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1. INTRODUCTION

1.4. Aspects virologiques et cliniques des flavivirus : exemple du WNV

1.4.3. Réponse antivirale de l’hôte vertébré : illustration avec le WNV

1.4.3.1. L’immunité innée intrinsèque à la cellule

Cette défense implique la production d’interféron (IFN), cytokine clé de la régulation de la réponse immunitaire innée. Les IFN sont des cytokines immuno-modulatrices produites en réponse à l’infection virale.

Les IFN de type-I comprennent les IFN-α, IFN-β, IFN-ε, IFN-ω et reconnaissent un récepteur commun à la surface cellulaire, le récepteur à l’IFN α/β (IFNAR) [184] constitué d’un hétérodimère de deux sous-unités IFNAR1 et IFNAR2. Les IFN-α/ β sont les mieux caractérisés et sont produits par la plupart des types cellulaires.

L’IFN de type II (IFN-γ ou gamma) a comme récepteur le récepteur à l’IFN gamma. Il est produit par des cellules spécialisées de la réponse immunitaire innée (natural killer (NK) et les lymphocytes T γ/δ intra-épithéliaux) et une fois la réponse adaptative installée, par les lymphocytes T CD8+ et par les lymphocytes T CD4+ Th1. C’est un activateur important des macrophages et il induit l’expression du CMH II à la surface des cellules présentatrices d’antigènes, favorisant la présentation des antigènes

71 viraux captés par phagocytose ou pinocytose. Il joue un rôle dans le contrôle précoce de la dissémination du WNV [185].

L’IFN type III (IFN-λ ou lambda) cible un récepteur hétérodimérique différent des IFN type I et II et qui est restreint aux cellules d’origine épithéliales. Néanmoins si les récepteurs sont différents entre les IFN type I et III, ils activent chez une large variété de cellules cibles la même cascade de signalisation conduisant à un état antiviral [186].

1.4.3.1.1. Principes généraux de la stimulation et régulation de la voie IFN type I

L’induction de la réponse IFN de type I par les virus, dont le WNV, démarre après la reconnaissance par la cellule d’un signal de danger. De nombreux récepteurs connus sous le nom de PRR (Pathogen

recognition receptor) comprenant entre autre les Toll-Like receptors (TLRs) mais aussi le Retinoic acide inducible gene 1 protein (RIG1) et le Melanoma-differentiation associated gene 5 (MDA5) sont

impliqués dans l’identification de signaux générés lors de l’invasion d’un pathogène ou lors de stress cellulaire. Les PRR les plus étudiés sont les TLR.

1.4.3.1.1.1. Récepteurs cellulaires TLR et RLR et synthèse des IFN de type I

Les TLR sont constitués de 11 glycoprotéines transmembranaires, homologues des récepteurs Toll identifiés chez la drosophile, qui sont présentes à la surface externe des cellules ou sur les membranes internes comme les endosomes [187] ou les lysosomes. Chaque TLR possède un domaine reconnaissant les motifs spécifiques des pathogènes et un domaine cytoplasmique (TIR) activant la voie de signalisation. Les TLR reconnaissent une large variété de ligands incluant les peptidoglycanes bactériens (TLR1, 2 et 6), l’ARN double brin (TLR3), l’ADN (TLR9), l’ARN simple brin (TLR7 et 8) ou le lipopolysaccharide (TLR4) [188]. Trois membres de cette famille (TLR 3, 7 et 8) sont donc impliqués dans la reconnaissance des ARN viraux. Il a d’ailleurs été démontré que TLR 3 et 7 sont primordiaux pour la détection du WNV conduisant entre autre à la production d’IFN et à la protection cellulaire contre l’infection [189, 190].

Quand le TLR rencontre un ligand, son domaine TIR intracellulaire active des protéines telles que MyD88 (Myeloid differentiation factor 88) ou TRIF (TIR containing adaptator inducing IFN β) qui vont elles-mêmes activer des facteurs de transcription comme NF-kB, des facteurs de régulation de l’IFN (IRF) comme l’IRF3 et entraîner la production de molécules pro-inflammatoires et d’IFN type I (INF-α, IFN-β, INF-ε, INF-ω)[191] (figure 23).

72 Un groupe de récepteurs identifié plus récemment peut entraîner la synthèse des IFN de type I, en particulier en réponse à une infection par un virus à ARN, il s’agit des récepteurs de la famille

RIG1-like receptor (RLR). Ce groupe est constitué de 3 membres, RIG1, MDA5 et le Laboratory of Genetics and Physiology protein 2 (LGP2), tous localisés dans le cytoplasme. RIG1 et MDA5 reconnaissent des

ARNdb différents [192]. RIG1 reconnaît préférentiellement des ARNdb avec un 5’ triphosphate [193]. MDA5 semble plus spécifique des fragments d’ARN de haut poids moléculaire. LGP2 enfin n’est pas capable d’induire la cascade produisant les IFN de type I mais semble être un régulateur de RIG1 et MDA5. Ces deux récepteurs sont aussi impliqués dans la détection du WNV et la mise en place rapide de l’immunité innée cellulaire [194].

TLRs et RLRs activent des voies de signalisation qui conduisent à l’activation des facteurs de transcription IRF3 /IRF7 et NF-kB conduisant à la synthèse des IFN (figure 23).

1.4.3.1.1.2. Amplification de la réponse IFN de type I

Le potentiel de ces cytokines comme antiviral à large spectre a été rapidement suspecté après leur découverte en 1957 et ces molécules ont depuis lors été largement utilisées pour le traitement des maladies infectieuses virales [195, 196]. Ils sont responsables de l’induction d’un ensemble de gènes acteurs de la réponse antivirale cellulaire : les ISG (Interferon Stimulated Genes).

Suite à l’activation des récepteurs IFNAR par l’IFN de type I, deux kinases JAK1 et Tyk2 associées aux domaines cytoplasmiques des récepteurs IFNAR sont phosphorylées et transmettent le signal aux facteurs de transcription STAT1 et STAT2 qui sont phosphorylés à leur tour. Cette cascade d’activation résulte en la translocation dans le noyau d’un complexe trimérique appelé facteur 3 de transcription (ISGF3) constitué de STAT1, STAT2 et IRF9 qui se fixe aux éléments de réponse ISRE (IFN

Stimulated Response Elements) présents dans le promoteur des ISG. Cette fixation d’ISGF3 sur l’ISRE

induit la transcription de plus d’une centaine de gènes ISG (figure 24). Les protéines synthétisées ont une activité antivirale et antiproliférative directe et limitent la réplication et la diffusion virale à d’autres cellules [197].

Le rôle de l’IFN n’est pas limité à l’induction d’un état cellulaire antiviral. Il participe aussi à la maturation et au trafic des cellules dendritiques, à l’activation directe des lymphocytes T et B, à la commutation isotypique [198] ainsi qu’à la prévention de la mort des cellules T nouvellement activées [199]. Enfin des articles récents suggèrent que les IFN-α/β peuvent contrôler la perméabilité de la barrière hémato-méningée au niveau des jonctions serrées des cellules endothéliales en contact avec le SNC en diminuant la perméabilité des cellules endothéliales au WNV [200].

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1.4.3.1.1.3. Régulation de la réponse IFN de type I

La famille des facteurs régulant l’IFN (IRF) est composée de 9 protéines structurellement proches. Les protéines IRF3 et IRF7 ont été identifiées comme les clefs de la régulation de la transcription des gènes de l’IFN de type I après infection virale. IRF3 et IRF7 sont homologues structurellement, présentes à l’état inactif dans le cytosol et transloquées au noyau après phosphorylation et dimérisation pour induire la transcription des IFN de type I. IRF3 est constitutivement présente dans la plupart des types cellulaires alors que IRF7 fait elle-même partie des ISG.

En conclusion, le schéma établi pour la réponse à l’activation de l’IFN de type I est représenté comme une boucle d’amplification en deux étapes. L’induction de la réponse interféron est obtenue par l’activation des PRR et la translocation de l’IRF3 activée au noyau induisant la production d’IFNα et -β par les cellules infectées. L’amplification de la réponse est assurée par l’activation des récepteurs IFNAR par les IFN nouvellement synthétisés et l’activation de la cascade JAK-STAT (figure 24), l’activation de cette voie de signalisation résultant en un état antiviral par l’expression d’un centaine d’ISG différents incluant l’IRF7. Les ISG codent pour un large éventail de facteurs antiviraux qui assurent l’inhibition du cycle viral à différentes étapes, depuis l’entrée du virus jusqu’à la libération des particules néoformées.

Figure 24: Représentation schématique de la réponse antivirale innée au niveau cellulaire et boucle d’amplification de l’IFN-α/β, adapté de [201]

74 1.4.3.1.2. Stratégies d’évasion du WNV au système immunitaire inné de la cellule

1.4.3.1.2.1. Inhibition de la réponse IFN

Pour se répliquer et diffuser rapidement, le WNV a élaboré des stratégies d’échappement à la réponse IFN de type I. Le WNV est ainsi résistant aux effets antiviraux de l’IFN de type I en culture cellulaire une fois que l’infection est établie [202]. Le WNV bloque les fonctions de l’IFN à de nombreux endroits de l’induction et de l’amplification de la réponse.

La protéine NS1 est impliquée dans l’inhibition de la transduction du signal induit par le TLR3 ce qui se traduit par l’incapacité de la translocation nucléaire d’IRF3 et de NF-kB [203] (figure 25). L’expression de NS1 diminue aussi la production d’interleukine 6 dépendante de TLR3 et donc la mise en place d’un état antiviral [204].

La glycoprotéine E inhibe la voie de signalisation initiée par le TLR3 de façon indépendante à la protéine NS1 [203, 205].

La protéine NS2A inhibe quant à elle la transcription du gène de l’IFN-β [206]. Enfin NS4B et NS5 empêchent l’accumulation de la forme phosphorylée de STAT1 et STAT2 [207-209]

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1.4.3.1.2.2. Conséquences sur la virulence des souches de WNV

Brian C Keller et al. [197] ont démontré en comparant des souches de lignée 1 émergentes comme la souche Texas 2002 (TX02) et de lignée 2 non émergentes comme la souche Madagascar 78 (MAD78) que la résistance aux INFα/β est un facteur clé de la virulence des souches. In vivo, sur modèle murin, la souche TX02 est beaucoup plus pathogène que la souche MAD78 (90% de mortalité avec TX02 versus 0% de mortalité avec MAD78). Ils ont démontré in vitro que la souche MAD78 est avirulente car elle ne peut inhiber l’action de l’IFN par la voie JAK/STAT. A l’inverse la protéine NS5 de la souche TX02 bloque la phosphorylation de la tyrosine Tyk2 ce qui empêche la phosphorylation de STAT1 et STAT2 et leur translocation au noyau. La virulence des souches MAD78 est ainsi restaurée lors de l’infection de souris avec un récepteur à l’IFNα/β non fonctionnel (IFNAR-/-). Ce contrôle de la voie d’activation JAK-STAT semble être fondamental dans la virulence des souches WNV [210].

De même, la faible pathogénicité de l’USUV pour les humains, virus pourtant très proche génétiquement du WNV, semble être dû aussi à son incapacité à bloquer la réponse antivirale innée de l’hôte [211].