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L’impact de l’effet placébo

Chapitre 2 : Discussion générale

2. L’impact de l’effet placébo

L’effet placébo caractérise un changement corporel imputable aux effets symboliques, c’est-à-dire, aux effets conscients et inconscients sur l’esprit et le corps, d’un traitement ou d’une situation de traitement174. Cet effet

est induit par les attentes des patients et le conditionnement qui en suit ainsi que par leurs effets sur les processus neurochimiques responsables de changements corporels174.

L’utilisation d’une condition « placébo » est une composante importante de l’évaluation de l’efficacité d’un traitement. Toutefois, lorsque l’effet placébo est élevé, la différence entre le traitement actif et le traitement placébo peut être difficile à détecter, ce qui ne signifie pas pour autant que le traitement est inefficace175.

Certains auteurs considèrent qu’il est important de considérer que différents placébos (ainsi que différents contextes) peuvent engendrer des effets placébo de différentes magnitudes, et que le choix du type de placébo peut affecter l’interprétation des résultats d’une étude clinique175. Dans cette section, j’attire l’attention sur

l’impact de l’effet placébo sur le traitement des acouphènes ainsi que dans les études de neuromodulation non invasive.

2.1 L’impact de l’effet placébo sur le traitement des acouphènes

Il semble qu’il existe un effet placébo relativement élevé dans les études évaluant l’efficacité de traitements pour les acouphènes. L’exemple probablement le plus flagrant provient d’une étude réalisée en 1984 par Duckert et Rees et faisant état d’un effet placébo élevé chez les patients avec acouphènes. N’arrivant pas à expliquer le haut taux de réponse au placébo mesuré dans l’une de leurs études précédentes, ceux-ci ont décidé d’évaluer l’effet seul d’une injection de lidocaïne placébo chez des patients avec acouphènes. À la suite de cette injection, 40 % des 20 patients testés ont rapporté un changement (une augmentation ou une diminution des symptômes) de plus de 25 % dans leurs acouphènes, dont deux patients rapportant une aggravation de leurs symptômes. Les auteurs ont supposé que l’effet placébo mesuré résultait des attentes des sujets ainsi que de leur motivation à entreprendre l’étude176. Plus récemment, une étude réalisée en 2011 a rapporté que la détresse des patients

avec acouphènes placés sur une liste d’attente était diminuée sur une courte période d’attente177. Il semble donc

que l’effet placébo soit un enjeu important dans le traitement des acouphènes.

2.2 L’impact de l’effet placébo sur les traitements de neuromodulation non

invasive

La procédure et l’environnement entourant un traitement de neuromodulation non invasive comportent un nombre élevé de facteurs pouvant faciliter un effet placébo. En effet, un traitement de neuromodulation non invasive implique une interaction et un suivi avec un professionnel de la santé et un contact physique avec un dispositif élaboré, qui émet un signal perceptible (surtout en SMTr), tout autant de facteurs pouvant avoir une incidence sur les résultats du traitement175. Plusieurs études cliniques de SMTr ont d’ailleurs rapporté des effets

placébo différentiels en fonction du moment où la condition placébo était administrée. Par exemple, une étude de SMTr pour le traitement de la douleur rapporte que l’effet placébo mesuré varie selon l’ordre des sessions de traitement actif et placébo178. Lorsqu’une session de traitement placébo suit une session de traitement actif

réussie, on mesure une diminution de 11 % de la douleur moyenne. Au contraire, lorsque la session de traitement placébo suit une session de traitement actif qui n’a pas réussi, la douleur moyenne augmente de 6 %. Ces résultats suggèrent un apprentissage conditionné. Les auteurs suggèrent de bien considérer l’ordre des sessions actives et placébos lors de l’élaboration du devis expérimental des études et soulignent que cette considération ne devrait pas être restreinte aux études sur la douleur178. Il est aussi important de contrebalancer

les sessions actives et placébo dans un devis en chassé-croisé ou tout simplement d’utiliser un devis en parallèle179.

Une autre étude récente de SMTr pour le traitement des migraines rapporte que les auteurs n’ont pu démontrer la supériorité du traitement actif en comparaison avec le traitement placébo, car les deux groupes ont atteint un degré d’amélioration similaire autant pour les caractéristiques de la migraine que pour les handicaps reliés180. Il

semble que les effets placébo varient en fonction du type de pathologie étudiée, puisqu’une analyse de données provenant d’études de SMTr pour l’épilepsie et considérant 3 méthodes différentes de placébo rapporte au contraire un effet placébo faible181. Cette analyse rapporte trois types de conditions placébos: l’utilisation d’une

bobine électromagnétique appliquée de manière orthogonale au crâne, l’utilisation d’une bobine électromagnétique placébo (qui imite les sensations d’une bobine active) et l’utilisation d’une bobine électromagnétique à double action (traitement actif et placébo). L’effet agrégé mesuré du placébo était de 0-2% durant les suivis et le taux de réponse au placébo se situait dans les normes des autres études contrôlées pour l’épilepsie181.

Concernant la neuromodulation non invasive électrique, plus particulièrement la tDCS, certaines études ont rapporté des effets placébo. Notamment, une étude sur la pensée divergente a utilisé l’électroencéphalographie (EEG) afin de mesurer l’effet placébo généré par un traitement placébo de tDCS182. Les résultats de cette étude

montrent un effet significatif du traitement placébo sur les caractéristiques de l’électroencéphalogramme182. De

plus, certains auteurs suggèrent que les attentes des sujets peuvent influencer les effets d’un traitement du tDCS. Une étude s’intéressant aux effets psychologiques en jeu lors de la tDCS a mesuré l’anticipation des participants par rapport à leurs résultats à des tests de mémoire et ce, à différents temps de mesure183. Les

résultats de l’étude montrent que les symptômes des participants s’améliorent davantage lorsque ceux-ci ont préalablement lu des informations selon lesquelles la neuromodulation était fortement efficace que lorsque les participants ont lu des informations disant le contraire183.

Finalement, certains scientifiques ont aussi soulevé des réserves quant aux différentes procédures d’administration des traitements placébo. Il semblerait en effet que la durée et l’intensité du courant administré durant la montée et la descente en puissance du traitement placébo pourraient biaiser les résultats obtenus184.

Par exemple, lors d’un traitement de tDCS placébo, on applique habituellement un courant montant en intensité durant les premières secondes du traitement placébo et un courant diminuant en intensité durant les dernières secondes du traitement placébo, alors que durant tout le reste du traitement, il n’y a aucun courant appliqué184.

Ce type de procédure permet de préserver l’aveuglement. Toutefois, la durée exacte de cette montée et de cette descente varie selon les études, ainsi que l’intensité du courant appliqué. Ainsi, selon les paramètres choisis, il est possible que les effets biologiques induits ne soient pas les mêmes, ce qui soulève des questions quant au type de placébo à privilégier184.

Certains défis peuvent se poser lors de la mise en place d’un traitement de neuromodulation non invasive, particulièrement lorsque l’effet placébo associé à une pathologie ainsi qu’au traitement est élevé. Il est donc important de s’assurer de bien sélectionner le type de placébo (type de bobine pour la SMTr, durée de la montée et de la descente en puissance pour la tDCS)175. De plus, afin d’évaluer les biais du patient, on recommande de

risques de biais pour chaque étude de la méta-analyse du Chapitre 1, l’évaluation des attentes du patient n’est pas encore une pratique répandue, et peu d’études ont mentionné ce type d’évaluation dans leur méthodologie. De plus, il est possible que les différents types de placébo utilisés aient des effets différentiels sur les résultats.

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