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Les Facteurs de Transcription (FT) associés au recrutement des protéines

Chapitre IV : Complexité du recrutement de Polycomb à l’ADN

B. Les Facteurs de Transcription (FT) associés au recrutement des protéines

Comme vu précédemment, les PRE sont composés de multiples sites de fixations associés à différents facteurs. En dépit d’un grand nombre d’études visant à mieux comprendre la nature des PRE, nous ne savons pas, à ce jour, ce qui caractérise vraiment un PRE, ni les combinaisons de FT requis pour l’activité d’un PRE. Les études de différents PRE chez la Drosophile ont permis d’identifier différents facteurs importants dans l’activité PRE comme Pho/Phol, Spps, Gaf/Psq, Dsp1, Zeste, Grainyhead et Combgap (KASSIS and BROWN 2013). La cartographie de ces protéines dans différents tissus et à différents stades de développement a permis de mettre en lumière des points importants concernant la distribution de ces protéines (SCHWARTZ et al. 2006; SCHUETTENGRUBER et al. 2009): 1) Ces protéines ne se fixent pas à tous les PRE

et peuvent se fixer à des sites autres que les PRE ; 2) Ces protéines peuvent être retrouvées sur des sites transcriptionnellement actifs. D’autre part, le phénotype des mutants de certains de ces facteurs montre leur rôle dans l’activation par le TrxG plutôt que dans la répression par le PcG suggérant un lien étroit entre l’activité de ces deux complexes antagonistes. De manière générale, il est admis qu’aucun de ces facteurs seul ne peut recruter les complexes du PcG et que le recrutement de ces complexes requière la contribution coopérative de ces différents facteurs. La combinaison de facteur recrutant les complexes du PcG peut varier selon les PRE.

i) Pho (Pleiohomeotic) et Phol (Pleiohomeotic-like)

Le premier FT identifié comme ayant un rôle dans le recrutement des complexes du PcG à la chromatine est la protéine Pho (BROWN et al. 1998). De plus, il est le seul

membre de cette famille à pouvoir se lier directement à l’ADN. Les mutants pour cette protéine montrent un phénotype classique associé à l’activité du PcG (voir Figure 13). Le génome de la Drosophile code une protéine homologue Phol, dont le domaine de fixation à l’ADN est très conservé (BROWN et al. 2003). De façon intéressante, les

75 homéotique. Cependant, des études génétiques indiquent que les protéines Pho et Phol interagissent ensemble dans la répression des gènes HOX (BROWN et al. 2003).

Cependant, Phol semble avoir un rôle plus large que la répression médiée par les protéines du PcG. En effet, les œufs produit par des femelles mutantes pour Phol sont fertiles mais ne se développent pas ; une caractéristique qui n’est pas retrouvée pour les œufs issus de femelles mutantes pour Pho (BREEN and DUNCAN 1986).

Pho possède deux domaines conservés dont les domaines spacer et Zinc finger. Le domaine Zinc finger situé en C-terminale lui permet la fixation à l’ADN et lui permet également une interaction avec la protéine Esc du PRC2 (SATIJN et al. 2001; WANG et al.

2004b). D’autre part, le domaine spacer permet l’interaction avec E(z). Bien que les parties C-terminales de Pho et Phol soient conservées (80% d’identité), le domaine

spacer de Phol ne contient que 45% d’identité avec celui de Pho (WANG et al. 2004b) ce

qui explique pourquoi Phol peut interagir avec Esc mais pas avec E(z) (WANG et al.

2004b). Pho et Phol possèdent des homologues fonctionnels chez les mammifères qui sont respectivement YY1 et YY2 (BROWN et al. 1998; BROWN et al. 2003; NGUYEN et al.

2004; DREWS et al. 2009). YY1 a été identifiée comme impliquée à la fois dans

l’activation transcriptionnelle que dans la répression médiée par le PcG de manière dépendante du contexte cellulaire (ATCHISON et al. 2003; GORDON et al. 2006; WANG et al. 2006a).

Bien que Pho et Phol jouent un rôle partiellement redondant dans le recrutement des complexes du PcG (WANG et al. 2004b), la cartographie de ces deux protéines révèle

une divergence dans leurs sites de fixations (SCHUETTENGRUBER et al. 2009). En effet, de

tous les sites fixés par Ph et Pc, 96% correspondent également à des sites fixés par Pho contre 21% pour Phol. Ceci suggère que contrairement à Phol, Pho pourrait être absolument requis pour le recrutement du complexe PRC1. Par ailleurs, des études in

vivo et in vitro ont identifié un motif d’ADN commun pour Pho et Phol ; le motif GCCAT

(FRITSCH et al. 1999; BUSTURIA et al. 2001; MISHRA et al. 2001; WANG et al. 2004b). Les

résultats des études de cartographie révèlent cependant que Phol se fixe préférentiellement à ce motif d’ADN généralement associé aux TSS, alors que Pho se fixe à un motif plus dégénéré : TxxGCCAT généralement retrouvé aux PRE (KAHN et al.

2014; SCHUETTENGRUBER et al. 2014). Ainsi, le maintien de Pho aux motifs dégénérés des

PRE serait plutôt dû à l’action combinatoire entre Pho et les complexes du PcG qu’à son interaction séquence-spécifique (KAHN et al. 2014; SCHUETTENGRUBER et al. 2014).

Quel est le rôle précis de Pho aux PRE ? En effet, Pho est retrouvé dans deux autres complexes : Pho-INO80, un complexe de remodelage des nucléosomes et le complexe Pho-RC où il s’associe avec Sfmbt. Alors que seule la protéine Pho est retrouvée associée avec INO80, Pho et Phol peuvent former des complexes stables avec Sfmbt (KLYMENKO et al. 2006). Ainsi, un des rôles de Pho et Phol serait de permettre la fixation

76 Pour conclure, tous les PRE testés in vivo requièrent la fixation de Pho pour l’activité PRE. Cependant, il a été suggéré que d’autres protéines telles que Gaf et Dsp1 étaient nécessaires pour permettre la fixation de Pho aux PREs. Enfin, bien que le rôle majeur de Pho soit la répression médiée par le PcG, Pho peut également agir comme activateur transcriptionnel dans certaines cellules du système nerveux de la Drosophile (FUJIOKA

et al. 2008). Il reste donc à savoir si le rôle de Pho dans l’activation transcriptionnelle

est spécifique à ces cellules ou s’il peut être généralisé aux PRE/TRE.

ii) Spps (Sp1 factor for PSS) et les protéines de la famille Sp1/KLF

En 2005, Brown et al., identifient un motif GGGGCG au niveau du PRE du gène engrailed permettant le recrutement in vitro de protéines de la famille Sp1/KLF (BROWN et al.

2005). Il existe neuf membres de cette famille de protéines chez la Drosophile et huit d’entre elles sont capables de se fixer au PRE de engrailed in vitro (BROWN et al. 2005).

Ces protéines ont la particularité de se fixer à l’ADN via trois domaines Zinc finger situés en C-terminale et de posséder en N-terminale, un domaine btd (buttonhead) dont le rôle est inconnu (BROWN et al. 2005). Cinq ans plus tard, l’équipe publie un travail centré

sur SPPS (Sp1 factor for PSS), le membre de cette famille qui a le plus d’homologie avec ses orthologues mammaliens (BROWN and KASSIS 2010). Ils montrent, entre autre, que SPPS corrèle encore plus que Pho avec la protéine Psc de PRC1 sur les chromosomes polytènes. Cependant, aucune cartographie de la protéine Spps n’a encore été réalisée (la première a en réalité été faite dans le cadre de mes travaux de thèse ; voir la partie Résultats).

De manière surprenante, bien que les mutants Spps soient létaux, ils ne montrent cependant aucune dérégulation des gènes homéotiques suggérant l’existence potentielle de protéines redondantes (BROWN and KASSIS 2010). Par ailleurs, Spps et Pho interagissent dans la répression médiée par le PcG puisque les doubles mutants pour

Spps et Pho montrent une dérégulation des gènes HOX encore plus importante que

pour les mutants Pho seuls. Cette interaction est conservée chez les mammifères entre YY1 et Sp1, l’homologue de Spps (LEE et al. 1993; SETO et al. 1993).

Le rôle des autres membres de la famille Sp1/KLF chez la Drosophile dans la répression par les protéines du PcG n’a pas été étudié. Cependant, chez les mammifères, les protéines de cette famille sont impliquées dans plusieurs aspects de l’expression des gènes (KACZYNSKI et al. 2003; MCCONNELL and YANG 2010).

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iii) GAF (GAGA factor) et Psq (Pipsqueak)

La séquence GAGAG est requise pour l’activité de beaucoup de PRE (KASSIS 2002; FUJIOKA et al. 2008). Ce motif est reconnu par deux membres de la famille de protéines

BTB-POZ (BTB pour BR-C, ttk and bab et POZ pour Pox virus and Zinc finger) : GAF et Psq.

GAF est codé par le gène Trithorax-like. Le gène fût ainsi nommé en raison du rôle initialement identifié pour GAF à savoir une composante du complexe du TrxG, l’antagoniste du PcG. Cependant, la mutation de son motifs de fixation dans des PRE transgéniques abolie le recrutement du PcG (BUSTURIA et al. 2001; MISHRA et al. 2001).

Par ailleurs, GAF permet de remodeler les nucléosomes aux PRE (en particulier de les retirer) (MAHMOUDI et al. 2003; FUDA et al. 2015) . De ce fait, il a été suggéré que le

recrutement initial de GAF facilitait la fixation de Pho (MAHMOUDI et al. 2003). Le lien

entre Psq et les protéines du PcG a tout d’abord été mis en lumière par des expériences biochimiques (HUANG and CHANG 2004). Par la suite, une interaction génétique entre

Psq et Pc a été identifiée sur la base du phénotype obtenu dont les gènes HOX sont plus

dérégulés qu’un mutant hétérozygote pour Pc (HUANG et al. 2002).

Bien que les deux protéines colocalisent sur des chromosomes polytènes (SCHWENDEMANN and LEHMANN 2002) leur domaine de liaison à l’ADN est différent. GAF contient un domaine Zinc finger (LEHMANN et al. 1998) alors que Psq contient un

domaine Psq (4 répétitions d’un motif de 50 acides-aminés (HOROWITZ and BERG 1996)). Ainsi, il est possible que le recrutement de Psq requière un motif légèrement plus long (SIEGMUND and LEHMANN 2002)

Le rôle exact de ces deux protéines dans le recrutement des complexes du PcG est cependant difficile à définir car elles sont toutes deux impliquées dans d’autres processus biologiques (SIEGEL et al. 1993; BHAT et al. 1996; HUANG and CHANG 2004). D’autre part, la cartographie de la protéine GAF montre qu’elle n’est présente que sur 50% des sites occupés par les protéines du PcG (NEGRE et al. 2006; SCHUETTENGRUBER and CAVALLI 2009). La particularité des membres de la famille BTB-POZ est le domaine BTB qui permet aux protéines d’oligomériser en solution (LEHMANN et al. 1998). Par ailleurs,

ce domaine est également retrouvé dans quelques protéines insulatrices comme Mod(mdg4) et CP190 (KYRCHANOVA et al. 2016). Il n’est donc pas surprenant de voir que

GAF joue également un rôle dans l’organisation chromatinienne (MELNIKOVA et al. 2004;

PETRASCHECK et al. 2005; FUDA et al. 2015), une fonction qui est par ailleurs conservée

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iv) DPS1 (Dorsal switch protein 1)

La protéine DSP1 fait partie d’une famille de protéines nommée ETP (Enhancers of

trithorax and Polycomb) dont les mutants ont des phénotypes incluant des

dérégulations de gènes cibles du TrxG et du PcG (DECOVILLE et al. 2001; SALVAING et al.

2006). D’un point de vue biochimique, DSP1 fait partie des protéines HMG de type II. Les protéines HMG sont caractérisées par leur domaine HMG constitué d’environ 70 acides aminés leur permettant de se fixer à l’ADN. Contrairement au type I, les HMG de type II contiennent plusieurs domaines HMG et ont la particularité d’être moins spécifique quant aux motifs d’ADN qu’elles reconnaissent (DECOVILLE et al. 2001).

Cependant, DSP1 a été identifiée comme recruteur du complexe PcG via un motif G(A) retrouvé dans différents PRE (DEJARDIN et al. 2005). En effet, une mutation de ce motif

dans deux PRE transgéniques suffit à abolir le recrutement des protéines du PcG mais change également les PRE en TRE. Par ailleurs, le recrutement de GAF semblerait être indépendant de DSP1 (DEJARDIN et al. 2005). Cependant, la cartographie de DSP1 dans

les embryons de Drosophile montre que, comme GAF, seuls 50% des sites fixés par le PcG sont aussi fixés par DSP1 (SCHUETTENGRUBER et al. 2009; SCHUETTENGRUBER et al.

2014). De plus, la séquence préalablement déterminée G(A) n’est pas enrichie au niveau de ces PRE, ce qui soutient le caractère non-spécifique des protéines HMG-II. Par ailleurs, DSP1 interagit avec Corto, une autre protéine ETP (SALVAING et al. 2006).

Cette dernière peut interagir avec GAF et des protéines du PRC1 (SALVAING et al. 2003).

Le rôle global des interactions DSP1-CORTO-GAF n’est pas encore élucidé. En particulier, le rôle de Corto dans le recrutement de PcG n’a pas été étudié.

v) Zeste

La protéine Zeste fait également partie de la famille ETP (KAL et al. 2000; SAURIN et al.

2001; HUR et al. 2002; DEJARDIN and CAVALLI 2004). Les mutants sont viables et fertiles (GOLDBERG et al. 1989). Il a été suggéré que Zeste pouvait servir de pont entre les PRE

et les promoteurs (SAURIN et al. 2001). Cependant, la cartographie de la protéine Zeste

montre une très faible colocalisation entre cette protéine et les membres du PcG (OKTABA et al. 2008). Ainsi, le rôle exact des protéines de la famille ETP comme DSP1 et

Zeste dans le recrutement du PcG reste encore obscur.

vi) Grh (Grainyhead)

Tout comme les protéines évoquées ci-dessus, la protéine Grh a également été identifiée comme ayant un rôle dans le recrutement de PcG (BLASTYAK et al. 2006). Grh

79 interagit physiquement avec dRING et cette interaction est conservée chez les mammifères (TUCKFIELD et al. 2002). Malgré cela, le consensus de Grh (TGTTTTTT

(BLASTYAK et al. 2006) ne semble pas être présent sur tous les PREs et la colocalisation

entre cette protéine et le PcG est inconnue. En effet, aucun marquage sur chromosome polytène n’a été réalisé. Par ailleurs, tout comme GAF, DSP1 et ZESTE, Grh a initialement été découverte comme activateur transcriptionnel (BRAY et al. 1989). Il a

été suggéré que son rôle en tant que répresseur/activateur était dépendant du contexte cellulaire (KASSIS and BROWN 2013).

vii) Cg (Combgap)

Par ailleurs, l’étude du PRE d’engrailed révèle également l’existence d’un motif GTGT présent à de nombreux PRE (RINGROSE et al. 2003; SCHUETTENGRUBER and CAVALLI 2009; SCHUETTENGRUBER et al. 2014). Récemment, la protéine Cg a été identifiée comme

impliquée dans le recrutement des protéines PcG via ce motif (RAY et al. 2016). De façon

intéressante, Cg interagit génétiquement avec Pho et Spps et colocalise fortement avec Spps sur les chromosomes polytènes. Malgré une forte colocalisation entre Cg et la protéine du PcG Ph, l’analyse des mutants Cg montre que de nombreux sites Ph ne sont pas affectés par la perte de Cg.