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Les investigations empiriques de l’effet des contraintes finan-

Dans le document Le financement des entreprises innovantes (Page 102-106)

Les études empiriques visant à évaluer l’effet des contraintes financières sur l’in- novation adoptent une approche similaire à celle mise en oeuvre pour l’investisse- ment matériel. Celle-ci consiste à analyser l’effet de la richesse de l’entreprise sur son comportement d’investissement. Sous les hypothèses de marchés de capitaux parfaits et de concurrence parfaite, la maximisation de la valeur de la firme conduit à une équation d’investissement qui relie le bénéfice anticipé de l’investissement à son coût anticipé. Dans les Q-modèles d’investissement, qui sont les plus utilisés dans la lit- térature empirique sur le financement de l’innovation, la relation estimée est celle qui caractérise l’évolution de l’investissement en fonction de celle de la valeur du capital de l’entreprise. Pour tenir compte de la présence éventuelle de contraintes financières, des variables relatives à la richesse de l’entreprise sont introduites de façon ad-hoc. En effet, en présence de contraintes financières, posséder une richesse importante doit permettre d’investir plus fortement que lorsque l’on ne dispose que de peu de ressources internes, toutes choses égales par ailleurs.

Les études empiriques sur l’innovation comparent alors la réaction de l’inves- tissement en recherche et développement (ou celle de la propension à engager des activités innovantes) à un indicateur de richesse (le cash flow ou les profits passés) pour des sous-populations d’entreprises définies selon leur degré de difficulté pro- bable d’accès au financement externe. Cette méthodologie a été initiée par Fazzari et al. (1988). Plus précisément, Fazzari et al., (1988) ont défendu l’idée que la sen-

sibilité de l’investissement au financement interne doit augmenter avec l’écart entre le coût du financement interne et le coût du financement externe. Dans cette pers- pective, la présence de contraintes financières à l’investissement peut être identifiée en comparant la sensibilité de l’investissement à la richesse nette d’échantillons de firmes construits selon l’importance des problèmes d’asymétrie de l’information aux- quelles elles font face. En cas d’existence de contraintes financières, les firmes des échantillons qui sont a priori les plus susceptibles d’avoir des difficultés d’accès au financement externe doivent avoir une plus grande sensibilité de leur investissement à leur richesse (pour des opportunités données d’investissement).

Cette approche soulève des difficultés importantes, en particulier, celle de la prise en compte des anticipations de la profitabilité future de l’investissement (cf. Hub- bard (1998) pour une revue de la littérature). Sur le plan théorique, la profitabilité anticipée de la firme est définie comme le ratio de l’accroisssement de la valeur de l’entreprise résultant de l’investissement d’une unité supplémentaire de capital rapportée au coût de cette unité de capital (le q marginal de Tobin).

En pratique, la variable de profitabilité (le q marginal) est mesurée avec erreur car elle est approximée par le Q de Tobin moyen (ratio de la valeur boursière de l’entreprise sur le coût de remplacement de son stock de capital). Par ailleurs, les variables financières introduites pour capter les problèmes d’asymétrie de l’informa- tion sur les marchés des capitaux peuvent également être des variables proxies des opportunités de croissance non capturées par la mesure de q.

Ainsi, la corrélation des variables financières (comme le cash flow) avec l’inves- tissement peut ne pas être due à l’imperfection des marchés des capitaux. Elle peut simplement révéler des perspectives de croissance futures motivant l’investissement actuel. Cette critique de l’approche proposée par Fazzari et al. (1988) a été formu- lée par Kaplan et Zingalès (1997). A partir du même échantillon que Fazzari et al. (1988), ils ont trouvé que les firmes dont l’investissement présentaient la plus forte sensibilité au cash flow, ne rencontraient pas de difficultés de financement.

Cette question a donné lieu à plusieurs articles. Par exemple, Gomes (2001) met en évidence à partir d’un modèle d’équilibre général que le cash flow peut avoir un effet positif sur l’investissement même en l’absence d’imperfection de l’information du fait de la combinaison des effets d’erreur de mesure sur le q de Tobin et de pro-

blèmes d’identification associés à la forme réduite de l’investissement. Récemment, Almeida et Campello (2006) ont proposé d’introduire un terme d’interaction entre la variable de cash-flow et une mesure de la fiabilité des garanties que peut four- nir la firme pour contourner les difficultés d’interprétation du lien entre cash-flow et investissement. Leur spécification est basée sur l’idée selon laquelle les variables qui favorisent la capacité des firmes à emprunter (comme la fiabilité des garanties) doivent influencer l’investissement en présence de contraintes financières. Ils éta- blissent un modèle théorique simple à partir duquel ils montrent qu’en présence de contraintes financières l’effet du cash-flow sur l’investissement doit être croissant avec le collatéral de la firme.

La plupart des études empiriques des contraintes financières à l’innovation s’ap- puient sur ces formes réduites de l’investissement enrichies de variables financières (Hall, 2002).

Hall (1992) a mis en évidence un effet positif du cash flow sur l’investissement en recherche et développement à partir d’un panel d’entreprises industrielles améri- caines sur la période 1973-1987.

A partir de données américaines également, Himmelberg et Petersen (1994) se sont intéressés à des entreprises de petite taille des secteurs de hautes technologies entre 1983 et 1987. Ils ont également trouvé un effet positif et significatif des cash- flow sur les dépenses de R&D. Des résultats similaires ont été obtenus par Mulkay et al. (2001) sur des données françaises et américaines d’entreprises industrielles observées entre 1982 et 1993. Ils mettent de plus en évidence que l’effet du cash flow (ou des profits) est plus important aux Etats-Unis qu’en France.

Sur des données d’entreprises manufacturières allemandes, les résultats de Ha- rhoff (1998) sont moins tranchés. A partir d’un modèle d’accélérateur-profit, il trouve un effet positif peu important mais significatif des cash-flow sur l’investissement. Ha- rhoff examine également une spécification structurelle de l’investissement en R&D en présence de contraintes financières mais les estimations qu’il obtient à partir de cette équation d’Euler ne se révèlent pas concluantes, notamment du fait de la petite taille de l’échantillon.

Récemment, Bond et al. (2003) n’ont pas trouvé d’effet significatif du cash-flow sur l’investissement en R&D d’entreprises allemandes et britanniques. En revanche,

l’effet du cash flow est positif et significatif sur la probabilité que les firmes britan- niques s’engagent dans des activités de recherche et développement. Ils concluent alors que les entreprises britanniques qui ont entrepris des investissements de re- cherche et développement constituent un groupe auto-sélectionné pour lequel les difficultés de financement externe ne sont pas importantes.

Czarnitzki (2006) a également étudié le rôle des contraintes financières sur les dépenses de R&D d’entreprises allemandes. Son échantillon est constitué de petites et moyennes entreprises. Il utilise un indice de notation de la fiabilité financière des firmes pour mesurer leurs difficultés d’accès au financement externe et obtient des résultats concordants avec l’existence de contraintes financières pour ces entreprises. Harris et al. (2003) ont tenu compte des imperfections sur les marchés des capi- taux en introduisant les profits passés comme possible déterminant de la probabilité qu’une firme entreprenne des activités innovantes. Leur étude, qui est réalisée sur des données australiennes, ne révèle pas d’effet significatif de cette variable financière sur la décision d’innover.

En conclusion, les études empiriques de l’effet des contraintes financières sur l’in- novation donnent des résultats assez contrastés. Ces travaux testent essentiellement l’existence de contraintes financière via la relation entre investissement en R&D et richesse des entreprises (mesurée par les profits passés ou le cash-flow).

Dans la section suivante, nous présentons les différentes approches qui permettent d’identifier les entreprises qui sont les plus susceptibles de faire face à des contraintes financières.

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Identifier les entreprises contraintes financière-

ment

Pour identifier les entreprises potentiellement soumises à des contraintes finan- cières, les études antérieures s’appuient sur des indicateurs indirects susceptibles de refléter la sévérité des problèmes d’asymétrie d’information et des difficultés de financement externe. Dans cette thèse, nous proposons d’exploiter un indicateur di- rect de la présence de contraintes financières qui est fourni dans l’enquête sur le

Financement de l’Innovation Technologique1.

Cette section présente successivement les mesures indirectes de la présence de contraintes financières puis notre indicateur direct fondé sur les réponses des entre- prises à l’enquête FIT.

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