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Les invertébrés bioturbateurs, ingénieurs des écosystèmes

CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE

Partie 2 : les invertébrés benthiques

III.6 Les invertébrés bioturbateurs, ingénieurs des écosystèmes

écosystèmes

III.6.1 Définition de la bioturbation

Le terme bioturbation est fréquemment utilisé dans la littérature scientifique et recouvrent tous les processus possibles par lesquels des organismes affectent le substrat dans ou sur lequel ils vivent. Dans le cas des milieux aquatiques, la bioturbation peut être définie comme l’ensemble des activités produites par les organismes, comprenant tous les processus de transports - c’est à dire à la fois le remaniement des particules solides et les courants d’eau à travers les terriers - qui affectent directement ou indirectement les matrices sédimentaires (Kristensen et al., 2012). Les mouvements de

particules solides peuvent être liés à l’enfouissement des organismes et lecreusement de

terriers ou de galeries à différentes profondeurs dans le sédiment, ainsi qu’aux activités d’alimentation, à l’ingestion de sédiment et la production de pelotes fécales à la surface ou à différents niveaux dans le sédiment. Les mouvements d’eau sont quant-à-eux liés à la ventilation et la bioirrigation des terriers qui crée des courants à l’intérieur des terriers et galeries pour apporter les composés dissous (oxygène et nutriments) nécessaires aux organismes pour respirer et se nourrir, ainsi qu’à la formation de sillons créés par le déplacement des organismes à la surface ou à l'intérieur du sédiment (Nogaro, 2007; Kristensen et al., 2012).

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L’ensemble des activités de bioturbation des invertébrés benthiques dans les sédiments ont pour conséquences des flux de particules, d’eau et de matières dissoutes, qui peuvent influencer les propriétés physiques, chimiques et biologiques des sédiments (Krantzberg, 1985)

III.6.2 Influence sur les propriétés de la matrice sédimentaire

III.6.2.1 Influence sur les propriétés physiques et conséquences sur l’infiltration.

Les macro-invertébrés bioturbateurs sont susceptibles de modifier la structure physique de la matrice sédimentaire en remaniant le sédiment et/ou en creusant des tubes et des terriers, ce qui affecte la répartition granulométrique verticale et la porosité du milieu, tout comme les flux de ressources (O2 et éléments nutritifs) et les conditions rédox (Nogaro et Mermillod-Blondin, 2009). Les transports de particules et de solutés dépendent du mode de bioturbation [Figure 20]. Aussi, selon le type de remaniement du sédiment, de structures construites et de ventilation des terriers, la bioturbation affecte différemment la structure physique, les activités microbiennes et les processus biogéochimiques (Mermillod-Blondin et Rosenberg, 2006). Par exemple, les convoyeurs sont à l'origine d'un reclassement granulométrique des particules : ils ingèrent la composante détritique liée aux particules d’argile et de limons des sédiments, et rejettent ensuite des pelotes fécales en surface ; entrainant une diminution des particules fines dans la zone d’ingestion et une augmentation en surface, ce qui modifie la texture du sédiment. C’est le cas des vers tubificidés en eau douce (McCall et Fisher, 1980).

Les fécès produits par les organismes bioturbateurs sont souvent agglomérés par du mucus, ce qui génère des particules de taille supérieure et augmente la porosité de la couche superficielle, et conjointement, les flux à travers l'interface par simple diffusion. De plus, les pelotes ne sont pas liées entre elles, ce qui réduit la compacité et la cohésion du sédiment par rapport à un sédiment « non–bioturbé », ce qui facilite sa remise en suspension (McCall et Fisher, 1980). D’autre part, les réseaux de galeries creusés par les vers tubificidés dans le sédiment créent également des macroporosité, ce qui modifie la structure de la matrice sédimentaire. Dans le cadre de cette étude, l’intérêt de l’activité de bioturbation repose en partie sur ces propriétés. En effet, c’est dans les

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porosités du milieu que les écoulements ont lieu préférentiellement (White, 1985), aussi l’activité de bioturbation peut limiter le colmatage des milieux en créant des chemins d’écoulement pour l'eau. Ce résultat a déjà été observé en laboratoire, sur des colonnes de sédiment fin (Nogaro et al., 2006; Mermillod-Blondin et al., 2007), mais à notre connaissance, aucune étude n’a encore mis en évidence de tels effets sur le terrain.

Figure 20 : Les différents modes de bioturbation : (A) les biodiffuseurs, (B) les convoyeurs vers le haut, (C) les convoyeurs vers le bas et (D) les régénérateurs, d’après Kristensen et al. (2012).

III.6.2.1 Influence sur les propriétés chimiques et conséquences sur les communautés microbiennes

L’influence de la bioturbation sur les propriétés chimiques des sédiments comme la concentration en oxygène, le potentiel rédox, le pH et les concentrations en matière organique et en nutriments a été longuement étudiée dans la littérature scientifique (Davis, 1974; Krantzberg, 1985; Gilbert, 2003; Mermillod-blondin et al., 2005b). L’activité de bioturbation peut notamment créer une alternance entre zones oxiques et anoxiques ou augmenter l’épaisseur de la zone aérobie avec le creusement et la ventilation des terriers et galeries, ce qui peut stimuler la minéralisation de la matière organique (Krantzberg, 1985; Kristensen, 2000). Les bioturbateurs benthiques peuvent également modifier la répartition verticale de la matière organique en provoquant l’enfouissement

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de certains oxydes situés en surface vers les couches sédimentaires inférieures, ou inversement (Gilbert, 2003). Les échanges d’éléments nutritifs à l’interface sédimentaire peuvent également être stimulés en présence de faune. Mermillod-blondin et al. (2005b) ont par exemple mesuré une augmentation du relargage et de NH4+, NO3-, PO43- et de carbone organique dissous par des sédiments en présence de vers tubificidés. Il est également reconnu que l’activité benthique, et plus particulièrement la bio-irrigation, a un effet stimulateur à la fois sur le processus de dégradation de la matière organique et les activités microbiennes impliquées dans le cycle de l’azote (Gilbert, 2003). Ainsi, la bioturbation modifie les conditions physico-chimiques et les cycles biogéochimiques au sein des sédiments, et influence donc les processus d’adsorption et de précipitation. De même, l’activité de la faune benthique, c'est-à-dire le broutage à la surface des sédiments, les remaniements structurels, tout comme la ventilation des terriers qui stimulent la pénétration d’O2 et les flux de nutriments dans les sédiments, peut influencer les activités microbiennes, de manière positive ou négative [Figure 21].

Les effets de la bioturbation sur les différentes propriétés du sédiment sont résumés dans la Figure 21 ci-dessous :

Figure 21 : Schéma récapitulatif du rôle des organismes bioturbateurs sur les propriétés des sédiments, d’après Gilbert (2003).

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