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3 Discussion

3.3 Compartiments biologiques :

3.3.3 Les macroinvertébrés benthiques :

Ce compartiment fait l’objet d’un échantillonnage terrain facile à mettre en place avec une reconnaissance a posteriori des taxons en laboratoire. La détermination des taxons est relativement aisée avec des groupes pouvant se limiter à des familles ou sous familles.

Les MIB sont un des compartiments dont les résultats sont les plus complets. Les métriques fonctionnelles des taxons sont bien renseignées et ont fait l’objet de plusieurs études afin de caractériser la réponse de ces traits faces à différentes pollutions (Usseglio-

Polatera 2001, Archaimbault 2003, Archaimbault et al. 2009). Les MIB répondent aux perturbations de qualité de l’eau dans la gamme moyenne à forte. Ils permettent (comme les diatomées) de détecter des modifications globales de l’état des masses d’eau dès de faibles perturbations (Marzin et al. 2012) et ils sont considérés comme des bons indicateurs des changements structuraux de cours d’eau (Blanco and Becares 2010).

3.3.3.1 Métriques taxonomiques :

Les indicateurs taxonomiques sont utilisés universellement pour évaluer l’état écologique des masses d’eau. En effet, la baisse d’indicateurs tels que la richesse spécifique ou la diversité sont caractéristiques de perturbations sur les cours d’eau (Barbour et al. 1999). Les résultats obtenus ici mettent en avant une baisse de ces métriques ayant un poids fort dans l’analyse PLS. Ces indicateurs mettent alors nettement en avant la perturbation présente sur les stations aval, tout en mettant en avant la dissipation partielle de la perturbation sur la station AvL.

3.3.3.2 Métriques indicielles :

L’IBGN est initialement construit pour évaluer l’état trophique des cours d’eau. Il est basé sur des espèces indicatrices polluo-sensibles et polluo-résistantes. Il met en avant la perturbation présente sur les stations aval en les discriminant entre elles. Les très fortes proportions d’espèces telles que les oligochètes et Chironomidae attestent de cette perturbation.

L’indice SPEARorganic est corrélé avec les substances toxiques (pesticides, surfactants, composés pétrochimiques) et cela indépendamment du gradient longitudinal (Beketov and Liess 2008). De ce fait, cet indice est utilisable dans la bio-évaluation, il permet de détecter les effets des pollutions toxiques sur les communautés de MIB des habitats lotiques. Il apparait que l’indice SPEARorganic permet de différencier les deux stations amont des stations aval, qui possèdent un indice plus faible. Cependant, il ne permet pas de différencier les stations aval entre elles et a un poids limité dans la PLS (0,8<VIP <1). Cet indice permet de mettre en avant la nature de la perturbation.

3.3.3.3 Métriques fonctionnelles :

Les métriques fonctionnelles présentent des nombreuses variations entre les stations amont et aval et sont fortement impliquées dans la construction de la PLS. D’après Archaimbault (2003), elles constituent une méthode d’analyse complémentaire aux méthodes classiques. Leur variation ne permet pas de mettre en évidence des différences d’intensité de perturbation mais permet de caractériser la nature de la perturbation. Les traits écologiques réagissent moins que les traits biologiques face aux perturbations, aucun trait écologique n’est déterminé comme étant très discriminant pour les pollutions toxiques.

Traits biologiques

Les variations mises en évidence par les tests de Kruskal-Wallis montrent des variations similaires à celles observées par Archaimbault (2003) sur la station subissant une très forte pollution toxique. Les 11 traits biologiques présentent des modalités qui structurent fortement l’analyse PLS.

D’après Archaimbault (2003), les modalités les plus discriminantes pour les communautés subissant une perturbation toxique sont une augmentation des stades adultes et œufs, des formes de résistances cocons, de la respiration tégumentaire, des formes épibenthiques et endobenthiques, des mangeurs de particules fines (i.e. sédiments fins et microorganismes, détritus), des absorbeurs et mangeurs de dépôts ainsi que des pontes fixées. Les résultats obtenus sont donc en accord avec la littérature sauf pour la technique de reproduction. Contrairement aux résultats bibliographiques, la technique de reproduction asexuée est plus utilisée sur les stations aval. L’augmentation de la taille des organismes, des cycles de vie plus longs, un nombre de reproductions plus élevé et une dispersion aquatique passive sont aussi observés sur les stations aval. Ces résultats concordent avec ceux observés, dans le cas de plusieurs types de perturbations (trophique, rectification, barrage et toxique) (Archaimbault 2003). La dispersion aquatique passive (i.e. dérive) est une méthode importante de dissémination et de recolonisation des rivières par les MIB qui augmente avec les perturbations chimiques (Townsend and Hildrew 1976).

Les traits biologiques mettent donc en avant une perturbation plus forte sur la station AvP que sur la station AvL. Cependant cette différence reste minime. Ils caractérisent une perturbation de type toxique, ce qui concorde avec nos attentes.

Traits écologiques

Les traits écologiques affichent moins de modalités ayant une variation amont-aval que les traits biologiques. Cependant plusieurs traits sont importants sur la structuration de la PLS.

D’après Archaimbault et al. (2009), les traits « sensibilité à un faible pH », « saprobie », « niveau trophique » sont plus spécifiquement liés aux impacts toxiques. En accord avec cela, le statut trophique et notamment la valeur saprobiale (VIP > 1) mettent en évidence une augmentation des taxons caractéristiques de milieux perturbés (ex : eutrophe, polysaprobe) sur les stations aval. Cependant, aucune variation n’est détectée pour la sensibilité aux faibles pH. Cela peut être du au fait que le Luzou est un cours d’eau landais. Il est caractérisé par un pH faible généralisé, les taxons présents sur les sites de référence ne sont donc pas sensibles à l'acidité. D’après la PLS, les stations aval ont une plus forte proportion de taxons issus de l’épipotamon et du métapotamon. Ceci peut s’expliquer par le fait que la dégradation peut s’accompagner de dégradations physiques du milieu ce qui entraine l’apparition d’une communauté théoriquement caractéristique de sites plus en aval (Archaimbault 2003).

Les stations aval présentent une augmentation des taxons inféodés au substrat vaseux et aux plaines par rapport aux sites amont. Ces résultats sont similaires avec ceux obtenus sur les cours d’eau subissant respectivement des perturbations toxique/barrage et des perturbations toxique/rectification/barrage (Archaimbault 2003).

L’augmentation de taxons lacustres n’est pas significative sur la PLS (VIP<0,8). Cependant cette augmentation de taxons lacustres caractérise une pollution toxique. Pour finir, les preferenda de température et de salinité sont souvent discriminants sur les sites perturbés (Archaimbault 2003). Ceci n’est pas été observé, la température n’est pas importante sur la construction de la PLS et la salinité ne présente pas de variation.

Les MIB permettent donc via leur grande variété d’indicateurs de rendre compte de l’intensité de la perturbation et de la nature de celle-ci.

3.3.4 Les diatomées :

Ce compartiment biologique se démarque des autres par un échantillonnage sur le terrain rapide et facile à mettre en place. Cependant, les cagettes portant les lames d’échantillonnage artificiel doivent être laissées immergées sur place pendant 1 mois. Elles sont donc soumises à des actes de vandalisme potentiels. La reconnaissance des espèces demande un matériel précis et coûteux, ainsi que des connaissances taxonomiques importantes.

Avec plus de 100 000 taxons, les diatomées ont une diversité taxonomique très forte qui en fait un compartiment biologique intéressant pour le suivi de perturbations. Elles sont toujours présentes, même sur les sites où les perturbations sont très importantes et où les autres compartiments tendent à disparaitre (exemple sur la station AvP : diatomées (galet) : 45 taxons ; MIB : 10 taxons ; poissons : 1 taxon; macrophytes : 4 taxons). Elles sont considérées comme des bons indicateurs des variables chimiques affectant la qualité de l’eau (Blanco and Becares 2010) et permettent (comme les MIB) de détecter des modifications globales de l’état des masses d’eau dès de faibles perturbations (Marzin et al. 2012). Cependant, le biofilm présente un renouvellement très rapide et les diatomées sont donc plus soumises aux variations saisonnières que les autres compartiments (Barbour et al. 1999).

3.3.4.1 Caractéristiques quantitatives :

Seules la concentration en chlorophylle a ainsi que la densité ont mis en évidence des variations entre les stations amont et aval pour les relevés à t30. Ces résultats sont en accord avec ceux présents dans la littérature. En effet, d’après Morin 2012, lorsque la concentration en métaux augmente, des tendances décroissantes sont observées pour la biomasse, la chlorophylle a et la densité cellulaire. De plus, il peut être supposé que la très faible densité soit mise en relation avec la présence d’aniline dans les rejets industriels. En milieu marin, Wang et al. (2005) a mis en évidence qu’un dérivé de l’aniline engendrait une inhibition de l’adhésion de A. longipes.

Le taux de croissance n’est pas significativement différent entre les stations malgré une baisse sur les stations aval. Cependant, les courbes de cinétiques de croissance des quatre stations mettent en évidence que à t30 toutes les stations sont stationnaires tandis que la station AvL est en phase de décroissance. Le taux de croissance est calculé sur la partie

exponentielle de la courbe, il ne met donc pas en évidence la phase de décroissance du biofilm. Cette décroissance peut être due à la sénescence de la communauté (éventuellement précipitée par la présence de contaminants), à l’abrasion (conditions hydrodynamiques) ou au broutage par les MIB.

3.3.4.2 Métriques taxonomiques :

Les métriques taxonomiques sont très souvent utilisées dans la littérature pour mettre en évidence une pollution. En effet, dans le cas de pollution métallique, la richesse spécifique et la diversité sont négativement corrélées à la perturbation (Lavoie et al. 2012, Morin et al. 2012a). Dans cette étude, les résultats obtenus ne montrent aucune variation de ces métriques en fonction des stations. Ces métriques ne sont donc pas pertinentes pour évaluer la perturbation présente sur le Luzou à l’aval de l’usine.

3.3.4.3 Métriques indicielles :

Les indices IPS et IBD ne sont pas pertinents dans l’évaluation de ce cours d’eau par les diatomées. En effet, les stations sont toutes classées en « Très bonne » qualité. La construction de l’IBD ne permet donc pas de mettre en évidence des pollutions autres que trophiques. Ceci peut s’expliquer par le taux très élevé d’A. minutissimum dans communautés aval. Cette diatomée est considérée, dans le calcul de l’IBD, comme indicatrice de bonne qualité, du point de vue trophique. De même, cette espèce a une note saprobiale de 5, ce qui en fait une espèce de bonne qualité. Elle présente cependant des traits biologiques (capacité de recolonisation rapide des milieux fréquemment impactés : caractère pionnier) qui font d’elle une espèce caractéristique des milieux subissant des perturbations toxiques.

3.3.4.4 Tératogénie et traits biologiques :

La tératogénie est actuellement considérée comme un biomarqueur permettant de détecter des perturbations. De même, les traits biologiques sont de plus en plus utilisés pour caractériser les perturbations car ils donnent donc des profils plus robustes dans la détermination de pollution spécifique (Berthon et al. 2011). Les relevés sur galets sont les seuls à présenter des modifications de tératogénie et des traits biologiques entre les stations amont et les stations aval. Les communautés matures prélevées sur substrats naturels sont donc les plus pertinentes dans la caractérisation de la pollution toxique par le biais de la tératogénie et des traits biologiques.

Tératogénie :

Les formes tératogènes se différencient des formes saines par une modification de la frustule due à une exposition à un environnement toxique. Lorsque ces formes sont présentes en forte proportion (plus de 1% (Morin et al. 2012a)), cela traduit un impact toxique sur les communautés, donc une forte perturbation du milieu. Plusieurs facteurs peuvent s’avérer être la cause de ces déformations tels que des facteurs environnementaux (sécheresse, intensité lumineuse, température de l’eau) ou un enrichissement trophique. Mais plus généralement, la contamination par des composés toxiques (cyanures, pesticides, PAH, métaux) est mise en cause (Falasco et al. 2009, Morin et al. 2012a). Seuls les prélèvements sur galet présentent en aval proche de l’usine un pourcentage moyen de tératogènes qui est supérieur à 1% (avec un maximum de 3% sur la campagne automnale. Ces résultats, en accord avec la littérature, permettent de mettre en évidence une pollution forte directement en aval de l’usine. Le taux plus faible de formes tératogènes en aval lointain peut traduire une dissipation de la pollution toxique.

Formes pionnières :

Les espèces pionnières sont caractérisées par une capacité de recolonisation plus rapide que les autres espèces, probablement favorisées par leur petite taille qui leur permet une exposition moindre aux substances toxiques (Khoshmanesh et al. 1997). Elles sont donc majoritaires dans les biofilms à la suite des perturbations. Dans cette étude, les biofilms des stations aval, notamment la station AvL, sont caractérisées par une augmentation des formes pionnières. Ce trait fonctionnel entre fortement en compte dans la construction de la PLS.

A. minutissimum (qui est présente jusqu’à 61% sur la station AvL-galet) est considérée

comme une espèce pionnière qui recolonise massivement les biofilms juste après une perturbation chimique intense (pollution toxique, drainage minier (Stevenson and Bahls 1999), pollution métallique (Morin et al. 2008). La présence de cette diatomée pionnière est indicatrice des perturbations toxiques. Cependant elle n’est pas indicatrice de perturbations trophiques (Berthon et al. 2011). C'est au contraire une espèce considérée comme de bonne qualité d'eau dans le calcul de l'IBD.

Biovolumes

Dans la littérature, il est admis que les biovolumes peuvent être des indicateurs de perturbations, notamment métalliques. Les contaminations métalliques entrainent une diminution du biovolume des espèces présentent sur les sites contaminés (Morin et al. 2007). Cependant, ils ne sont pas connus comme indicateurs pertinents des perturbations trophiques (Berthon et al. 2011, Lavoie et al. 2012). Dans cette étude, les stations perturbées sont caractérisées par les biovolumes plus faibles que les stations amont. Malgré des différences non significatives entre les stations, le profil de biovolumes est modifié pour la station AvL- galet mettant en avant une diminution des grands biovolumes en faveur des petits. De plus, cette métrique est fortement impliquée dans la construction de la PLS-DA.

Il semble que la pollution toxique présente entraine sur la station AvL une modification des biovolumes, ce qui fait de ce trait biologique un indicateur pertinent pour mettre en évidence la perturbation toxique.

Les guildes de Passy :

Les guildes de Passy sont construites afin de caractériser les perturbations trophiques notamment, ainsi que le gradient amont (pauvre en nutriments) – aval (riche en nutriments) des cours d’eau. A contrario, la présence des taxons high-profile et mobiles augmentent avec la pollution trophique tandis que les taxons low-profile diminuent. Une pollution métallique peut aussi entrainer un amincissement du biofilm par la perte des taxons high-profile et mobile (Morin et al. 2008). Cependant l’abondance relative de ces trois guildes n’est pas uniquement dépendante des facteurs abiotiques. Les facteurs biotiques tels que le broutage et la compétition inter-espèces sont des facteurs importants (Passy 2007).

Les Landes étant un milieu très pauvre en nutriments, cette caractéristique explique les profils avec une majorité de low-profile quelle que soit la station. Cependant, la station AvL- galet présente une modification du profil « Guilde de Passy » où plus de 60% des taxons sont low-profile. Le biofilm est donc plus mince sur la station AvL avec une prépondérance des taxons de petite stature « low-profile » (i.e. les diatomées adnées, prostrées et érigées). De plus ces guildes entrent fortement en compte dans la construction de la PLS. Ces formes sont résistantes aux perturbations physiques telles que le courant, mais dans ce cas, la modification de profil ne semble pas être due à la modification de régime du cours d’eau. La perturbation toxique donc semble en être la cause de l’amincissement du biofilm.

Forme de croissance :

Les formes de croissance (adnée – pédonculée – coloniale – non coloniale) ne montrent pas de tendance entre les stations amont et les stations aval. Il semble donc que ce trait biologique ne soit pas pertinent dans l’étude du type de perturbation toxique rencontré sur le Luzou.

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