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473. Le XIXe siècle s’est caractérisé, en matière de preuve, par des lacunes et des obscurités qu’a connues la procédure contentieuse administrative, du moins devant le conseil de préfecture, relativement copiée sur la procédure civile, auquel a succédé le tribunal administratif517.

474. La situation était renversée pour le Conseil d’État, qui, en application de l’article 14 du décret du 22 juillet 1806, a pu élaborer une procédure autonome largement dégagée des règles procédurales civilistes. Un décret du 12 juillet 1865, et notamment une loi fondamentale du 22 juillet 1889 ont développé cette autonomie, constituant par là même un véritable code de procédure518, instituant une indépendance519 par rapport à la procédure

civile520.

475. Finalement, une ordonnance n° 2000-384 du 4 mai, modifiée par la loi n° 2000- 597 du 30 juin 2000 et les décrets n° 2000-387 et 2000-388 du 4 mai 2000, ont donné à la justice administrative française un code qui, s’appliquant au Conseil d’État, aux cours administratives d’appel et aux tribunaux administratifs, détermine les éléments essentiels de la procédure, particulièrement pour l’instruction des affaires dont ils sont saisis au contentieux521.

476. Il en est de même pour les différents modes de preuve et moyens d’investigation dont le juge administratif pourra user522.

517 À l’époque, les conseils de préfectures étaient soumis à des règles sujettes à discussion, souvent inspirées du code de procédure civile.

518 C.E., 13 mars 1925, Desreumaux : Rec. C.E., p. 262.

519 Cette indépendance n’est pas radicale, et il se peut encore que la juridiction administrative recoure aux règles procédurales civilistes. Cependant, ce recours est exceptionnel du fait qu’il tient à deux butoirs verrouillant sa mise en œuvre, soit que les règles civilistes ne sont, par elles-mêmes, pas applicables en matière de procédure contentieuse administrative (voir, C.E., 6 juillet 1938, Gomma : Rec. C.E., p. 632), soit qu’elles le sont, mais après adaptation, par le Conseil d’État, aux exigences des caractères généraux de la procédure contentieuse administrative.

520 En dépit de cette autonomie, il s’agira quand même, bien que d’une façon timide, d’un recours de la juridiction administrative aux règles de la procédure civile ; voir à ce sujet les conclusions de M. CHARDEAU sur C.E., 2 mars 1956, Compagnie française des automobiles de place : D. 1956, p. 268. 521 Voir les articles L. 2 à L. 11.

522 Avant la nouvelle codification, les règles de preuve étaient soumises à quelques dispositions non systématisées. En effet, le Conseil d’État s’est chargé de construire progressivement les règles de sa procédure contentieuse. À l’époque, l’article 27 du décret du 30 juillet 1963, modifié le 26 août 1975,

477. Cette qualification523 nous semble avoir l’intérêt de relever deux points, faisant

une profonde différence avec la procédure civile quant au caractère même de la procédure administrative contentieuse524 et quant à la liberté de choix des modes de preuve possibles

et imaginables, toutefois sous réserve du maintien de l’ordre public et des bonnes mœurs. D’une part, et alors que la procédure civile est de type relativement accusatoire, dirigée en principe par les parties à qui incombe la recherche des éléments de preuve, la procédure contentieuse administrative est de type inquisitorial525, substantiellement dominée par le

juge qui ira lui-même, quand il l’estime nécessaire, à la recherche526 des éléments de

preuve (Section I).

478. D’autre part, et alors que le juge civil est strictement lié, lorsqu’il ordonnera une mesure d’instruction ou examinera un mode de preuve, par les articles527 et les textes

procéduraux528, le juge administratif se réserve, en revanche, une liberté de choix de la

autorisant ledit Conseil à confier une mesure d’instruction à un ou plusieurs membres d’un tribunal administratif, était largement interprété, et la preuve par conséquent était libre. Le Conseil, de ce fait, remplissait la fonction d’un véritable légiste. (Voir, C.E., 17 mars 1953, Cardinaël : Rec. C.E., p. 660). 523 Les dispositions intégrées dans le code de justice administrative, relatives à la preuve, figurent dans le

livre IV s’agissant de l’introduction de l’instance contentieuse, dans le livre VI s’agissant de l’instruction (notamment le titre II traitant des différents moyens d’investigation) et dans le livre VII s’agissant du jugement.

524 Voir, au sujet des principales dispositions du code de justice administrative relatives à la preuve, l’arrêt du C.E., 29 juillet 1998, Syndicats des avocats de France : Rec. C.E., p. 313. En l’espèce, il s’agit d’un rejet de recours contre le décret du 29 mai 1997 relatif au fonctionnement des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.

525 R. CHAPUS, « De l’office du juge : contentieux administratif et nouvelle procédure civile », E.D.C.E., 1953, pp. 15-41 (I - L’instruction).

526 Ch. DEBBASCH et J.-C. RICCI, Contentieux administratif, Dalloz, 2001, pp. 21 et 22, notamment le numéro 22, selon lequel : «Le juge fixe la durée de l’instruction, détermine les délais pour la

production des mémoires. Il participe à la recherche de la preuve en enjoignant le cas échéant à l’administration de lui fournir des éléments de preuve. »

527 L’article 143 du C.P.C.F. dispose que « les faits dont dépend la solution du litige peuvent... être l’objet

de toute mesure d’instruction légalement admissible ».

Ces mesures, selon cet article, peuvent avoir une double source :

- Soit qu’elles sont ordonnées suite à la demande des parties (T.G.I, Paris, 7 janvier 1980, D., 1980. IR. 376, obs. JULIEN). Dans ce contexte, les articles 138 et suivants du C.P.C.F. confèrent au juge le pouvoir d’ordonner la communication d'un acte ou d’un document détenu par un tiers.

- Soit qu’elles sont ordonnées d’office.

528 Le C.P.C.F. a relativement traité de tout ce qui a rapport à l’instruction. Ainsi, à titre d’exemple, voir : - Pour l’initiative des mesures d’instruction, les articles 9 et 10.

- Pour les mesures d’instruction en cours de l’instance, l’article 144. - Pour les mesures d’instruction in futurum, l’article 145.

mesure d’instruction convenable et un large pouvoir d’examen des divers modes de preuve, résultant à la fois de la malléabilité des textes et des principes régissant la procédure contentieuse administrative (Section II).

- Pour les conditions requises afin de demander ou d’ordonner une mesure d’instruction, les articles 11, 144, 146, 198, 296 et 298.

SECTIONI

LEPOUVOIRINQUISITORIAL

DUJUGEADMINISTRATIF

479. Une étude d’ensemble de la procédure contentieuse administrative témoigne du rôle qu’a joué le juge pour élaborer ces principes, en marge soit des règles de la procédure civile, soit de tout texte propre.

480. Nous trouvons une mutuelle relation entre la procédure contentieuse administrative et le juge administratif. En effet, en plein contentieux comme en excès de pouvoir, c’est le juge qui dirige la procédure529, en vertu des principes qu’il a déjà progressivement

établis530.

481. « De cette procédure, on s’accorde pour retenir comme traits fondamentaux, ses

caractères secret, écrit et inquisitorial. C’est de très loin ce dernier trait, en vertu duquel c’est le juge lui-même qui dirige l’instruction, qui est le plus important. Il s’explique très largement par l’origine même du juge administratif qui, né au sein de l’administration, s’en est séparé tout en conservant à l’égard des services publics certaines des prérogatives dont dispose normalement le supérieur hiérarchique. Le “procès administratif” n’est pas seulement un dialogue entre deux parties, arbitré par le juge, mais dans une certaine mesure un nouvel examen d’un dossier administratif, limité toutefois par les prétentions des parties. »531

482. En contrepartie, « le caractère inquisitoire de procédure devant les juridictions

administratives confère au juge, à cet égard, un pouvoir essentiel dans la direction de l’instruction »532, dont il use aussi bien dans le déroulement de l’instance (§1) que dans les

procédures d’urgence et les procédures rapides (§2).

529 P. COUDURIER, « Instruction », Ency.Dalloz Cont. adm., pp. 1-19.

530 Ch. DEBBASCH et J.-C. RICCI, Contentieux administratif, op. cit., pp. 42 et 43, notamment le numéro 41.

531 R. DENOIX DE SAINT-MARC et D. LABETOULLE « Les pouvoirs d’instruction du juge administratif »,

E.D.C.E., 1970, p. 69.

§ 1. LE

POUVOIR

INQUISITORIAL

DU

JUGE

ADMINISTRATIF

DANSLEDÉROULEMENTORDINAIREDEL’INSTANCE

483. L’instance, écrivait le professeur René CHAPUS, « est le processus, le "procès"

qui, déclenché la saisine du juge, se déroule, de façon plus ou moins simple et plus ou moins rapide, jusqu’à ce que soit rendu le jugement destiné à y mettre fin »533.

484. Or, pour qu’il soit rendu un jugement, toute instance juridictionnelle exige l’établissement de la preuve534.

485. Autant que faire se peut, le juge, aussi bien civil535 qu’administratif, est à la

recherche de la vérité, élément essentiel de son intime conviction536.

486. Néanmoins, cette affirmation ne niera aucunement la grande marge de liberté que se réserve toutefois le juge administratif537 vis-à-vis de celle du juge civil, toujours lié, en

dépit même de l’évolution législative et jurisprudentielle qui s’est produite dans la lignée de l’augmentation de son rôle dans la recherche de ladite vérité538, par le caractère général

533 R. CHAPUS, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 2008, p. 695, n° 870. 534 - C.E., 16 octobre 1957, Commune de Challes-les-Eaux : Rec. C.E., p. 537.

- En matière civile, le juge peut ordonner la preuve d’éléments qu’il estime de nature à l’éclairer, comme, à l’inverse, écarter des débats les preuves offertes, si elles lui apparaissent inutiles ou superflues. Voir, pour une vieille jurisprudence, les décisions suivantes : Civ. 1re, 21 juillet 1987, Gaz.

Pal., 1988, p. 322, note RENARD. (Il s’agit d’une communication au juge d’un numéro de téléphone en liste rouge) – Civ. 1re, 31 janvier 1990, Bull. I, n° 31 (identification du titulaire d’un C.C.P.). Ce

principe a été repris dans les articles 143 et 144 du C.P.C.F.

535 Les articles 20, 143, 144 et 146 alinéa 2 du C.P.C.F. relèvent nettement le rôle du juge civil dans la recherche de la preuve de nature à établir son intime conviction.

536 Voir sur ce point l’art. 353 du C.P.P.F.

537 Il peut tenir les allégations du requérant pour établies quand l’administration, tout en les contestant, ne prouve pas leur inexactitude ou s’abstient des explications ou justifications susceptibles d’être attendues d’elle. Voir : C.E., Ass. 11 mai 1973, Sanglier : Rec. C.E., p. 344 - C.E., 8 novembre 1993, Richer de

Forges : Rec. C.E., p. 803 - C.E., 9 juillet 1997, Commune de Garges-lès-Gonesse : Rec. C.E., p. 297.

538 Il en est ainsi lorsque le juge civil ordonne la production des pièces, en application de l’article 11 du C.P.C.F. disposant que : « Les parties sont tenues d’apporter leur concours aux mesures d’instruction

sauf au juge de tirer toute conséquence d’une abstention ou d’un refus. Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d’astreinte. Il peut, à la requête de l’une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par les tiers s’il n’existe pas d’empêchement légitime. ».

de la procédure civile539 traitée relativement pour accusatoire.

487. Afin d’établir son intime conviction, le juge administratif aura parfois, ou même souvent, recours à une mesure d’instruction.

488. Nous insistons sur les termes « parfois » ou « souvent », car toute demande qui lui est présentée ne nécessitera pas, ipso facto, d’être instruite. Par ailleurs, « l’instruction qui

doit être conduite dans les strictes limites de l’utilité publique, procède d’un enchaînement des mesures susceptibles d’adaptation en considération notamment de la qualité formelle et de l’objet de la requête »540.

489. Cependant, lorsqu’elle est mise en œuvre541, l’instruction constitue une formalité

procédurale substantielle, et son irrégularité entraîne l’annulation du jugement542.

490. Donc, en deux mots, tout est question de recherche des éléments de preuve.

491. Pour cette raison, en premier lieu, nous traiterons de la preuve dans la conduite de l’instruction (A) et, en deuxième lieu nous saisirons le jugement sur la preuve (B).

A. LAPREUVEDANSLACONDUITEDEL’INSTRUCTION

492. L’instruction, selon M. Paul COUDURIER543, «... comprend l’ensemble des

formalités qui doivent être accomplies à partir de l’enregistrement de la requête jusqu’au moment auquel le demandeur, le défendeur et éventuellement toutes les personnes intéressées ayant eu la possibilité d’exposer leurs arguments et de réfuter les arguments contraires, toutes les pièces nécessaires à la formation de la conviction du juge ayant été versées au dossier et les organismes chargés de préparer la décision ayant accompli leur mission, l’affaire peut être présentée à l’instance investie du pouvoir du jugement. Il est

539 Nous pensons que les termes de l’art. 11 susmentionné limitent l’initiative du juge et fortifient le principe dispositif dont disposent les parties dans le procès civil.

540 M. COURTIN, « Instruction », Juris - Class. adm., 1997, fasc. 1090, p. 5, n° 12.

541 Il est des cas où les textes dispensent l’instruction. Il en est ainsi lorsqu’il apparaît, au vu de la requête, que la solution de l’affaire est d’ores et déjà certaine. Voir, C.E., 6e sous-sect., 18 octobre 1995, Mme

Nicolas, Req. n° 147347.

542 C.E., 25 janvier 1957, Raberanto et Syndicat fédération des fonctionnaires malgaches : Rec. C.E., p. 66.

traité ici de l’instruction telle qu’elle se déroule normalement...»544.

493. Or, la preuve est l’élixir même de l’instruction545.

494. Donc, il serait logique d’étudier le cheminement de la preuve (1), pour finir par son établissement (2).

1. Le cheminement de la preuve

495. Inversement à ce qui est applicable en matière de procédure civile546, le juge

administratif dirige seul l’instruction. Le principe d’impulsion547 que détiennent les parties

dans le procès civil est relativement limité dans le procès administratif548.

496. En matière civile comme en matière administrative, chaque affaire est attribuée, quand il le faut, à un organe chargé de l’instruction. Il s’agit de la procédure contentieuse administrative du rapporteur549. Nommé en fonction des textes qui l’instituent, cet organe,

sous l’autorité du président de la formation, dirige l’instruction. Pour ce faire, il ordonne les mesures d’instruction admissibles. Il demande à chacune des parties de joindre au dossier toute preuve nécessaire à la solution du litige, toutefois, en la soumettant au

544 P. COUDURIER, « Instruction », Ency.Dalloz Cont. adm., p. 2, n° 1.

545 M. Jean-Philippe COLSON considère que la recherche de la preuve ou plus largement, la vérité effectuée par le juge administratif « peut constituer un instrument plus efficace pour le contrôle de l’activité

administrative » ; in L’office du juge et la preuve dans le contentieux administratif, L.G.D.J., 1970, p.

12.

546 Ici, nous faisons allusion au principe accusatoire qui demeure dans la procédure civile. Ce principe n’exprime pas le type accusatoire de la procédure civile au sens classique du terme, mais que l’initiative, le déroulement et l’extinction de l’instance appartiennent d’abord aux parties, sous la réserve importante de l’office du juge. Voir, dans ce sens, l’opinion de M. H. MOTULSKY qui parlait du « principe d’initiative » ; in D. 1972, chron. p. 91, note 44. Voir, dans le même sens, l’opinion de M. G. BOLARD, in J.C.P., 1993, I. 3693, les numéros 4 et 5.

547 Cette nouvelle nomination du principe accusatoire ou d’initiative a été élaborée par la doctrine italienne, particulièrement par M. VIZIOZ ; M. G. CORNU en a fait le point, in Rev. hist. fac. droit, 1995.

16. 250.

548 Ceci tient à ce que les arrêts émanant de la juridiction administrative en rendent un compte explicite en se référant au « juge administratif qui dirige seul l’instruction ». Voir : C.E., Sect. 25 juillet 1975, Ville

de Lourdes : Rec. C.E., p. 455- C.E., 16 février 1966, Echernier : Rec. C.E., p. 112.

549 Art. 611-9 (T.A) et 611-16 (C.A.A.) du C.J.A et art. 78 du R.C.E.L : devant le Conseil d’État français, chaque affaire est attribuée par le président de la section du contentieux à l’une des sous-sections d’instruction ; le président de la sous-section désigne un rapporteur qui propose les mesures d’instruction qui s’exécutent à l’initiative du président de la sous-section par le secrétariat.

Au Liban, le rapporteur est désigné par le président de la chambre dûment saisie de l’affaire. Toutefois, le président a la faculté d’exercer ce rôle. (Art. 78 du R.C.E.L susmentionné).

principe de la contradiction550. Il veille à la communication des griefs, des comptes rendus,

des procès-verbaux... Il fixe enfin les délais de l’instruction551 et prépare le dossier afin de

porter l’affaire à l’audience du jugement552.

497. La nouvelle procédure civile, ayant pour but de rompre avec le caractère classique de la procédure, a reconnu au juge civil, à l’instar de son homologue administratif, la possibilité d’ordonner une mesure d’instruction lorsqu’il « ne dispose pas d’éléments

suffisants pour statuer »553. Elle le convie à combiner et à conjuguer les différentes

mesures d’instruction, à accroître ou à restreindre l’étendue des mesures prescrites, à joindre à telle ou telle mesure une autre qui lui paraîtrait nécessaire554. La limitation d’un

tel choix s’articule dans la mesure la plus simple et la moins onéreuse555.

498. Cependant, une différence est à relever au sujet de la participation du rapporteur à la délibération et à la rédaction même de la sentence, entre le Conseil d’État et la Cour de cassation : alors que la Haute Juridiction administrative en a admis le principe556, la Haute

Juridiction civile l’a fermement écarté557.

499. Le Conseil d’État tient à la fonction légale du rapporteur, malgré les objections de la Cour européenne des droits de l’homme, dès lors que l’intéressé n’a pas manqué à son devoir d’impartialité, n’a pas excédé ses pouvoirs et n’a point connu antérieurement de

550 Art. 611-10 et 611-17 du C.J.A et art. 82, 84, 86 ,88 alinéa 2 du R.C.E.L.

551 Art. 611-10 du C.J.A. Cependant, en droit libanais, il n’y a pas, comme en droit français, un texte explicite conférant au rapporteur le droit de fixer le délai de l’instruction. La révision des articles 78, 84, 85, 86 et 89 du R.C.E.L., témoigne de cette lacune.

Cependant, les termes de l’article 89 dudit règlement nous laissent deviner implicitement que le juge administratif fixe les délais, puisqu’il est fait mention, ainsi qu’il en est disposé, «... de la date de

l’extinction du délai accordé aux parties pour remettre leurs remarques concernant le rapport et les conclusions du commissaire du gouvernement ».

552 Art. 611-13 et 616-8 ; C.E., 30 janvier 2002, Ouenden : Req. n° 202328, disponible sur le site gouvernemental : www.gouv.fr ; et art. 88 du R.C.E.L.

553 Art. 142 du C.P.C.F. 554 Art. 148 et 149 du C.P.C.F.

555 Art. 147 du C.P.C.F. ; Civ. 3e, 11 janvier 1978, Bull. civ. III, n° 30, Rev. trim. dr. civ. 1978, p. 925, obs.

PERROT.

556 R.C.E.L., art. 86, al. 3 ; C.E., 29 juillet 1998, Esclatine : Rec. C.E., p. 320.

557 Cass. plén., 5 février 1999, Bull. n° 1 (pour la Commission des opérations de bourse) ; Cass. 1re civ., 5

l’affaire558.

500. Quant au ministère public, il existe aussi bien en matière civile559 qu’en matière

administrative560.

501. À ce sujet, la Cour de Strasbourg a considéré, en application de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme, que l’institution juridique du ministère public constitue des problèmes analogues à ceux qui sont posés au rapporteur dans la procédure contentieuse administrative.

502. Il en est ainsi du commissaire du gouvernement, dont la C.E.D.H. a considéré la présence lors du délibéré de la décision du Conseil d’État comme contraire audit article. Cependant, le Conseil d’État ne tient pas à cette objection, sa jurisprudence est claire sur ce point561.

558 C.E., 6 avril 2001, S.A. Ent. Razel : Req. n° 206764, disponible sur le site gouvernemental : www.gouv.fr.

559 En principe, il est des textes en matière de procédure civile qui confèrent la défense de l’intérêt général au ministère public. En dehors de ces textes, la jurisprudence ne reconnaît la qualité pour agir du ministère public que dans les espèces qui intéressent l’ordre public. Voir pour une jurisprudence ancienne : Civ., 17 décembre 1913 : DP., 1914. 1. 261, note BINET et S., 1914. I. 153, note BADEN et COUDER.

560 Il est important ici de noter qu’il n’existe pas de ministère public devant les juridictions de droit commun. Cependant, en droit français, notamment dans certains cas, les juridictions administratives d’exception connaissent une certaine sorte de ministère public auquel est attribuée la qualité d’agir. Voir, pour une étude approfondie, les références suivantes : O. DUPEYROUX, « Le ministère public

auprès des juridictions administratives, l’évolution du droit public », in Études offertes à A. Mestre, Sirey, 1956, p. 170 ; B. GENEVOIS. « Le commissaire du gouvernement devant le Conseil d’État statuant au contentieux ou la stratégie de la persuasion », R.F.D.A., 2000, p. 1207 ; J.-M. HUON DE

KERMADEK, « Réflexions sur les conclusions contraires des commissaires du gouvernement près le

Conseil d’État », R.D.P., 1997, p. 1069 ; D. LABETOULLE, « Remarques sur l’élaboration des décisions du Conseil d’État statuant aux contentieux », in Mélanges Chapus, 1992, p. 333 ; M. DEGUERGUE, « Les commissaires du gouvernement et la doctrine », Rev. Droits, 1994, n° 20, p. 125.

Au Liban, en l’absence pratique des tribunaux de droit commun, le Conseil d’État se charge d’accomplir la tâche. Il est à la fois une juridiction de droit commun, d’appel et de cassation. Par conséquent et inversement à ce qui est applicable en droit français, il n’est pas fait distinction entre présence du ministère public devant le Conseil d’État et devant les tribunaux administratifs de droit commun. Cette absence pragmatique semble porter atteinte au principe du double degré de juridiction. 561 C.E., 5 mai 1999, Entreprise Freymuth : Req. n° 151820, disponible sur le site gouvernemental :

www.gouv.fr, selon lequel : « Le commissaire du gouvernement, qui a pour mission d’exposer les

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