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Les mesures indirectes

Dans le document Le financement des entreprises innovantes (Page 106-108)

Comme la section précédente l’a souligné, l’essentiel des travaux sur les contraintes financières à l’innovation s’appuie sur la méthodologie initiée par Fazzari et al. (1989). Le test de la présence de contraintes financières consiste alors à regarder si l’effet des variables explicatives financières se révèle significatif sur l’investisse- ment en recherche et développement de firmes identifiées comme étant a priori les plus susceptible d’être soumises à des problèmes informationnels. Une difficulté es- sentielle de cette approche réside alors dans la détermination de ces critères a priori destinés à classer les firmes selon leur difficulté d’accès au financement externe. Dans la littérature, les caractéristiques utilisées pour discriminer entre entreprises contraintes et non contraintes sont le versement de dividendes par les entreprises, leur taille, âge, leurs liens avec les établissements de crédits ou encore des indices de notation du risque (rating).

La taille et l’âge des firmes peuvent être en effet des indicateurs de la prime de financement externe. Les firmes les plus grandes sont mieux connues des investisseurs extérieurs que les petites entreprises de par les informations qu’elles diffusent sur leurs résultats et sur leurs dirigeants. Elles font ainsi face à des problèmes d’asymétrie d’information moins sévères. De la même façon, les firmes en phase de création sont difficilement évaluables par les apporteurs de capitaux externes, mais ensuite, lorsqu’elles se développent, elles deviennent moins risquées, mieux connues et ont plus facilement accès au financement externe.

L’appartenance à un groupe peut également réduire les difficultés d’accès au financement externe (Kremp et Sevestre, 2000). La tête de groupe en se portant garante pour les prêts de ses filiales leur facilite l’accès au financement externe. Par ailleurs, comme la tête de groupe dispose d’une information équivalente à celle de sa filiale, cette dernière peut également bénéficier de financements internes au groupe

qui n’intègrent pas de prime de financement externe. L’appartenance à un groupe réduit ainsi les besoins en financement externe et les difficultés qui y sont associées. La segmentation entre entreprises financièrement contraintes et non contraintes de Fazzari et al. (1989) s’appuie sur la politique de distribution des dividendes. L’idée est la suivante : en présence de contraintes financières et d’opportunités d’investis- sement intéressantes, distribuer des dividendes n’est pas cohérent avec l’objectif de maximisation de la valeur de la firme. En d’autres termes, si le coût du financement externe excède celui du financement interne et si les firmes font face à des oppor- tunités d’investissement rentables, l’investissement des firmes qui ne distribuent pas de dividendes doit être plus sensible à leur cash flow que celui des firmes qui dis- tribuent largement des fonds à leurs actionnaires. Cette classification a priori entre entreprises contraintes financièrement et non contraintes à partir des dividendes ne tient pas compte de leur endogénéité possible avec les décisions d’investissement et de financement. De nombreux travaux ont en effet montré que les firmes décidaient de leur politique de dividendes afin de signaler à des investisseurs potentiels des profits futurs (par exemple, Bhattacharya, 1979 ; John et Williams, 1985 ou Miller et Rock,1985) ou pour traiter les problèmes d’aléa moral entre les actionnaires et l’entrepreneur qui peut utiliser les profits non distribués pour son propre compte ou les investir dans des projets insuffisamment rentables (Jensen, 1986 ; Fluck, 1999).

D’autres critères sont également utilisés pour identifier les entreprises potentiel- lement soumises à des contraintes financières.

Ploetscher et Rottmann (2002) définissent l’existence de contraintes financières à partir du crédit inter-entreprises, considéré comme l’une des sources de financement externe les plus coûteuses. Ces auteurs s’appuient sur une enquête et considèrent que les entreprises ayant déclaré avoir eu recours à du crédit inter-entreprises tout au long de la période étudiée (ou très souvent) sont contraintes financièrement.

Czarnitzki (2006) s’intéresse spécifiquement aux contraintes de financement pour l’innovation et mesure les difficultés d’accès au financement externe à partir d’un indice de notation fourni par une agence spécialisée. Ces notes sont des jugements d’expert mesurant la fiabilité financière des entreprises à partir d’informations di- verses (ces notations ne reposent donc pas seulement sur des informations comp- tables, elles tiennent compte de toutes les indications connues sur l’entreprise). Les

investisseurs externes, qui peuvent s’appuyer sur cette information synthétique, at- tribueront des fonds avec un coût moindre pour les entreprises ayant un bon indice de fiabilité financière par rapport à celui appliqué aux entreprises avec des indices moins bons.

Ce tour d’horizon des différents critères utilisés pour classer les entreprises selon leur difficulté potentielle d’accès au financement externe montrent qu’ils reposent sur un certain arbitraire et que certains sont endogènes. Aussi, des travaux se sont attachés à classer de façon endogène les entreprises qui ont une probabilité élevée de faire face à des contraintes financières (Almeida et Campello, 2006 ; Hovakimian et Titman, 2006 ; Hu et Schiantarelli, 1998). La stratégie consiste alors à estimer l’in- vestissement en spécifiant un modèle de sélection à deux régimes qui vise à identifier les entreprises contraintes financièrement et celles qui ne le sont pas. Les régimes sont alors déterminés de façon endogène en fonction de plusieurs caractéristiques de l’entreprise (taille, âge, dividendes, collatéral).

Grâce à l’enquête sur le Financement de l’Innovation Technologique, nous dis- posons d’une information directe, donnée par les entreprises elles-mêmes sur les difficultés de financement auxquelles elles ont dû faire face lors de la mise en oeuvre de leurs projets innovants.

2.2

Une mesure directe de la présence de contraintes finan-

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