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4 Les filaments intermédiaires

4.1 Les kératines

Les kératines (K) sont des protéines de FI exprimées préférentiellement dans les cellules épithéliales. Une première nomenclature les divisait en deux types, les kératines de type I, dites acides, et les kératines de type II, dites basiques. Chez les types I, on retrouvait alors les K9-K10, K12-K28 et les K31-K40 alors que chez les types II, ce sont les K1-K8 et les K71-K86 [97]. Depuis, cette nomenclature a été revue et les 54 kératines formant les types I et type II sont de plus divisées selon quatre critères, selon quelles soient des : 1) kératines épithéliales humaines, 2) kératines des cheveux humains, 3) kératines épithéliales ou des cheveux non humains ou 4) pseudogènes de kératines humaines [98]. Afin de former des FI, les kératines s'associent obligatoirement en hétéropolymères constitués d'une kératine acide et d'une kératine basique. Les cellules possèdent des paires spécifiques de kératines qui prédominent selon le type de cellules épithéliales et l'état de différenciation de la cellule. Par exemple, il y a le couple K5/K14 chez les kératinocytes de l'épiderme basai, le couple K1/K10 chez les kératinocytes de l'épiderme suprabasal. Comparativement, les

cellules de Tépithélium simple vont exprimer les K7, K8, K18, K19, K20 et K23 [99]. De toutes les kératines exprimées chez les cellules de Tépithélium simple, le couple K8/K18, qui est commun à toutes les cellules de Tépithélium simple, est le premier exprimé durant l'embryogenèse et chez certaines cellules, tels les hépatocytes, les cellules acinaires et des îlots du pancréas et les cellules du tubule proximal, il constitue le seul couple présent [100,101].

4.1.1 Les modifications post-traductionnelles

L'expression des kératines est modulée en réponse au stress, de même qu'elles peuvent être modifiées post-traductionnellement ou encore être réorganisées structurellement. Plusieurs modifications post-traductionnelles peuvent réguler les fonctions des kératines. La modification majeure est la phosphorylation, qui se produit aux domaines tête et queue. Cette phosphorylation peut se produire sur des résidus Ser, Thr ou Tyr. La phosphorylation des domaines va varier selon le type de kératine et selon le type et le contexte cellulaire. Chez la K8, il y a trois sites majeurs de phosphorylation, soit la Ser23, la Ser 73 et la Ser 431, alors que chez la Kl8 ce sont la Ser 33 et la Ser 52 qui sont les sites majeurs de phosphorylation [102]. Un certain nombre de kinases sont connues pour mener à la phosphorylation de ces résidus, telles que p38, la kinase c-jun-N-terminal (JNK), PKA et PKCÔ. Ces phosphorylations permettent, entre autres, de modifier la solubilité des filaments de kératines, jouent un rôle dans Tubiquitination et le turnover des kératines, en plus de permettre la liaison de protéines telles que 14-3-3 durant la mitose et des protéines de la voie Akt/mTOR lorsqu'en présence de sérum [100].

D'autres modifications post-traductionnelles ont été observées chez les K8 et Kl 8, soit la glycosylation, la sumoylation, la protéolyse et la transglutamination. Chez la Kl 8, il a été démontré que la glycosylation peut se produhe sur les Ser 30, 31 et 49, conférant une protection aux cellules en permettant la phosphorylation et l'activation de kinases dans la cellule [103]. De son côté, la sumoylation est l'ajout d'un polypeptide SUMO (small ubiquitin-like modifier) et affecte la localisation, l'interaction des kératines avec les partenaires de liaison ainsi que sa dégradation. Cette sumoylation se produit au domaine « rod » des kératines et a été démontrée sur les Lys 285 et 364 de la K8, sur les Lys 207 et 372 de la Kl8 et sur la Lys 208 de la Kl9. La sumoylation peut survenir lors d'un stress oxydant, lors de Tapoptose ou lors de l'inhibition des phosphatases. Une hypersumoylation

amène une insolubilité des filaments de kératines [104]. Durant Tapoptose, les FI sont clivés par les caspases. Ainsi, les caspases 3, 6 et 7 sont capables de cliver Taspartate 238 de la Kl8 durant le processus apoptotique et que ceci produisait des agrégats de fragments de Kl8 dans la cellule qui s'associaient alors à la caspase 3, protégeant la cellule contre la digestion induite par la caspase 3 [105]. Finalement, la transglutamination des kératines est observée dans des conditions physiologiques et pathologiques dans le foie et permet de fournir une structure compacte et protectrice à la cellule en conditions physiologiques alors qu'en conditions pathologiques, son rôle n'est pas bien compris [106].

4.1.2 Leurs multiples rôles

Les kératines ont longtemps été considérées comme étant le squelette des cellules épithéliales, leur conférant leur rigidité. Cependant, cette vision des kératines minimise leurs fonctions mécaniques et structurelles. En effet, les kératines peuvent se restructurer rapidement et de façon localisée afin de répondre à leur environnement et sont donc impliquées dans la migration, la différenciation et la prolifération. Les kératines vont être en mesure de se durcir rapidement, sans briser, lors d'une déformation et de retrouver une forme hautement viscoélastique et flexible lorsque la déformation se termine [102]. En plus de ces fonctions purement mécaniques, il a été démontré, chez les kératinocytes, que Téthement de la cellule pouvait stimuler l'entrée en phase S de la cellule en plus de mener à une modification de l'expression des kératines, telles que la suppression de l'expression de la Kl 0 et une induction de celle de la K6. Ces effets sont comparables à ceux observés lorsqu'il y a cicatrisation chez les kératinocytes, alors qu'il y a surexpression de la K6, Kl6 et Kl 7 et activation de la voie Akt/mTOR par la Kl 7, menant du même coup à une prolifération cellulaire [107].

En utilisant des cellules de Tépithélium simple, soit des cellules épithéliales alvéolaires, il a été possible de démontrer une régulation de l'assemblage de la K8/K18 par la PKCÔ lors d'un stress de cisaillement, la phosphorylation de la K8 sur la Ser73 par la PKCÔ menant à un désassemblage du couple K8/K18 [108]. Finalement, il a été observé que le couple K8/K18 était impliqué dans la réponse viscoélastique de la cellule au point focal d'adhérence en réponse à un stress mécanique en agissant par l'intermédiaire des microfilaments d'actine et des microtubules [109].

celle-ci, il y a assemblage des filaments de kératines en périphérie de la cellule, aux FA, et un désassemblage des filaments de kératines en périphérie du noyau cellulaire, permettant au cytosquelette de rester en mouvement sans perdre son intégrité structurale. Chez les kératinocytes, une perturbation de Thétérodimérisation du couple K6/K16 par un excès de Kl6 a démontré une diminution de 90% du potentiel de migration cellulaire [110]. Du côté de Tépithélium simple, l'assemblage des filaments de K8/K18 aux FA précède la translocation de T actine, qui se fait alors vers la périphérie du réseau de kératines [111]. De plus, notre laboratoire a démontré que le couple K8/K18 était impliqué dans l'adhésion et la migration des hépatomes, par un mécanisme dépendant de la PKCÔ [112].

En plus de ses fonctions mécaniques, les kératines jouent un rôle dans le cycle cellulaire, la prolifération cellulaire et dans le transport de vésicules. Comme il a déjà été mentionné, l'expression de la Kl7 chez le kératinocyte durant le processus de cicatrisation permet une activation de Akt/mTOR et une activation de la prolifération cellulaire. De plus, les kératinocytes en culture déficients en Kl 7 sont plus petits et démontrent une diminution de synthèse protéique. Chez l'hépatocyte, l'absence de K8/K18 mène à une accumulation de la protéine 14-3-3 au noyau, une perturbation du cycle cellulaire et une cytokinèse aberrante [102], en plus d'augmenter la prolifération cellulaire par différents stimuli, tels l'attachement cellulaire et la stimulation à l'insuline par un mécanisme plectine/RACKl dépendant [113].

4.1.3 La paire K8/K18 et la mort cellulaire

L'implication des K8/K18 dans la mort cellulaire a été grandement étudiée au cours des dernières années, et ce en réponse à différents stress. Les kératines retrouvées chez les cellules de Tépithélium simple semblent avoir une grande influence sur la mort cellulaire. Premièrement, il a été démontré que les K8/K18 avaient une influence sur Tapoptose, et ce par différents mécanismes. En effet, ce couple permet de garder l'intégrité de la cellule lors de stress mécanique, sert d'épongé à phosphate pour empêcher la phosphorylation de protéines kinases activées par le stress, permet le ciblage approprié des protéines cellulaires et permet de maintenir l'intégrité des fonctions mitochondriales [114]. En absence des K8/K18, on a observé une augmentation de la sensibilité des cellules au ligand de Fas [101]. Notre laboratoire a démontré que, chez l'hépatocyte, la perte du couple K8/K18 augmentait la sensibilité des cellules à Tapoptose suite à la stimulation du récepteur Fas, et

ce par une augmentation du ciblage de Fas à la membrane [115], par une modulation du niveau d'expression de c-Flip [116] et par un changement de distribution intracellulaire de DEDD [117]. De plus, l'absence du couple K8/K18 mène à une modification du type d'apoptose observé, passant ainsi du type II, une apoptose dépendante de la mitochondrie, au type I, une apoptose indépendante de la mitochondrie [117].

D'autres études ont démontré l'importance d'une régulation appropriée des K8 et Kl 8 pour prévenir la formation de corps de Mallory-Denk (MDB), des inclusions cytoplasmiques présentent dans les maladies hépatiques telles que la NASLD, les maladies hépatiques liées à l'alcool et les néoplasies hépatocellulaires. Ainsi, une surexpression de Kl 8 ou encore un débalancement entre les K8 et les Kl 8 mène à la formation plus importante d'agrégats intracellulaires ressemblant à des MDB, entraînant une perturbation du réseau de microtubules et prédisposant à la mort cellulaire [114,118].

Les kératines sont aussi impliquées dans la réponse à différents autres stress. Par exemple, chez les kératinocytes, la phosphorylation de la Kl7 sur la Ser44 par ERK 1/2 a été observée en réponse à plusieurs types de stress, entre autres l'irradiation aux UV, le stress hyperosmolaire et le stress oxydant, et cette phosphorylation pourrait jouer un rôle important dans la réponse cellulaire à ces stress [119]. Lors du traitement d'hépatocytes avec de Tarsénite de sodium, connu pour provoquer un stress oxydant, il y a une augmentation de l'expression et du niveau de Kl 8 intracellulaire, qui corrèle avec les dommages subis par la cellule, proposant un rôle pour la Kl8 dans la réponse cellulaire au stress oxydant.

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