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Les maladies inflammatoires et auto-immunes

Chapitre 2 Le rôle des macrophages dans le développement de pathologies

1.1 Les maladies inflammatoires et auto-immunes

De nombreuses maladies inflammatoires mettent en cause les macrophages. J’ai choisi de consacrer ce paragraphe à l’exposition de trois d’entre elles qui présentent à la fois une forte incidence mondiale et qui sont en progression constante, notamment dans les pays développés : l’athérosclérose (les maladies cardiovasculaires totalisent 29% des causes de mortalité), l’obésité (près de 15% de la population mondiale affectée en 2013) et l’asthme allergique (environ 235 millions de personnes affectées en 2011, avec 250 000 décès par an). Je terminerai avec le rôle des macrophages dans les maladies auto-immunes.

1.1.1 L’athérosclérose

L’athérosclérose est aujourd’hui décrite comme étant à la fois un trouble lipidique et

une maladie inflammatoire dans lequel les macrophages jouent un rôle central (Woollard & Geissmann, 2010). Grâce à leur capacité à faciliter l’élimination du cholestérol, les

macrophages pourraient être vus comme ayant un rôle protecteur au cours de l’athérosclérose et l’homéostasie lipidique. Pourtant, des souris hypercholestérolémiques déficientes en

macrophages semblent être protégées de la maladie, suggérant que les macrophages auraient plutôt un rôle pathogénique (J. D. Smith et al., 1995). En effet, il a été observé qu’au cours de la maladie, les macrophages se logent dans l’intima et la subintima des artères, menant à la formation de plaques athérosclérotiques obstructives qui sont sujettes à une rupture et peuvent ainsi provoquer une thrombose, un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral (figure 12) (Ayoub, Hickey, & Morand, 2008). Des études ont montré que les cellules Th1 contribuent au développement de la maladie en produisant l’IFN-γ (Gupta et al., 1997). Cette cytokine va stimuler la différenciation de macrophages fortement activés (phénotype plutôt M1 pro-inflammatoires), appelés cellules spumeuses ou foamy macrophages, qui favorisent la

formation de lésions instables (A. C. Li & Glass, 2002). Ces macrophages pathogéniques expriment également plus fortement des récepteurs « éboueurs » (« scavenger receptors ») tels que CD36, responsables de l’augmentation de la capture de lipoprotéines de basse densité (LDL, qualifiées de « mauvais cholestérol »). En revanche, les cytokines de type Th2, en particulier IL-10, semblent jouer un rôle protecteur en bloquant la formation de ces macrophages M1 pathogéniques dans les plaques athérosclérotiques (Pinderski et al., 2002).

Bien que l’hypercholestérolémie fut initialement considérée comme stimulus primaire du

recrutement des macrophages vers la paroi artérielle, il est fort probable que des blessures, ainsi que des infections bactériennes et virales, puissent également contribuer à ce recrutement et donc à la pathogenèse de l’athérosclérose. Ainsi, des stratégies de déplétion ou

d’inactivation de ces macrophages de type M1 pourraient être utiles dans le traitement de la

maladie.

Figure 12 : Les macrophages au cours du développement de l’athérosclérose (extrait de Ayoub, Hickey and Morand, 2008).Les macrophages se logent dans l’intima et la subintima des artères et capturent des LDL, menant

à la formation de foamy macrophages. L’accumulation de ces cellules induit la formation de plaques

athérosclérotiques comprenant des cellules inflammatoires, des cellules musculaires lisses, des débris cellulaires, des cristaux de cholestérol et de la matrice extracellulaire.

1.1.2 L’obésité

La résistance à l’insuline associée à l’obésité, les diabètes et le syndrome métabolique

sont soutenus par une inflammation chronique (Hotamisligil, 2006). Les macrophages du tissu adipeux (adipose tissue macrophages ou ATMs) sont un composant majeur du tissu adipeux

et jouent un rôle important dans la pathologie associée à l’obésité. En effet, chez les sujets et

souris obèses, les adipocytes libèrent des médiateurs tels que le CCL2, le TNF ou des acides gras libres qui favorisent le recrutement et l’activation des ATMs. Les cytokines

inflammatoires produites par les ATMs recrutés vont contrer l’action de sensibilisation de

l’insuline par l’adiponectine et la leptine, menant à l’insulino-résistance. En effet, des études montrent que l’infiltration des ATMs est corrélée au degré de l’obésité (Weisberg et al.,

2003). Là encore, l’inhibition de cette infiltration de macrophages paraît être une stratégie intéressante pour lutter contre le syndrome métabolique.

1.1.3 L’asthme allergique

Les macrophages M2 sont couramment décrits comme suppresseurs puisqu’ils inhibent la production de médiateurs pro-inflammatoires (voir le chapitre précédent). Toutefois, la définition et les fonctions de ces macrophages M2 ont été étendus, du fait de leur rôle dans la régulation des réponses inflammatoires de type Th2. Ainsi, de nombreuses études ont identifié leur rôle dans les réponses allergiques (Prasse et al., 2007), bien que cela reste encore controversé. L’asthme allergique est une maladie inflammatoire chronique complexe des poumons, se manifestant par une inflammation, une obstruction, une hyperréactivité et un remodelage pathologique des voies respiratoires. Cette réponse inflammatoire est caractérisée par le recrutement de lymphocytes Th2 (Anthony et al., 2006), de mastocytes, d’éosinophiles et de macrophages dans les poumons, et une expression élevée de l’immunoglobuline E dans le sérum, spécifique des allergènes. Cette inflammation chronique, c'est-à-dire non-résolue,

dirigée par des cytokines Th2 et caractéristique de l’asthme allergique, serait expliquée par la

présence persistante d’une population de macrophages présentatrice d’antigènes dans le lumen des voies respiratoires (Julia et al., 2002). Les macrophages pulmonaires produisent une variété de facteurs qui vont directement stimuler la contraction des muscles lisses des voies aériennes et la dégradation de la matrice extracellulaire, favorisant ainsi le remodelage pathologique des voies. On retrouve chez certains asthmatiques des macrophages pulmonaires qui sont en permanence exposés à des cytokines de type Th2 (par exemple, IL-4, IL-13 et IL- 33) entraînant leur différenciation vers un phénotype M2 impliqué dans la pathogenèse de

l’asthme. En effet, des expériences de transfert adoptif ont montré que la sévérité de la

maladie allergique est exacerbée par des macrophages IL-4R+ (exprimant le récepteur à l’IL-

4, cytokine majeure de la différenciation M2), alors qu’une diminution du nombre de ces

cellules est associée à une protection contre la maladie (Ford et al., 2012; Moreira et al., 2010).

1.1.4 Les maladies auto-immunes

Les macrophages sont également impliqués dans la pathogenèse d’une variété de maladies auto-immunes, telles que la polyarthrite rhumatoïde, la sclérose en plaques,

l’hépatite auto-immune et la maladie de Crohn. Au cours de ces maladies, les macrophages de

type M1 représentent une source importante d’un grand nombre de cytokines inflammatoires clés qui ont été identifiées comme des conducteurs de l’inflammation auto-immune, telles que

l’IL-12, l’IL-18, l’IL-23 et le TNF-α (Murray & Wynn, 2011). Par exemple, au cours d’une

colite expérimentale, une sous-population de monocytes Ly6Chi/CX3CR1lo exprimant TLR2, il a été montré que CCR2 et TNF favorisent l’inflammation colique (Platt, Bain, Bordon, Sester, & Mowat, 2010). Similairement, chez des patients atteints de la maladie de Crohn, une population de macrophages CD14+ a été identifiée, distincte du pool normal de macrophages intestinaux, qui est responsable de la production de larges quantités de cytokines pro- inflammatoires citées plus haut, notamment l’IL-23 et le TNF, considérées comme responsables de la maladie (Kamada et al., 2009; Kamada et al., 2008).

Dans le cas de maladies provoquant une démyélinisation du système nerveux central, il a été montré que des macrophages M1 inflammatoires contribuent à la démyélinisation des axones dans des expériences d’encéphalomyélite auto-immune chez la souris, souvent utilisée comme modèle de la sclérose en plaques (Hendriks, Teunissen, de Vries, & Dijkstra, 2005). Les macrophages recrutés vers le système nerveux central conduisent les cellules T à exécuter un programme effecteur Th1 pro-inflammatoire, tandis que les cellules myéloïdes recrutées

produisant de l’IL-23 stimulent la production de GM-CSF par les cellules T auxiliaires, qui

régulent le développement et la sévérité de la maladie (Codarri et al., 2011; El-Behi et al., 2011).

Toutefois, malgré les preuves d’implication des macrophages dans ces pathologies complexes, il est important de garder en tête que les principes d’hétérogénéité et de plasticité des macrophages s’appliquent également, et donc que plusieurs populations de macrophages peuvent avoir des effets pro- ou anti-inflammatoires flexibles et ainsi différents impacts sur la maladie. Par exemple, dans le cas de la polyarthrite rhumatoïde, le TNF produit par les macrophages de type M1 a été identifié comme un déclencheur de la production de cytokines par les cellules synoviales, menant au développement de la maladie (d’ailleurs, des molécules anti-TNF-α représentent un traitement efficace) (Kawane et al., 2006). En revanche, il a été observé que les macrophages produisant des ROS protègent les souris de l’arthrite par

inhibition de l’activation des cellules T (Gelderman et al., 2007). Des populations de

macrophages anti-inflammatoires ont aussi été retrouvées dans plusieurs maladies auto- immunes, ayant des rôles protecteurs (Shechter et al., 2009). Ainsi, bien que les macrophages

représentent des cibles intéressantes pour le traitement de ces maladies, il est important de considérer les rôles de chaque sous-population.

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