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Les flavivirus neurotropes à risque d’émergence en Europe

1. INTRODUCTION

1.2. Contexte épidémiologique actuel des flavivirus neurotropes en médecine vétérinaire

1.2.2. Les flavivirus neurotropes

1.2.2.1. Vecteurs moustiques (Culex)

1.2.2.1.2. Les flavivirus neurotropes à risque d’émergence en Europe

Le Virus de l’Encéphalite japonaise (JEV)

a) L’épidémiologie

Le JEV est un flavivirus transmis par les moustiques, responsable d’encéphalites, principalement chez les humains, les chevaux, les bovins et de troubles de la reproduction chez le porc. Son aire de répartition centrée sur l’Asie du Sud Est, le Japon et l’Indonésie, s’étend jusqu’au Nord de l’Australie (suite à une introduction du génotype II en 1995-1998 et du génotype I en 2000 (cf. partie c phylogénie)) [78, 79] et dans la région de Vladivostok en Russie (figure 9).

Figure 9 : Distribution du JEV en Asie (2016).

Les pays pour lesquels des cas chez l’homme ou le cheval ont été enregistrés, ou pour lesquels le virus a été identifié chez les animaux réservoirs (oiseaux marins, porcs) ou chez les vecteurs (moustiques) sont colorés en orange.

b) Le cycle de transmission

Cette maladie est présente en zone rurale, principalement dans les rizières où les moustiques vecteurs Culex tritaeniorhynchus prolifèrent et sont en contact avec les oiseaux aquatiques

© d -m a p s .c o m 3000 km (equat.) 2000 mi (equat.) E-2014 E-2010-2014 E-2013 E-2010/2013 V-2010 E-2010 V-2010

Foyers d’encéphalite exotique = EEE ou EEV (pas de foyer récent pour EEO)

V-2014 V-2010-2013 V-2010 E-2013 V-2011 JEV

42 migrateurs (hérons, aigrettes …) qui constituent le réservoir du virus. Fréquemment les moustiques vecteurs (Culex et Aedes spp) piquent des mammifères dont les porcs, les hommes et les équidés. Les porcs ont une virémie relativement longue (de 2 à 4 jours) et forte et constituent le principal hôte amplificateur du virus [80] alors que les hommes et les équidés ne présentent pas de virémie suffisante pour transmettre le virus à de nouveaux moustiques et sont des culs-de-sac épidémiologiques (figure 10).

Figure 10 : cycle de transmission du JEV [81]

Des études récentes ont démontré que des porcs infectés pouvaient transmettre le virus à d’autres porcs non infectés par contact oro-nasal direct en absence de vectorisation par un moustique [82]. On peut distinguer en Asie du Sud-Est trois régions différentes d’un point de vue épidémiologique pour le JEV avec 1/ une région endémique (sud de l’Inde, Thaïlande, Vietnam) où les moustiques piquent en priorité les oiseaux et les porcs avec de rares cas humains symptomatiques, 2/ une région intermédiaire subtropicale (nord de l’Inde, Népal, nord de la Thaïlande et sud de la Chine) où des infections humaines sont peu nombreuses avec un pic de cas entre avril et octobre et enfin 3/ une région tempérée épidémique (nord de la Chine, Japon, Corée, Taïwan et sud de la Russie ) où les cas humains sont inconstants et saisonniers avec des épidémies pouvant être sévères en été et en automne [83].

c) La phylogénie

Un seul sérotype du JEV a été identifié mais les études phylogénétiques permettent de distinguer 5 génotypes (nommés I à V).

43 La plupart des virus de génotype I ont été isolés au nord de la Thaïlande, en Corée, au Cambodge, en Chine, au Japon et au nord de l’Australie. Le génotype II a été mis en évidence au sud de la Thaïlande, en Malaisie, en Indonésie et au nord de l’Australie. Le génotype III a été identifié dans des zones tempérées comme le Japon, la Chine, mais aussi à Taïwan, aux Philippines, en Inde et au Sri Lanka. Le génotype IV a, quant à lui, été trouvé en Indonésie et le génotype V en Malaisie, en Corée et en Chine [83, 84]. Il est vraisemblable que les 5 génotypes de JEV ont émergé dans les régions de Malaisie-Indonésie, parce que tous les génotypes, incluant les génotypes les plus rares et divergents (c.à.d. génotypes IV et V), ont été isolés dans cette région (figure 11).

Figure 11: Représentation de la répartition des différents génotypes de JEV en Asie

Visualisation par des cercles de différentes zones (A, B, C, D, E et F) en fonction des génotypes qui circulent [83]

Les génotypes I et III sont associés aux formes épidémiques, alors que les génotypes II, IV et V sont associés aux formes endémiques. Actuellement, de nombreuses études montrent que le génotype I tend à supplanter le génotype III dans les régions où les 2 génotypes sont présents [85] et on assiste à une émergence du génotype I en Inde [86].

De manière préoccupante, une séquence génomique partielle de JEV (167nt) proche de souches de génotype III a été détectée sur un pool de moustiques Culex pipiens au nord-est de l’Italie en 2010 et antérieurement sur des oiseaux morts en Toscane entre 1997 et 2000 [87, 88]. Une des hypothèses

44 avancée dans l’article de Platonov [87] est une introduction sporadique du virus en Italie via les oiseaux migrateurs originaires des régions endémiques à JEV.

d) Les symptômes cliniques

Chez l’homme, l’infection par le JEV est le plus souvent asymptomatique. Les infections symptomatiques représentent entre 0,1 et 4% des infections [89]. Les enfants paient le plus lourd tribut à cette infection cérébrale qui provoque environ 20 000 décès par an. On estime en effet qu'environ 70% des cas symptomatiques surviennent chez des jeunes de moins de dix ans. La période d’incubation dure de 5 à 15 jours. Chez les enfants, les premiers signes sont souvent digestifs avec anorexie, nausées, douleurs abdominales aiguës, vomissements ou diarrhée. Au final, 25% des encéphalites sont mortelles et 30% des malades ayant eu une encéphalite à JEV gardent des séquelles neurologiques sévères avec des déficits graves tels que perte de mémoire, troubles du comportement, convulsions, déficits moteurs ou paralysies, troubles de la coordination [83].

Chez le cheval, le JEV provoque également des encéphalites. La période d’incubation est environ de 21 jours. Les symptômes, très proches de ceux du WNV, consistent en un abattement, une perte d’appétit, de la fièvre et une atteinte du système nerveux central avec des troubles du comportement (hypersensibilité de la tête et du cou, parfois agressivité ou photophobie), une paralysie des nerfs crâniens (dysphagie, ptose des paupières), une incoordination des quatre membres ou une ataxie limitée aux postérieurs. Les symptômes peuvent évoluer jusqu’à l’inconscience et la mort de l’animal [90].

Chez les bovins, les signes cliniques sont de la fièvre, une perte d’appétit, associés à un grincement des dents, tourner en rond, convulsion, rigidité des membres, inconscience et généralement mort quelques jours après le début des symptômes.

Les porcs ont un rôle d’amplificateurs du virus. Les porcs infectés ne présentent généralement pas de signes cliniques, hormis des épisodes d’avortements ou de mortinatalité.

Le virus de l’Encéphalite de Saint Louis (SLEV)

a) La phylogénie

Le SLEV a été identifié uniquement en Amérique. Ce virus appartient au sérocomplexe de l’encéphalite japonaise et peut être divisé en 7 lignées (I à VII) en fonction de l’origine géographique des souches. Les lignées I et II circulent principalement en Amérique du Nord alors que les lignées III à VII se répartissent en Amérique centrale et du Sud [91, 92]. L’analyse de l’arbre phylogénétique

45 permet de suggérer que les lignées d’Amérique du Sud sont antérieures à celle d’Amérique du Nord avec de multiples introductions de SLEV du sud vers le nord.

La diversité génétique des souches est faible pour le SLEV (10% maximum de divergence nucléotidique pour l’ensemble des lignées) comparée à celle du WNV (jusqu’à 22% de divergences entre les lignées 1 à 5) [93] et peut s’expliquer par le fait que le SLEV, cantonné « au Nouveau Monde », a subi moins de pressions de sélection que le WNV [92].

b) L’épidémiologie

Les cycles de transmission lors des épizooties ou épidémies de SLEV impliquent des moustiques du genre Culex comme vecteurs et principalement des oiseaux passériformes et colombiformes comme réservoir.

Entre 1999 et 2007, 188 cas humains avec forme neuro-invasive ont été attribués au SLEV aux Etats-Unis. L’incidence moyenne du SLEV a tendance à diminuer aux USA avec trois fois moins de cas sur la période 1999-2007 par rapport aux années antérieures 1990-1998 [94]. Cette baisse du nombre de cas peut s’expliquer par le caractère sporadique des épidémies à SLEV ou à l’introduction du WNV aux USA qui aurait conféré une immunité croisée des oiseaux vis-à-vis du SLEV. Les raisons de la baisse incidence du SLEV ces dernières années ne sont cependant pas encore complètement connues.

c) Les symptômes cliniques

Comme pour le WNV, les infections à SLEV chez les humains sont le plus souvent asymptomatiques. Lors d’infection symptomatique, les personnes infectées présentent le plus souvent des symptômes pseudo grippaux. Les cas cliniques sévères sont caractérisés par de la fièvre, maux de tête et perte de la conscience, symptômes dus à une encéphalite ou méningoencéphalite qui touche plutôt les personnes âgées. Dans les cas les plus sévères, le taux de létalité peut atteindre 30% et des lésions du système nerveux central (SNC) peuvent être observées.

La description des signes cliniques chez le cheval est peu documentée. Il est seulement admis que le SLEV peut être responsable d’encéphalite équine [95].

Le virus de Murray Valley (MVEV)

46 Le MVEV est localisé uniquement en Australie, Papouasie-Nouvelle-Guinée et Nouvelle-Guinée occidentale. On distingue quatre génotypes (G1-G4), dont seuls les génotypes G1 et G2 circulent activement. G1 est le génotype le plus souvent isolé avec 2 sous lignées G1a et G1b [96]. Les virus du génotype G2 sont uniquement isolés dans la région Nord-Est de Kimberley située au Nord-Ouest de l’Australie. Les génotypes G3 et G4 correspondent respectivement à des isolats de Papouasie-Nouvelle-Guinée isolés à partir de cas humains en 1956 ou de moustiques en 1966 [97].

b) L’épidémiologie

Le MVEV est amplifié selon un cycle entre les moustiques du genre Culex et les oiseaux marins. Le MVEV est endémique dans le nord de l’Australie et des flambées de MVEV peuvent avoir lieu sporadiquement dans le sud-est de l’île, comme en 1951, 1956, 1974 et 2011. En 1974, 58 cas

d'encéphalite chez les humains ont été recensés avec un taux de létalité avoisinant les 20%. En

2011, à nouveau 13 cas humains, dont 3 cas mortels, et des cas neurologiques chez des chevaux ont été notifiés témoignant de l'importance de cette maladie en dépit de la rareté des épisodes épidémiques [98].

c) Les symptômes cliniques

Chez l’homme, il est estimé que 1/150 à 1/1000 des infections sont responsables de symptômes cliniques comprenant de la fièvre, des maux de tête, nausées, vomissements, diarrhées et symptômes nerveux qui ne peuvent être différenciés des autres flavivirus à tropisme nerveux [98]. Chez le cheval, on observe de l’ataxie, un déficit proprioceptif des membres antérieurs et une encéphalite non suppurée mais la symptomatologie de l’infection reste peu décrite [99, 100].