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Les instruments politiques et économiques

CHAPITRE 1 – LA PROBLÉMATIQUE DE LA GESTION DE L‘EAU

1.6 Les instruments politiques et économiques

L'expérience internationale dans l'adoption d'instruments économiques pour le contrôle de la pollution environnementale est bien développée3. Depuis la prise de conscience environnementale des années 70, l'on reconnaît plus facilement que presque toutes les activités économiques peuvent produire des conséquences négatives pour l'environnement ou pour la santé humaine. En termes économiques, ces conséquences négatives sont considérées comme des externalités : ce sont des problèmes environnementaux dérivés qui affectent le bien-être des individus et la qualité de l'environnement, mais qui ne sont pas considérés comme des coûts internes au processus de production économique4.

La compétition économique limite d'une certaine façon l'implantation de ces instruments économiques. L'attribution d'un prix aux ressources peut rendre l'activité économique peu attrayante dans la mesure où les profits diminuent et les coûts de production et de vente augmentent. Les industries peuvent aller s'installer ailleurs ou se déplacer vers des régions ou des pays où la législation est moins restrictive et le contrôle

3 Protection des ressources en eau et des écosystèmes aquatiques. In Série de l'eau nº 1. Publications des Nations-Unies. 1994.

4 "Instrumentos econômicos para o controle ambiental do ar e da eau: uma resenha da experiência internacional". Francisco Eduardo Mendes, Ronaldo Seroa da Motta. Texto para discussão nº. 479. Rio de Janeiro, maio de 1997.

moins sévère. Pourtant, l'exploitation des ressources naturelles et leurs conséquences négatives sont si évidentes et aigües qu'il est désormais impossible de les ignorer. Ainsi, les autorités gouvernementales essayent de mettre en place un système pour dédommager ou pour défendre les communautés et les sociétés des effets pervers d'une telle course économique.

Donc, on essaye de corriger ces problèmes causés à l'environnement, et au bien- être des populations, en internalisant (intégrant) ces coûts externes dans les coûts de la production et de la consommation :

« il faudrait encourager l'internalisation des coûts de l'utilisation de l'eau à l'aide d'instruments économiques et fiscaux (redevances, taxes parafiscales, etc.). Conformément au principe du pollueur-payeur, de tels instruments devraient servir progressivement à encourager la prévention de la pollution à la source et à prévenir les effets nocifs pour les écosystèmes aquatiques »5 (p. 6).

Par ailleurs, d'autres essayent de montrer que ce système serait le seul à permettre la comptabilisation des dégâts provoqués en coûts pour les pollueurs, qui ne seraient pas pénalisés autrement. Selon Jair Sarmento (1994)

«dans l'absence de redevances correspondants à leur utilisation, les ressources environnementales sont gaspillées, dégradées … l'utilisation gratuite est l'une des causes premières de la dégradation environnementale … exempter les grands usagers et pollueurs de payer pour l'usage des ressources environnementales équivaut à stimuler et subventionner le gaspillage» (p.16).

Donc, l'internalisation de ces coûts serait l'une des façons de rendre plus efficace l'adoption de mécanismes tels que la concession de permis d'usage des ressources et les

5 "Protection des ressources en eau et des écosystèmes aquatiques". In Série de l'eau nº 1. Publications des Nations Unies. 1994.

sanctions légales à l‘égard des contrevenants. C'est le principe usager-pollueur-payeur. L'imposition d'un prix permet aux usagers, aux pollueurs et aux agents économiques et politiques d'évaluer les coûts et les bénéfices de chaque option : la menace de pénurie (qui arrêterait définitivement une activité), les coûts sociaux, la valeur sociale d'un bien, etc..

Dans certains cas, la seule solution est l'interdiction totale de l'activité économique – qui implique aussi des coûts sociaux. Ainsi, les alternatives qui considèrent d'autres destinations d'usage, doivent être prises en considération. De cette façon, si un fermier sait qu'il va profiter davantage s'il réoriente l‘usage de l‘eau dans sa ferme vers d‘autres fins – au lieu d'irriguer des récoltes de basse valeur – cette eau sera orientée vers un autre usage de plus haute valeur, par exemple pour le loisir et le tourisme. Dans ce cas, le fermier recherche la maximisation de ses intérêts individuels. Il voit que la valeur économique de la récolte ne justifie pas le coût et les dégâts causés. Dans ce cas, le marché trouverait là une solution optimale.

Pourtant, ce cas est seulement un des types de problèmes qui peuvent être résolus par la «rationalité du marché». Il y en a d'autres où il est difficile d'attribuer une valeur à la ressource. De plus, certaines solutions de marché n'éliminent pas les conflits politiques et idéologiques sur l'usage de l'eau, comme l'affirme André Beauchamp (1997) et moins encore les conflits entre les États, les villes, les citoyens, les fermiers et les industriels.

La motivation strictement économique en tant que mécanisme de protection des ressources naturelles et de l'environnement est critiquée par certains qui voient dans ces instruments la marchandisation des biens qui ne sont pas du tout des commodités, mais

qui ont d'autres valeurs (culturelles, paysagistes, etc.). Ces instruments économiques appliqués au contrôle environnemental peuvent parfois entrer en conflit avec d'autres politiques gouvernementales qui veulent plutôt stimuler le développement économique. Pourtant, ils peuvent, dans certains cas, annuler l'effet pervers d'autres politiques sectorielles qui agissent négativement sur l'environnement.

Par exemple, la protection et la préservation des ressources en eau en amont d'un bassin versant n'apportent pas de bénéfices visibles et directs à ces régions situées en haut du bassin, comme c'est le cas de la région métropolitaine de Belo Horizonte (RMBH). Si les acteurs agissent seulement pour des motivations économiques, leur rationalité conduit alors aux gaspillages et à la pollution. Pourtant, les choses ne se passent pas comme le prétend dans la théorie économique, car les acteurs ont d'autres raisons et motivations non économiques pour agir afin de protéger les ressources.

En général, pour que ces instruments économiques soient efficaces, les coûts environnementaux incorporés aux coûts totaux de la production industrielle doivent être équivalents ou supérieurs au coût de traitement de l'environnement pour réparer les dégâts provoqués. Cependant, l'adoption de certaines mesures peut augmenter les coûts de production d'un produit, ce qui peut faire augmenter son prix sur le marché. L'impact dépendra des alternatives à la disposition des consommateurs. L'appui à chaque politique est aussi l'objet de débats publics, car l'opinion publique est généralement très sensible aux politiques qui l'affectent directement. De plus, pour être implantés, ces instruments doivent faire l'objet d'un consensus. On retourne donc ainsi à la dimension politique et sociale.

Pour les défenseurs de l'option du marché pour régler l‘usage des ressources en eau (en conjonction avec la surveillance et le contrôle par le gouvernement), en l'absence d'un vrai marché économique qui puisse mesurer la valeur sociale, culturelle et économique des ressources et de l'environnement, ceux-ci continueront à être vus comme une « externalité ». Par contre, si l'on attribue une valeur à l'environnement, le principe « usager/pollueur/payeur » s'avère incontournable.

Dans certaines régions du Brésil, comme dans le cas de la province de notre étude, Minas Gerais, certains de ces instruments économiques sont déjà appliqués et ils aident à faire face aux problèmes de la gestion des ressources en eau6. On vise donc à établir des bases plus rationnelles pour les usages des ressources hydriques. Le traitement et la tarification des diverses formes d'usages, comme dans le cas des égouts industriels, sont basés sur le contenu des polluants et sur les coûts de la récupération et du traitement de l'égout.

Ces mécanismes économiques peuvent générer les ressources fiscales nécessaires pour implanter et soutenir un tel système, qui ne seraient pas disponibles dans le cadre actuel de coupures des budgets de plusieurs projets publics. Les redevances obtenues à partir des tarifs, des taux d'usage, de certificats de concession et d‘autorisation, des amendes, etc. pourraient motiver ou qualifier les organismes de protection de l'environnement. C'est le cas de la Fondation de l‘État pour l‘Environnement (FEAM), qui tire une partie de ses recettes des amendes et des autorisations concédées. Sans ces

6 "Water resources and economic development: appreciation of some topics of the edict 7663/91 which regulates the water resources management system of São Paulo State". José Paulo Ganseli et Stela Goldenstein. RAE, nº 34(1). São Paulo. Janeiro/Fevereiro 1994. "Gestão Integrada de recursos hídricos e do meio ambiente: medidas institucionais no Brasil no contexto da reforma do Estado". Bianor Scelza Cavalcanti. RAP 28(3). Rio de Janeiro. Julho/Setembro 1994. "Gestão Ambiental de Recursos Hidricos". Jair Sarmento. Ministério do Meio Ambiente e da Amazonia Legal. Governo Brasileiro. 1994.

revenus, les coûts impliqués dans le contrôle des activités industrielles et agricoles peuvent affaiblir (et même annuler) l'action de l'État, laissant au «marché» l'obligation de s‘autocontrôler et de s‘autolimiter.

L‘expérience nous montre que l'internalisation des coûts de l'environnement est efficace pour promouvoir des changements des comportements des secteurs économiques quand elle est associée à d'autres mécanismes de contrôle et de régulation des activités par les gouvernements.