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A) LE METABOLISME DES SUBSTRATS CARBONES

1) Les glucides

Dans la mêlée, les principaux sucres ajoutés sont le glucose, le saccharose et/ou le lactose. Le métabolisme des glucides permet d’obtenir une acidification plus ou moins rapide et intense des produits, qui dépend de la nature et de la concentration du glucide utilisé (Arkoudelos and Nychas 1995). L’acidification a un rôle essentiel dans le développement de la flaveur (Leroy et al. 2006). Ce sont principalement les bactéries lactiques qui produisent de l’acide lactique, les staphylocoques contribuant modérément à cette production (Montel et al. 1996). Le métabolisme des glucides est bien caractérisé chez les staphylocoques, notamment celui du

glucose, du saccharose et du lactose chez S. xylosus et celui du glucose et du lactose chez S. carnosus. Nous nous focaliserons sur ces trois principaux glucides utilisés dans la fabrication du saucisson.

1.1) Les systèmes de transport

S. xylosus et S. carnosus possèdent le potentiel génétique pour le transport et le métabolisme de 12 et 6 glucides, respectivement (Götz et al. 2006, Rosenstein et al. 2009) (Tableau 2). Ces glucides peuvent être transportés par deux systèmes de transport, le système PTS-dépendant et PTS-indépendant.

Tableau 2. Systèmes de transport des glucides chez Staphylococcus xylosus et Staphylococcus carnosus. Adapté de Götz et al. (2006) et Rosenstein et al.(2009). « + »

transporteur présent, « - » transporteur non présent, « N.D » non déterminé. * : principaux sucres ajoutés dans la viande.

S. xylosus S. carnosus

Sucres PTS Non PTS PTS Non PTS

Glucose* + + + + Galactose - + N.D N.D Fructose + N.D N.D N.D Mannitol + N.D + N.D Mannose + N.D N.D N.D Tréhalose + N.D + N.D Lactose* - + + + Maltose + N.D - - Saccharose* + N.D - - Xylose - + - - Ribose - + N.D + Arabinose - + - -

Le premier système est appelé PTS pour « phosphotransferase system ». Il est formé d’un complexe enzymatique constitué de 5 enzymes (EI, HPr, EIIA, EIIB et EIIC) qui permettent d’assurer la translocation membranaire et la phosphorylation des sucres (Brückner and Rosenstein 2006). Dans ce système, le phosphoénolpyruvate (PEP) est le donneur initial du groupement phosphate. Ce groupement phosphate est ensuite transféré en cascade, de l’enzyme EI à HPr puis à EIIA et à EIIB jusqu’au glucide, qui a été transloqué dans la cellule par l’intermédiaire de la perméase EIIC (Brückner & Rosenstein, 2006). Les enzymes EI et HPr sont des protéines cytoplasmiques solubles considérées comme les enzymes générales de ce système. Chez S. xylosus et S. carnosus, les gènes codant les protéines EI et HPr, ptsI et ptsH sont co-localisés (Eisermann et al. 1991, Jankovic et al. 2001, Kuroda et al. 2001, Zhang et al. 2003). Contrairement à EI et HPr, le complexe EII, composé de trois domaines protéiques, EIIA, EIIB, EIIC, et parfois d’un domaine EIID, est spécifique à un ou plusieurs substrats carbonés. Les domaines protéiques EIIA et EIIB sont deux domaines membranaires périphériques et hydrophiles de taille identique qui jouent un rôle de phosphotransférase. EIIC est le domaine transmembranaire qui catalyse le transport du sucre à travers la membrane. Le domaine EIID est un homologue du domaine EIIC (Brückner and Rosenstein 2006). Concernant le système PTS spécifique du glucose chez S. carnosus, deux gènes positionnés en tandem, glcA et glcB, ont été caractérisés (Christiansen and Hengstenberg 1999). Les protéines GlcA (IIA) GlcB (IIB) partagent 67% d’identité entre elles (Rosenstein et al. 2009). Elles utilisent le glucose comme substrat majoritaire, mais d’autres glucosides peuvent être assimilés par ces perméases (Christiansen and Hengstenberg 1999). Chez S. carnosus, le gène glcT est en amont de glcA. Chez cette espèce, une étude de l’activité de la protéine GlcT a montré qu’elle pouvait provoquer une anti-terminaison (Knezevic et al. 2000). Dans le génome de S. xylosus, deux gènes codant des perméases glucose spécifiques, le gène ptsG codant EIICBA et le gène SXYL_00253 codant EIIBC sont présents mais ils ne sont pas organisés en tandem (LN554884).

Le deuxième système est le système PTS-indépendant. Chez S. xylosus et S. carnosus, les gènes glcU et glkA ont été identifiés, permettant l’assimilation du glucose. Le glucose est transporté à travers la membrane par la perméase GlcU puis phosphorylé par la kinase GlkA (Wagner et al. 1995, Fiegler et al. 1999). Chez S. xylosus et S. carnosus le gène gdh codant une glucose déshydrogénase est en aval de glcU (Fiegler et al. 1999). L’enzyme Gdh permet la formation de gluconate à partir de glucose et est exprimée avec GlcU. Cette

co-expression laisse supposer que les bactéries utilisent deux voies métaboliques en parallèle pour produire de l’énergie à partir du glucose (Fiegler et al. 1999).

Le glucose peut être transporté par les deux systèmes chez S. xylosus et S. carnosus (Jankovic and Brückner 2002, Rosenstein et al. 2009). L’entrée du glucose dans la cellule dépend de sa concentration dans le milieu extracellulaire (Götz et al. 2006). La perméase GlcU est fonctionnelle quand il y a une forte concentration de glucose tandis que le système PTS spécifique du glucose le transporte préférentiellement quand il est en faible concentration dans le milieu extracellulaire (Götz et al. 2006). En matrice carnée, l’entrée du glucose se fait via le système PTS-indépendant chez S. xylosus C2a (Vermassen et al. 2016a).

Chez S. xylosus, quatre gènes scr permettent l’utilisation du saccharose (Brückner et al. 1993). Le gène scrA code une saccharose perméase composée des domaines EIIBC du système PTS. Une fois le saccharose-6-phosphate internalisé, il est clivé par une saccharose phosphate hydrolase (sucrase) codée par le gène scrB, donnant ainsi du glucose-6-phosphate et du fructose (Brückner et al. 1993). Le fructose est ensuite phosphorylé par une fructokinase codée par scrK (Jankovic and Brückner 2007). Les gènes scrB et scrK sont co-localisés et organisés en opéron. Le gène scrA est indépendant (Jankovic and Brückner 2007). L’expression des deux gènes scrA et scrB est induite par la concentration de saccharose présente dans le milieu. Cette régulation est sous la dépendance d’un répresseur codé par le gène scrR, localisé en amont du gène scrB (Gering and Brückner 1996). Chez S. carnosus, le saccharose n’est pas utilisé, cette espèce ne possède pas les gènes codant la voie d’utilisation de ce glucide (Rosenstein et al. 2009).

Chez S. xylosus, le lactose est assimilé, non phosphorylé, par une lactose perméase qui transporte les galactosides et les pentoses (Poolman et al. 1996). Le système comprend deux gènes lacP et lacH qui codent respectivement une lactose perméase et une β-galactosidase qui hydrolyse le lactose en glucose et galactose. Un gène régulateur lacR est positionné en amont de l’opéron et orienté de façon opposée à l’opéron lacPH (Bassias and Brückner 1998). Le transport du lactose est unique chez S. carnosus comparé aux autres staphylocoques, puisque il existe à la fois un système PTS-dépendant et PTS-indépendant (lactose permease) (Rosenstein et al. 2009).

1.2) Le catabolisme

Les deux principales voies de catabolisme du glucose chez les staphylocoques sont la voie d’Embden Meyeroff Parnas (EMP) ou glycolyse et celle des pentoses phosphates (PP) (Brückner and Rosenstein 2006). Cependant, dans des conditions de croissance en milieu complexe, environ 85% du glucose est catabolisé par la voie EMP. Le principal produit issu du métabolisme anaérobie du glucose est le lactate, bien que faiblement produit chez S. xylosus (Figure 2) (Brückner and Rosenstein 2006). L’acétate et le CO2 sont les principaux produits issus du métabolisme aérobie du glucose. Les staphylocoques ont la capacité à s’adapter aux conditions d’oxygénation via la voie EMP, PP, du cycle de Krebs et leur chaine respiratoire. La disponibilité des substrats carbonés dans le milieu environnant, conduit à un processus régulateur appelé répression catabolique du carbone (Götz et al. 2006). Ceci se traduit par la répression de gènes ou opérons permettant l’utilisation de source carbonée alternative. Chez les staphylocoques, la répression catabolique du glucose est assurée par un régulateur transcriptionnel CcpA (Brückner and Rosenstein 2006).

Chez S. xylosus, le saccharose est hydrolysé en fructose et en glucose-6-phosphate qui vont rejoindre la glycolyse (Brückner and Rosenstein 2006). Sous l’action d’une β-galactosidase (codée par lacH), le lactose est hydrolysé en galactose et en glucose qui va entrer dans la glycolyse. Le galactose est dégradé selon la voie de Leloir (Götz et al. 2006). Chez S. carnosus, le lactose peut être catabolisé selon deux voies, la voie de Leloir et celle du Tagatose 6-P (Rosenstein et al. 2009).

Le pyruvate généré par les diverses voies peut être catabolisé par les staphylocoques en composés volatils comme l’acétoïne, le diacétyle et l’acétaldehyde qui sont associés à des arômes de beurre et de produits laitiers (Sánchez Mainar et al. 2016). Cette production est très faible voire absente chez S. xylosus (Kloos and Schleifer 1986) mais possible chez S. carnosus (Schleifer and Fischer 1982).

En matrice carnée, S. xylosus consomme simultanément le glucose ajouté et le lactate présent qui sont métabolisés par la voie EMP et la voie PP (Figure 2) (Vermassen et al. 2016a). Le lactate (importé par une lactate perméase) est catabolisé en pyruvate par une lactate-quinone oxydoréductase. L’acétyl-CoA généré par la dégradation du glucose et du lactate peut alimenter le cycle de Krebs et une partie est catabolisée en acétate qui est excrété dans la matrice. Ce composé ayant un arôme de vinaigre peut contribuer à la flaveur des produits

carnés. Les gènes codant une ATP synthase sont surexprimés conduisant à une alimentation énergétique nécessaire à S. xylosus (Vermassen et al. 2016a).

Figure 2. Le catabolisme du glucose et du lactate en matrice carnée chez Staphylococcus xylosus. En vert sont indiqués les gènes surexprimés. D’après Vermassen

et al. (2016a)