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Les méthodes subjectives d’évaluation de l’acouphène

Chapitre 2 : Discussion générale

1. Les méthodes subjectives d’évaluation de l’acouphène

Il existe différents outils pour l’évaluation de l’acouphène. Parmi eux, on retrouve des mesures objectives, telles que les mesures psychoacoustiques, et les mesures subjectives, telles que les questionnaires et les échelles d’évaluation. Cette section de la discussion se concentre sur les mesures subjectives, car ce sont ces mêmes mesures que nous avons rapportées dans le Chapitre 1. Les avantages et les inconvénients de chaque mesure seront présentés, ainsi que des perspectives quant à l’évaluation optimale des acouphènes.

1.1 Les questionnaires standardisés

Il existe plusieurs questionnaires standardisés pour l’évaluation des acouphènes. Mentionnons entre autres le

Tinnitus Handicap Inventory (THI), le Tinnitus Questionnaire (TQ), le Tinnitus Functional Index (TFI) et le Tinnitus Severity Index (TSI).

Le THI est un questionnaire comportant 25 questions réparties en 3 sous-échelles : l’échelle émotionnelle, l’échelle fonctionnelle et l’échelle catastrophique. Ce questionnaire est noté sur une échelle de 0 à 100 points154,155. Des catégories de handicap en lien avec les acouphènes ont été établies en fonction du score total

obtenu au THI. Ces catégories ont été validées chez des patients avec acouphènes156. On considère qu’un

score se situant entre 0 et 16 point ne représente pas de handicap, alors qu’un score de 18 à 36 points est considéré comme un handicap léger, un score se situant entre 38 et 56 points est considéré comme un handicap modéré et un score dépassant 58 est considéré comme un handicap sévère156. La fiabilité test retest globale et

pour chaque sous-échelle est élevée, avec une corrélation r=0,92, r=0,88, r=0,84 et r=0,94 respectivement156.

Par ailleurs, une différence de 7 points entre deux prises du questionnaire est considérée comme cliniquement significative157.

Le TQ, quant à lui, est un questionnaire de 52 questions réparties en 5 sous-échelles : l’échelle de détresse émotionnelle, l’échelle d’intrusion, l’échelle de difficultés perceptives auditives, l’échelle de troubles du sommeil et l’échelle de complaintes somatiques. Ce questionnaire est noté sur une échelle de 0 à 84 points. Un score de 47 et plus représente une détresse cliniquement significative. La fiabilité globale test retest est élevée, avec une corrélation de r=0.94158–161. De plus, une différence de 5 points entre deux prises du questionnaire est

considérée comme cliniquement significative pour l’amélioration des symptômes alors qu’une différence de 1 point est considérée comme significative pour l’aggravation des symptômes162.

Le TFI est un questionnaire de 25 questions avec 8 domaines. Le questionnaire est noté sur une échelle de 0 à 100 points. Un score entre 25 et 49 signifie un besoin possible d’intervention et un score dépassant 50 est considéré sévère et représente un besoin immédiat d’intervention. La fiabilité test retest mesurée dans un prototype du questionnaire montre une corrélation élevée avec r=0.92163.

Finalement, le TSI est un questionnaire de 12 questions avec un score maximum de 60 points. Ces questions ont été sélectionnées comme étant les plus fiables pour l’évaluation de la sévérité des acouphènes au moyen d’analyses statistiques164,165. Un score de moins de 24 points est considéré comme faible, alors qu’un score se

situant entre 37 et 48 points est considéré comme sévère. Un score situé entre 49 et 60 est considéré comme catastrophique164.

1.2 Les échelles d’évaluation non standardisées

Des échelles d’évaluation non standardisées pour caractériser les acouphènes sont souvent utilisées en recherche. Les échelles visuelles analogiques et les échelles d’évaluation numériques font partie des échelles les plus couramment utilisées.

Une échelle visuelle analogique consiste en une déclaration ou une question telle que : « À quel point votre acouphène est-il fort? ». En dessous de cette déclaration se situe une ligne horizontale de 10 cm (standard) délimitant deux réponses aux extrêmes du continuum. On retrouvera donc d’un côté une réponse comme: « Pratiquement inexistant », et de l’autre : « Le plus fort imaginable ». Le répondant indique au moyen d’un trait l’endroit sur la ligne qui correspond le mieux à sa situation166. Pour les échelles d’évaluation numériques, une

suite de nombres pouvant aller de 0 à 10 ou de 0 à 100 remplace la ligne horizontale entre les deux réponses. Le répondant doit alors choisir le chiffre qui correspond le mieux à sa situation166.

Les items et les aspects évalués les plus souvent par ces échelles sont l’intensité de l’acouphène et l’agacement associé. Ces deux aspects ont été validés comme mesures efficaces de changement de la sévérité des acouphènes chroniques167.

Illustration 5. Exemple d’échelles d’évaluation non standardisées

1.3 Limites et perspectives

L’avantage des questionnaires standardisés vient du fait qu’ils ont été élaborés afin de répondre à des critères méthodologiques spécifiques, comme ceux mentionnés dans l’ouvrage de Snow168. Tout d’abord, ce type de

questionnaire doit être standardisé. Cela signifie que le questionnaire est comparable entre les individus, entre les temps d’administration et entre les différents endroits où il est administré. De plus, ce type de questionnaire

Échelle visuelle analogue

Échelle d’évaluation numérique

À quel point votre acouphène est-il fort ?

Pratiquement inexistant

Le plus fort inimaginable

À quel point votre acouphène est-il fort ?

Pratiquement inexistant

Le plus fort inimaginable

doit posséder une bonne cohérence interne. Ainsi, si deux questions sont très semblables, elles doivent être corrélées à un certain degré. Ensuite, un questionnaire standardisé doit produire des résultats stables dans le temps. Cela signifie qu’une même personne devrait obtenir un score similaire lors de la reprise du questionnaire, si aucun changement n’est attendu. Aussi, ce type de questionnaire doit être validé. Les questions évaluant un aspect spécifique de la condition doivent représenter de manière fidèle les comportements et les caractéristiques spécifiques pertinentes de cet aspect. Par ailleurs, le questionnaire doit aussi posséder une bonne sensibilité. Il doit être suffisamment sensible aux changements perçus, par exemple, lors d’une intervention. Finalement, il est important de s’assurer que le questionnaire est faisable, c’est-à-dire, qu’il peut être rempli sans difficulté par des patients dans un contexte normal168.

De manière plus spécifique, les questionnaires standardisés ont l’avantage d’inclure une grande variété de facteurs pouvant affecter les acouphènes et pouvant varier entre les individus166. Ils ont été principalement

développés afin d’identifier les individus les plus incommodés et ceux étant les plus susceptibles de bénéficier d’un traitement168. De plus, ils peuvent être utilisés afin d’évaluer l’efficacité d’une intervention168. Toutefois, lors

de l’évaluation de l’efficacité d’une intervention, il ne suffit pas d’utiliser un questionnaire standardisé, il faut aussi s’assurer qu’il est le bon. En effet, il est important de vérifier que les éléments de l’échelle représentent bien les aspects de la condition que nous voulons étudier et que ces éléments sont bien sensibles aux effets de l’intervention que nous testons168.

Selon Meikle, les échelles d’évaluation (visuelles et analogiques) non standardisées ont l’avantage de permettre l’évaluation rapide d’une caractéristique de l’acouphène et ce, avec une bonne résolution puisqu’elles permettent d’avoir une idée précise (grâce à l’utilisation d’une échelle de 1 à 10 par exemple) du degré d’inconfort ou d’agacement lié à un aspect spécifique des acouphènes (p.ex. l’intensité)166. Néanmoins, ce type

d’échelle peut poser problème chez certaines personnes qui pourraient avoir de la difficulté à comprendre le fonctionnement de l’échelle ou qui ont une déficience visuelle. Il est donc important de bien expliquer le fonctionnement de ce type d’évaluation. Le choix de ce type d’échelle revient au chercheur ou au clinicien. Toutefois, il est important de considérer qu’il existe peu d’information quant à la sensibilité de ces échelles pour mesurer les changements reliés aux traitements166. De plus, il est important d’utiliser plus d’une échelle pour

évaluer les caractéristiques perceptuelles des acouphènes, car l’évaluation d’un seul aspect des acouphènes (p. ex. : l’intensité seulement) limite considérablement l’évaluation169. Ceci est particulièrement problématique

dans le cas des acouphènes, car on sait que cette condition peut se répercuter sur plusieurs facettes de la vie d’une personne.

Par ailleurs, indépendamment du type d’évaluation sélectionné, certains ont souligné le fait que les mesures utilisées dans de nombreux essais cliniques étaient rarement bien définies et variaient considérablement entre les études. Hall et collègues rapportent dans leur méta-analyse de 2016 que les études incluent souvent

plusieurs mesures d’évaluation de l’acouphène au lieu de se concentrer sur une seule échelle standardisée et validée. Ensuite, les auteurs rapportent que les articles décrivent rarement l’aspect de l’acouphène pour lequel ils prédisent un effet bénéfique. Les instruments utilisés pour mesurer les changements sont extrêmement divers, et les auteurs ne s’accordent pas toujours sur la manière de mesurer les attributs des acouphènes. De plus, il semble que les mesures psychoacoustiques des acouphènes ne soient ni corrélées aux questionnaires standardisés ni aux échelles non standardisées de l’évaluation de l’acouphène170–172.

Finalement, les effets secondaires et les abandons, ainsi que les données sur la sécurité et la tolérance des patients sont rarement rapportés173.

En conséquence, il est important de bien définir ce que l’on mesure, comment on le mesure et de considérer les nombreuses caractéristiques des acouphènes (tant perceptuelles que fonctionnelles) lors de l’évaluation d’un traitement et de ses effets. Dans notre méta-analyse, nous avons conservé uniquement les articles ayant inclus des questionnaires standardisés, afin de s’assurer que toutes les dimensions des acouphènes soient considérées. Puisque les acouphènes ont des comorbidités importantes (anxiété et dépression), il était important pour nous que la qualité de vie des participants soit prise en compte. En comparaison, les échelles non standardisées sont souvent composées d’une ou de deux questions seulement et ne prennent pas en compte l’ensemble des éléments pouvant affecter les acouphènes.

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