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D.2 Liste des tableaux

1.3.6 Les méthodes cladistiques

Principe général. La méthode cladistique présentée ici est une méthode d’inférence phylo- génétique issue (entre autres) des travaux de Hennig [A190]96, telle qu’exposée par Darlu et Tassy [107]. Elle propose unarbre phylogénétiquereprésentant les relations de parentés entre les entités considérées (lestaxons97, par exemple des espèces biologiques) à partir de l’analyse systé- matique decaractères. Cette méthode se distingue d’autres méthodes d’inférence phylogénétique (notamment lesméthodes de distances) en ce qu’elle utilise toute l’information contenue dans les caractères et en ce qu’elle émet des hypothèses a priori sur les formes des caractères (lesétats) les plus anciennes. Un exemple de cette méthode est présentée sur la figure1.4où sont compa- rées quatre espèces végétales, qui constituent chacune un taxon de l’analyse. Les paragraphes suivant expliquent succinctement le principe de cette méthode. Pour plus de détail concernant les variations possibles de l’analyse cladistique on pourra se référer à la figure1.5 et surtout au livre de Darlu et Tassy [107].

caractères dans l’ensemble sont globalement compatibles (c’est-à-dire qu’il existe un arbre avec lequel ils sont tous compatibles). »

93.↑ Citée par Felsenstein [136].

94.↑ Citée par Felsenstein [136].

95.↑ C’est-à-dire que l’on ne peut passer de n’importe quel état à n’importe quel autre : les relations entre les états sont hiérarchisées (et non cycliques).

96.↑ Citée par Darlu et Tassy [107, p. 31].

97.↑ Les méthodes cladistiques font usage d’un abondant vocabulaire spécifique, dont l’explication est plus

Choix des caractères. Cette méthode nécessite le choix au préalable des caractères pertinents

pour inférer les relations phylogénétiques. Il s’agit d’identifier des caractéristiques observables (on parle decaractère) que l’on pense issues d’un même caractère ancestral dans les différents taxons étudiés. Les pattes des rongeurs, des carnivores et des marsupiaux sont héritées des membres98de l’ancêtre commun aux mammifères et sont donc diteshomologues. En revanche l’aile des oiseaux, celle des insectes ou encore celle des chauve-souris ne provient pas d’une structure existant chez l’ancêtre des bilatériens : ces structures sont donc qualifiées d’analogues. Seuls les caractères homologues peuvent nous renseigner sur l’histoire du groupe étudié et doivent donc être utilisés lors de la procédure d’inférence99.

Identification des états de caractères. On décrit ensuite les variantes de ces caractères,

appelées états, au sein du groupe étudié. Dans l’exemple de la figure 1.4, cinq caractères sont analysés : la présence de fleurs, de feuilles, le nombre de cotylédons dans l’embryon, le type de sol où pousse la plante et la présence de bois secondaire. Le caractère « fleurs » peut prendre deux états dans l’échantillon analysé : soit il est présent, soit il est absent. Comme on le voit sur cette figure, les états de caractère ne sont pas nécessairement la présence ou l’absence et il peut y avoir plus ou moins de deux états différents pour un même caractère. On constitue ainsi une matrice de caractèresdonnant, pour chaque taxon et pour chaque caractère analysé, l’état de ce caractère dans ce taxon. Lamatrice de caractères de la figure1.4décrit ainsi (caractère C4) le fait que le pin blanc de Provence et le brome dressé poussent sur des sols basiques, alors que le crocus d’automne et la bruyère callune poussent sur des sols acides.

Polarisation des états de caractères. Il s’agit ensuite d’identifier, pour chaque caractère,

quel est l’état de caractère qui était présent chez l’ancêtre commun à tous les taxons étudiés, appeléétat ancestral (par opposition aux états de caractères issus de modifications ultérieures, appelés états dérivés). Cette étape, appeléepolarisation, est essentielle à l’analyse cladistique : les taxons sont regroupés à partir de l’identification de caractères dérivés partagés (appelés synapomorphies). En effet le partage de caractères ancestraux ne nous apprend rien sur les relations d’apparentement. Plusieurs critères peuvent être utilisés pour polariser les caractères, le plus courant étant la comparaison avec desgroupes externes(ou extra-groupes) : on choisit des taxons que l’on sait être plus éloignés que tous les autres taxons entre eux, chacun de ces taxons constituant un groupe externe. L’état ancestral de chacun des caractères analysés est déduit de leurs états observés chez les groupes externes. Dans l’exemple de la figure1.4, on sait que le pin est plus éloigné des trois autres espèces d’angiosperme que l’on cherche à classer : il est choisi

98.↑ Ces membres sont appelés membres chiridiens.

99. ↑ Le résultat de l’analyse cladistique peut cependant nous laisser penser qu’un caractère considéré au départ comme homologue est analogue. Aussi le fait de considérer un caractère comme homologue au départ de l’analyse est toujours une hypothèse a priori (parfois appeléehomologie primaire), susceptible d’être remise en cause a posteriori. Une hypothèse d’homologie issue du résultat de l’analyse cladistique est qualifiée d’homologie secondaire.

comme groupe externe100. C’est donc à partir de lui que l’on déterminera l’état ancestral des caractères : comme le pin n’a pas de fleur, l’absence sera l’état ancestral du caractère « fleur ». En revanche, comme le pin a du bois secondaire, l’état ancestral du caractère « bois secondaire » est la présence.

Recherche de l’arbre le plus parcimonieux. La méthode cladistique cherche parmi l’en-

semble des arbres que l’on peut possiblement construire, celui qui constitue la meilleure hypothèse concernant les relations d’apparentement entre les taxons étudiés. Pour cela, elle retrace pour chaque arbre les modifications des états de caractères nécessaires pour arriver à l’état observé. C’est une méthode basée sur le principe de laparcimonie: le ou les arbres préférés seront ceux qui minimisent le nombre de transformations nécessaires pour expliquer l’état actuel de tous les caractères chez tous les taxons étudiés.

Deux arbres pouvant schématiser les relations d’apparentement entre les quatre espèces com- parées sont présentés sur la figure1.4. Dans le premier, le crocus est plus proche de la bruyère que du brome. Pour expliquer l’observation actuelle des états du caractère C4, le plus simple est de considérer que l’ancêtre commun aux quatre espèces vivait en milieu basique et que ce carac- tère a changé d’état (passant de « basique » à « acide ») chez l’ancêtre du crocus et du brome : un seul changement d’état est nécessaire. Par contre pour le caractère C5, on voit que deux changements d’états sont nécessaires : le bois secondaire étant présent chez l’ancêtre commun des quatre espèces, il a dû disparaître deux fois, de manière indépendante, chez le brome et chez le crocus101.

Dans le second arbre, le crocus est plus proche du brome que de la bruyère. Dans ce cas, le caractère C5 ne nécessite qu’un changement d’état, alors que le caractère C4 en nécessite deux. De manière globale, on se rend compte qu’il faut sept changements d’états pour expliquer l’évolution de tous les caractères sur l’arbre 1, alors qu’il n’en faut que six sur l’arbre 2 : ce dernier est donc considéré comme plus parcimonieux et donc préféré comme hypothèse concernant les relations évolutives entre ces quatre espèces.