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D) L’ADAPTATION AU STRESS

2) Le stress osmotique

L’osmotolérance est une des caractéristiques des staphylocoques (Kuroda et al. 2005). S. carnosus et S. xylosus sont équipés pour répondre à la présence de sel dans les produits carnés.

La réponse de S. xylosus à la présence de NaCl a été étudiée dans une mêlée de viande (Vermassen et al. 2016a). Il répond en sous exprimant le gène mscL qui code un canal mécanosensible qui prévient l’efflux de soluté. Il met également en jeu différents mécanismes d’accumulation d’osmoprotectants et d’excrétion de Na+. Ainsi, S. xylosus surexprime deux systèmes de transport et de synthèse de la glycine bétaïne, un osmoprotectant majeur. Le cluster opuC(ABCD) code un transporteur bétaïne/carnitine/choline de type ABC qui permettrait le transport de la carnitine présente dans la viande et le gène lcdH code la L-carnitine déshydrogénase qui catabolise la L-carnitine en glycine bétaïne. Les gènes cudT et cudA codent des enzymes impliqués dans l’acquisition de la choline et sa déshydrogénation en glycine bétaïne. En parallèle, deux clusters mnh codant des systèmes antiporteurs Na+/H+ sont surexprimés par S. xylosus dans le modèle viande (Figure 7) (Vermassen et al. 2016a).

S. carnosus possède 9 systèmes liés à l’osmoprotection : 4 sont impliqués dans le transport de la proline dont deux sont aussi responsables du transport de la glycine bétaïne (Rosenstein et al. 2009). Les autres transporteurs incluent trois transporteurs OpuD similaires à des transporteurs de glycine bétaïne, un transporteur complexe pour la glycine bétaïne/carnitine/choline et un système de déshydrogénation de la choline (Rosenstein et al. 2009).

Figure 7. Principaux gènes exprimés par S. xylosus en réponse à un stress nitrosant/oxydant et à un stress osmotique en matrice carnée. D’après Vermassen et al.

- CHAPITRE 3 - DEVELOPPEMENT DE LA COULEUR

ET ROLE DES STAPHYLOCOQUES

Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, les staphylocoques utilisés comme ferments ont de nombreuses propriétés fonctionnelles mais leur principale fonction dans les produits carnés est leur rôle dans le développement de la couleur typique de ces produits où il est d’usage de rajouter du nitrate ou du nitrite.

L’utilisation du nitrate et du nitrite en agro-alimentaire est appelée « curing », un terme qui signifie traiter ou restaurer. Dès le début du 19ème siècle les propriétés du salpêtre (ou KNO3) sont reconnues pour améliorer la préservation et assurer une couleur adéquate aux produits carnés. Fin du 19ème siècle, Polenske (1891) a montré que le nitrate pouvait être réduit en nitrite sous l’action de microorganismes. Quelques années après, Lehmann (1899) et Kisskalt (1899) ont montré que seul le nitrite était responsable de la couleur rouge et stable de la viande. Puis, au début du 20ème siècle, Hoagland (1910) a montré que l’acide nitreux (HNO2) ou un métabolite comme le monoxyde d’azote (NO) était responsable de la formation de la couleur rouge. Depuis, le nitrate et le nitrite sont couramment ajoutés comme additifs dans le processus de fabrication de nombreux produits carnés.

Le nitrite est un composé toxique à forte dose, la toxicité du nitrate étant due à sa réduction en nitrite. Pour un homme de 70 kg, la dose orale létale moyenne est établie à 30 g de nitrate et 10 g de nitrite (Honikel 2008). De ce fait, leur addition est strictement réglementée. D’après les directives de 2006 (2006/52/EC) et de 2011 (N°1129 du 11 novembre 2011), l’ajout de 100 à 150 mg de nitrite par kg est autorisé pour les viandes transformées traitées thermiquement et de 150 mg de nitrite plus 150 mg de nitrate par kg pour celles non traitées thermiquement. Cependant, la quantité résiduelle de nitrite et/ou de nitrate dans du saucisson ou du jambon cuit est inférieure à 20 mg/kg.

La dégradation du nitrate et du nitrite dans les produits carnés est le résultat des activités enzymatiques des staphylocoques mais aussi de nombreuses réactions chimiques en interaction notamment avec les pigments de la viande. Ces réactions enzymatiques et chimiques dépendent du pH, de la concentration en pigment, du potentiel redox et de la température (Chasco et al. 1996).

A) LA MYOGLOBINE ET SES DIFFERENTES FORMES

La myoglobine est une protéine globulaire qui assure le stockage de l’oxygène dans le muscle (Ordway and Garry 2004). Cette protéine est formée d’une seule chaine polypeptidique de 153 acides aminés à laquelle est liée une molécule d’hème, qui contient un atome de fer en son centre (Pegg and Honikel 2015).

La myoglobine existe dans la viande sous trois formes en fonction de l’état d’oxydo-réduction du fer (ferrique Fe3+ ou ferreux Fe2+) et de l’oxygénation (Honikel 2008). Lorsque le fer de l’hème est à l’état ferreux et en absence d’oxygène, la myoglobine est présente sous la forme réduite de déoxy-myoglobine (MbFe2+) de couleur pourpre (Figure 8A). En présence d’oxygène, le fer ferreux se lie à l’oxygène et la déoxy-myoglobine passe à la forme oxymyoglobine (MbFe2+O2), de couleur rouge (Figure 8A). Cependant, l’oxygène et d’autres agents oxydants comme les nitrites peuvent oxyder le fer ferreux en fer ferrique (Honikel 2008). Dans ce cas on assiste au passage de l’oxymyoglobine vers la metmyoglobine (MetMbFe3+) de couleur marron (Figure 8A). Les trois formes : MbFe2+, MbFe2+O2 et MetMbFe3+ existent de façon concomitante dans la viande (Honikel 2008). Dans un muscle ante-mortem, la forme metmyoglobine est très peu présente, mais son niveau augmente post-mortem due à la disparition d’oxygène (Honikel 2008). Chacune de ces trois formes présente un spectre d’absorbance caractéristique entre 400 et 700 nm (Figure 8B).

Le NO provenant de la réduction du nitrate et du nitrite est aussi capable d’interagir avec le fer ferreux de l’hème de la déoxy-myoglobine pour former la nitrosomyoglobine (MbFe2+NO), un pigment de couleur rouge et stable, typique des produits de salaison (Figure 8B) (Sebranek and Bacus 2007, Honikel 2008). La nitrosomyoglobine a un spectre d’absorbance dont les maximums d’absorption chevauchent ceux de l’oxymyoglobine (Gøtterup et al. 2007).

Figure 8. Les différentes formes de la myoglobine. A) Influence de l’état d’oxydo-réduction du fer de l’hème et de l’oxygénation sur les différentes formes de la myoglobine B) Spectres des différentes formes de la myoglobine. Mb : déoxy-myoglobine, MbO2 : oxymyoglobine, MetMb : metmyoglobine, MbNO : nitrosomyoglobine. Honikel (2008).