuté dans le Chapitre II).

38 Chez la Drosophile, H2BUb est retirée par dUSP36 (BUSZCZAK et al. 2009). Quant à

H2AUb, elle peut être retirée par le complexe PR-DUB via l’enzyme Calypso (BAP1 chez les mammifères). Chez la Drosophile, ce complexe colocalise avec les protéines du PcG. De plus, H2AUb est également reconnue par la protéine ZRF1 (zuotin-related factor 1) qui provoque le retrait du complexe du PcG de manière spécifique (RICHLY et al. 2010).

Cette protéine joue donc un rôle clef dans l’activation des gènes spécifiquement pré-ciblés par les protéines du PcG.

iv) La phosphorylation

La phosphorylation est catalysée par des kinases qui transfèrent un groupement phosphate de l’ATP sur des résidus sérines (S) ou thréonines (T). Comme pour l’acétylation, la phosphorylation altère la charge des histones par l’ajout de ce groupement négatif (MUSSELMAN et al. 2012b).

Les phosphorylations les plus étudiées sont celles des sérines 10 et 28 de l’H3 (H3S10P et H3S28P), toutes deux catalysées par des kinases de la famille Aurora. Initialement découverte comme impliquées dans la condensation et la ségrégation des chromosomes au cours de la mitose (WEI et al. 1999; GOTO et al. 2002), ces

modifications sont également impliquées dans l’activation de la transcription. De façon surprenante, la mutation du résidu 28 de l’H3 (S28A) n’affecte pas la mitose mais décroit le niveau de H3K27me3 déposé par les protéines du PcG (YUNG et al. 2015). Ceci

suggère que l’état non-phosphorylé de certain résidu est également important dans le recrutement à la chromatine de complexes comme celui du PcG.

La protéine 14-3-3ζ reconnait spécifiquement H3S10P et H3S28P et pourrait permettre le recrutement spécifique de facteurs impliqués dans l’activation transcriptionnelle (MACDONALD et al. 2005).