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Les garanties requises du consentement de toute personne

Section 2 : Le rôle restreint accordé au consentement par la permission de la loi

B) Les garanties requises du consentement de toute personne

Les garanties requises du consentement sont au nombre de deux et indissociables. Le consentement de la personne susceptible de subir une atteinte à son intégrité doit être libre (1) et éclairé (2), l’un ne pouvant aller sans l’autre.

1) Un consentement libre

Cette liberté est garantie par l’antériorité ou concomitance du consentement à l’acte pour lequel il est donné. Parfois les textes ne reprennent pas expressément cette exigence mais dans la plupart des cas, elle est évidente. En matière d’interruption de grossesse par exemple, la femme doit confirmer sa demande avant que le praticien n’effectue l’intervention. Il en résulte que la confirmation ne peut être qu’antérieure à cette dernière. La postériorité du consentement à l’intervention ne satisfait donc pas les conditions légales de la permission de la loi et justifiera au contraire l’application du droit pénal. Ce caractère induit la liberté du consentement, car comment concevoir un consentement libre lorsqu’il est donné par la personne après avoir subi une atteinte à son intégrité ? Cette garantie est insuffisante à s’assurer de la liberté du consentement, encore faut-il que la personne ait en main toutes les informations nécessaires.

133 D. Thouvenin, « La loi relative à la bioéthique ou comment accroître l’accès aux éléments biologiques

d’origine humaine », D.2005. 172. Contra A. Terrasson de Fougères, « Que votre oui soit oui : plaidoyer pour un registre des acceptations de prélèvement d’organes », RD sanit. soc. 2000. 339. Cette auteure propose un registre inverse de celui existant pour les refus, qui permettrait de s’assurer de la volonté expresse d’accepter un prélèvement d’organes, et non de se contenter d’un consentement implicite.

134 La permission de la loi va neutraliser l’incrimination prévue à l’article 225-17 alinéa 1er du Code pénal,

« toute atteinte à l’intégrité du cadavre, par quelque moyen que ce soit, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende ».

29 2) Un consentement éclairé

L’expression d’une volonté positive éclairée se déduit de l’information que doit recevoir la personne sur l’intervention, du délai de réflexion parfois imposé par le législateur, de la libre révocabilité du consentement, et enfin d’un certain formalisme qui va interpeller la personne sur la gravité de l’acte auquel elle s’apprête à consentir. L’information par les professionnels de santé est obligatoire pour les actes médicaux généraux135, en matière de prélèvements136, d’expérimentations humaines137

, en matière d’interruption de grossesse138 et de stérilisation139. Un délai de réflexion est prévu pour l’interruption de grossesse140, pour la stérilisation141 et pour la chirurgie esthétique142. Le consentement est librement révocable en matière de recherches biomédicales143, de prélèvements144 et pour les actes médicaux généraux145.

Enfin, une tendance nette du législateur est à la généralisation du consentement écrit même si par principe, il n’est pas soumis à un formalisme. C’est le cas pour une interruption volontaire de grossesse146, pour les recherches biomédicales147, pour le prélèvement de tissus148 et pour la stérilisation149. En pratique, l’exigence d’un écrit va faciliter la preuve de l’existence ou non du consentement. Pour le prélèvement d’organes150 et de cellules issues de la moelle osseuse151, le consentement est exprimé devant un magistrat afin d’attirer l’attention de la personne sur la gravité qu’un tel prélèvement implique, et afin que le magistrat vérifie que le

135 Article L. 1111-2 du Code de la santé publique.

,136 Articles L. 1231-1 alinéa 3 (prélèvement d’organes), L. 1241-1 alinéa 2 (prélèvements de tissus et cellules), et L. 1241-1 alinéa 3 (prélèvement de cellules hématopoïétiques issues de la moelle osseuse) du Code de la santé publique.

137 Détaillée à l’article L. 1122-1 du Code de la santé publique.

138 Articles L. 2212-3 du Code de la santé publique, L. 2212-4 et R. 2212-12 et suivants du même Code :

information « dès la première visite », avec remise d’un dossier-guide par le médecin. Procédure d’information qui aurait un effet dissuasif « assez mince », V. A. Lepage et P. Maistre du Chambon, art. préc. n°32.

139 Articles L. 2123-1 et L. 2123-2 du Code de la santé publique. 140

Article L. 2123-1 alinéa 4 du Code de la santé publique : délai de réflexion de 4 mois.

141

Article L. 2212-5 du Code de la santé publique : la confirmation de la demande d’interruption de grossesse par la femme ne peut être acceptée avant le délai d’une semaine à partir de la première demande et ne peut intervenir qu’à l’expiration de deux jours après la consultation destinée à prodiguer une assistance et des conseils.

142 Article D. 6322-30 du Code de la santé publique : délai de réflexion de 15 jours. 143 Article L. 1122-1 alinéa 2 du Code de la santé publique.

144 Articles L.1231-1 alinéa 3 (prélèvement d’organes), L. 1241-1 alinéa 2 (prélèvement de tissus et de cellules),

et L. 1241-1 alinéa 3 (prélèvement de cellules issues de la moelle osseuse) du Code de la santé publique: « le consentement est révocable sans forme et à tout moment ».

145 Article L. 1111-4 alinéa 3 du Code de la santé publique : « le consentement peut être retiré à tout moment ». 146 Article L. 2212-5 du Code de la santé publique. C’est une confirmation de la demande, et non un

consentement.

147

Article L.1122-1-1 alinéa 2 du Code de la santé publique.

148 Article L. 1241-1 alinéa 2 du Code de la santé publique. 149 Article L. 2123-1 alinéa 4 du Code de la santé publique. 150

Article L. 1231-1 alinéa 3 du Code de la santé publique.

30 consentement est libre et éclairé. Ce formalisme va de pair avec la gravité des atteintes à l’intégrité en cause.

L’ensemble de ces dispositions protège les professionnels de la médecine contre d’éventuelles poursuites, mais est davantage motivé par la protection du patient.

Il apparaît des développements précédents que le consentement n’a d’effet qu’en raison de la permission de la loi et que, dans la mesure où de nombreuses autres conditions accompagnent celle du recueil ou expression du consentement, leur nombre va directement conditionner la portée reconnue à la manifestation de la volonté individuelle152. Cela confirme la règle de l’indifférence du consentement de la victime, les manifestations de volonté à elles seules n’ayant aucune place dans la protection pénale du corps humain. L’existence d’un texte préalable pour que la volonté exprimée ait un rôle se confirme, alors même que peut être évoquée une revalorisation de la volonté exprimée.

Chapitre 2 : La revalorisation de la volonté dévoilée en droit pénal