Partant de la critique adressée par Blume et Friend (1970) [88], (1973) [89] relative au
faible pouvoir explicatif que la droite de marché produit empiriquement, Fama (1991) [242]
et Fama et French (1992) [260], (1993) [261], (1996a) [264], (1996b) [263], (1996c) [265]
orientent leur axe de réflexion vers une solution permettant d’introduire une ou plusieurs nouvelles dimensions au risque d’un actif. Cette réflexion fut nourrie par de nombreux
travaux antérieurs ayant fait émerger plusieurs schémas (pattern) notables pour certaines
plusieurs stratégies relatives au ratio bénéfice par action sur cours (E/P pour earnings to price ratio). Les titres dont les ratios E/P sont élevés produisent en moyenne une
rentabilité supérieure. Basu (1977) [63] relève également ce schéma sur le marché américain
à partir de portefeuilles construits sur ce même ratio. Les auteurs notent que ces régularités
persistent malgré plusieurs contrôles effectués. Litzenberger et Ramaswamy (1979) [497]
étudient la relation entre les rentabilités et les impôts dont les sociétés doivent s’acquitter. L’étude se situe dans un cadre lié aux impacts des politiques fiscales et plus précisément celles qui concernent l’imposition des dividendes. Les auteurs observent une relation entre
les rentabilités avant impôt et le ratio dividendes sur cours. Fama et French (1988a) [257]
et (1988b) [258] avancent que le rôle de l’horizon temporel ainsi que la fréquence jouent
un rôle important dans les résultats. Fama et French (1988b) [258] montrent que les
rentabilités journalières et hebdomadaires sur le marché de New-York sont autocorrélées à
court terme sur la période 1926 à 1985. Litzenberger et Ramaswamy (1979) [497] avancent
que la relation entre les deux variables est positive et linéaire. Ils invoquent l’hypothèse que les actions présentant un ratio dividendes sur cours faible intéressent les investisseurs dont les tranches d’imposition sont élevées, conduisant à créer l’engouement autour de ces titres.
Basu (1977) [63] atteste que les prix des actions n’intègrent pas de façon instantanée et sans
biais toute l’information publique disponible et voit dans ce qui constituera une anomalie de marché, c’est-à-dire la portion non expliquée par le modèle de référence, un marqueur
empirique d’inefficience. Reinganum (1981) [604] étudie les effets liés à la capitalisation
boursière ainsi qu’au ratio bénéfice par action sur cours. Sa première conclusion est que les facteurs sont tous deux proxies d’un même risque et sont, par conséquent, redondants. Dans cette posture, il propose de ne retenir qu’une seule des deux anomalies et opte pour
l’effet taille qui apparaît plus forte et plus robuste. Basu (1983) [64] proposea contrario de
maintenir le ratio bénéfice par action sur cours au détriment de l’effet capitalisation. Cook
et Rozeff (1984) [173] travaillent sur le marché américain et avancent neuf méthodologies
pour le calcul des rentabilités anormales et trois procédures de composition de portefeuilles. Les résultats obtenus les poussent à rejeter aussi bien les interprétations et les conclusions de Reinganum que celles de Basu. Les résultats de Reinganum s’expliquent par un biais
Les faiblesses empiriques du modèle de marché 55
méthodologique, ceux de Basu reposent sur la spécificité de son échantillon. Le message
central des travaux de Cook et Rozeff (1984) [173] avance que les deux effets co-existent
sans être redondants et nécessitent d’être approximés séparément. Ball (1978) [43] suggère
que l’étude des anomalies nécessite un test de l’hypothèse jointe sur l’efficience de marché, d’une part, et un test sur la validité du modèle de formation des prix, d’autre part.
De manière synthétique, Ball (1978) [43] énonce la problématique de l’hypothèse jointe
formulée par Fama (1970 [224]).
Dans sa formulation initiale, le MÉDAF est et demeure un modèle statique où l’horizon d’investissement de l’agent économique est d’une seule période. Une synthèse de la littéra-ture sur les études empiriques qui furent conduites à son endroit montre des tentatives de modélisation sur plusieurs échelles temporelles selon la périodicité des données. Ces tenta-tives concourant à fournir de nombreux résultats impliquent toutefois conceptuellement que l’agent économique planifie ses investissements avec un horizon long. Cet horizon long justifie de devoir intégrer un risque de réinvestissement pour l’opérateur de marché. Tester empiriquement le MÉDAF sur plusieurs horizons temporels, sachant que ce dernier est initialement calibré pour un seul horizon, implique que les rentabilités des actifs du marché sont indépendantes dans le temps et présentent une distribution normale. Ces hypothèses d’indépendance et de normalité des distributions de rentabilités sont supposées validées. Si ces dernières ne sont pas vérifiées, la planification de l’investissement sur un horizon temporel long conduit à un degré de complexité supérieur au regard de la modélisation. L’observation empirique de rentabilités de titres débouche par ailleurs la plupart du temps à infirmer ces hypothèses. Des phénomènes de dépendance sérielle sont alors détectés et interprétés comme marqueurs d’inefficience et militent pour une forme faible de l’efficience
informationnelle des marchés. Kandel et Stambaugh (1988) [445] estiment que connaître
les rentabilités ex post permet de réduire d’environ 25% la volatilité pour les
investisse-ments dont les horizons portent sur une fenêtre de quatre à cinq ans. Certains paramètres exogènes au modèle de référence ont une influence sur les coefficients de sensibilité. Ces variables instrumentales semblent prédictives dans le cadre des rentabilités futures. Le ratio financier dividende sur le cours de bourse et le ratio de rendement du dividende
participent en effet à capter une portion de la variance des rentabilités. À partir de ces résultats, supposer que le risque de l’actif soit multidimensionnel (Fama et French, 1993
[261]) avec des variables relatives à un effet de taille et un effet de substance comme
variables d’état à destination d’un modèle plus général tient. Cela impliquerait que le
MÉDAF soit, par construction, une déclinaison i.e. un modèle imbriqué issu d’un modèle
plus général. Cette hypothèse justifie alors d’étudier les relations qui lient ces variables d’état aux rentabilités des titres avec un MÉDAF conditionnel.