• Aucun résultat trouvé

Les infarctus épiphysaires et ostéonécroses aseptiques (ONA)

Quelques notions d’hématologie

D. Les manifestations osseuses d’origine hémato-vasculaire

2. Les infarctus épiphysaires et ostéonécroses aseptiques (ONA)

Les ostéonécroses épiphysaires aseptiques sont fréquentes au cours de la drépanocytose, atteignant principalement la tête fémorale mais aussi la tête humérale, le plateau tibial, le condyle fémoral, l'astragale et les os du tarse. Ces ostéonécroses semblent être dues à des troubles de la microcirculation locale. Elles sont fréquemment bilatérales et/ou multiples. (34) En faveur de cette hypothèse, on peut retenir les résultats de l'étude de Hernigou et coll., (75) qui montre d'une part la présence d'une corrélation entre la survenue d'une ostéonécrose et l'existence d'une rétinopathie ischémique et d'autre part l’existence à l'examen anatomopathologique de lésions osseuses évoquant des processus nécrotiques itératifs.

2.1. Ostéonécrose aseptique de la tête fémorale

Les ostéonécroses de la tête fémorale ont une importance prépondérante tant par leur fréquence que par leur pronostic qui reste grave. Car le collapsus de la tête fémorale semble s’observer plus rapidement que dans les autres étiologies des ostéonécroses aseptiques et conduire au développement rapide parfois en moins de 2 ans après le diagnostic d’une arthrose secondaire. (13)

2.1.1. Fréquence :

L'ostéonécrose de la tête fémorale survient chez 15 à 40 % des patients drépanocytaires. (76) La prévalence des ONA augmente régulièrement avec l'âge : elle est de 1 % avant l’âge de 10 ans, 7 % entre 10 et 25 ans, 20 % entre 25 et 45 ans et 32 % au-delà. (77) Des cas ont été rapportés dès l'âge de 5 ans. (76) Ces variations sont retrouvées dans l'évaluation du caractère bilatéral de la nécrose estimée de 15 à 89 % des cas selon les séries. Il est pratique de différencier ces ostéonécroses selon qu'elles surviennent avant ou après la fin de la croissance. (75)

2.1.2. Clinique :

Le début est rarement brutal, entraînant une impotence fonctionnelle absolue. Il peut surtout chez l’enfant coïncider avec une crise drépanocytaire et dans ce contexte douloureux multiple et récidivant, il passe alors volontiers inaperçu. (78) La survenue d’une douleur de hanche chez un enfant drépanocytaire doit faire évoquer une nécrose de la tête fémorale en première intention. (13)

38

Il est habituellement insidieux et la séméiologie clinique n'est pas différente de celle des ostéonécroses d'autre origine, associant douleurs et impotence progressivement croissantes. Toutefois, la latence clinique est souvent signalée (79) et la fréquence des formes asymptomatiques varie de moins de 10 % (80) à près de 50 %. (76) La nécrose de l'épiphyse immature entraîne un aplatissement de la tête fémorale avec un remodelage correspondant de l'acétabulum pouvant entraîner le maintien d'une amplitude de mouvement presque normale et une évolution relativement asymptomatique pendant une longue période.

Chez le jeune enfant, Les douleurs peuvent disparaître au bout de quelques mois, au stade de reconstruction osseuse. Toute douleur de hanche, toute boiterie chez un enfant drépanocytaire impose de réaliser un examen clinique des deux hanches, à la recherche d’une limitation de la mobilité présente surtout en abduction et en rotation interne. Dans un premier temps, une radiographie du bassin de face et un profil des deux hanches est demandée. (18)

D’après Hernigou et al 80 % des sujets atteints d’ONTF pendant l’enfance se plaignent de douleurs de hanche accompagnées d’une boiterie et/ou d’une inégalité de longueur des membres inférieurs à l’âge adulte. (81)

2.1.3. Imagerie :

Le diagnostic comme dans les formes idiopathiques, se fait classiquement par les radiographies, la scintigraphie et surtout l’IRM qui est à l’heure actuelle le moyen le plus performant pour la confirmation du diagnostic et l’évaluation la taille de la nécrose épiphysaire.

a. Radiographie standard : (34)

La radiographie initiale peut être normale, et peut même le rester durant plusieurs mois après la survenue de l’ONA. L'aspect radiologique de l’ostéonécrose du grand enfant et de l'adolescent est similaire à celui de la maladie de Legg-Perthes-Calvé, ou plus rarement d'un aspect d'ostéochondrite disséquante. Après la fin de la croissance, l'aspect radiologique est identique à celui des ostéonécroses d'autre cause.

39

 Avant la soudure du cartilage de croissance :

La nécrose intéresse l'ensemble du noyau céphalique et les signes sont superposables à ceux de la maladie de Legg-Perthes-Calve : à l'image en coup d'ongle de son pôle supérieur succède une densification et un aplatissement du noyau céphalique, suivie d'une fragmentation de ce dernier ; survient ensuite une phase de réparation avec confluence puis soudure des différents fragments. Cette similitude radiologique impose quelques remarques :

• La prédominance masculine n'est pas retrouvée et l'ostéonécrose de la tête fémorale atteint indifféremment les drépanocytaires des deux sexes.

• Sa survenue est plus tardive.

• La bilatéralité voire la simultanéité sont courantes ; la fréquence des formes bilatérales varie de 26% (79) à 83 % (82).

• L'atteinte céphalique est rarement isolée et s'associe à des infarctus osseux iliaques ou fémoraux, à un épaississement de la corticale métaphysaire fémorale par apposition endostéale, ou à une réaction périostée du col fémoral. (62,75)

• Le caractère itératif, bien que rare, est possible dans des délais variables. (75,83) • La maladie de Legg-Perthes-Calve est exceptionnelle dans la race noire. (83)

• Le pronostic fonctionnel est plus sévère : si la possibilité de restitutio ad integrum est régulièrement rapportée, (28,76,79,83) la coxa plana est fréquente et Hernigou (82) l'observe dans 57 % des cas. Cette atteinte précoce expose en outre à des troubles de croissance de l'ensemble de l'extrémité supérieure du fémur et du cotyle : coxa vara et/ou brièveté du col, insuffisance cotyloïdienne. Les destructions articulaires avec importantes pertes de substance de la tête fémorale concernent 2 % des patients.  Lorsqu'elle survient après la fin de la croissance :

La nécrose est segmentaire et comparable aux ostéonécroses d'autre origine. La radiographie peut montrer des anomalies non spécifiques telles que des plages de condensations ou d’hyperclartés au sein de l’épiphyse. Parfois, la zone nécrosée est visiblement circonscrite par une bande de condensation, permettant le diagnostic positif. En cas d’ONA déjà évoluée, il existe une fine clarté sous-chondrale dite « en coquille d’œuf », déformant l’aspect normal de la surface articulaire et correspondant à une fracture sous-chondrale, parfois responsable d’une perte de sphéricité ou d’un méplat de la tête fémorale. (84)

40

La classification radiologique de Arlet et Ficat (85) détaille les différents stades radiographiques des ostéonécroses aseptiques (Tableau IV) les classant en quatre stades permettant de déterminer le type de traitement (en fonction de la présence ou non d’un effondrement de la tête fémorale).

Il existe d’autres classifications, comme celles de Steinberg et ARCO, moins fréquemment utilisées que celle de Ficat qui est d’usage plus simple. (84)

Stade I À ce stade les radiographies sont normales. L'IRM montre à ce stade un œdème osseux