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L’approche multifactorielle du risque des actifs

Chapitre 2 : Le cadre théorique des modèles multifactoriels : anomalies ou

2.3 L’approche multifactorielle du risque des actifs

Le message de Fama et French (1993) [261] réside dans leur interprétation de l’anomalie

de marché. Si cette dernière peut être perçue comme un marqueur d’inefficience, Fama et

French (1993) [261] apportent une réponse claire : la taille et le ratio valeur comptable sur

valeur de marché sont des proxies de facteurs de risque. Les deux auteurs proposent un modèle empirique à trois facteurs dans lequel ils expliquent la rentabilité des actions par trois variables explicatives : La prime de risque du marché, la prime de taille puis la prime de substance dans une version inconditionnelle :

E[ri]−rf =βi(E[rM]−rf) +siE[SM B] +hiE[HM L] (2.3.0.1)

Les auteurs formalisent également une version conditionnelle telle que :

ri,trf,t=αi+βi(rM,trf,t) +si(SM Bt) +hi(HM Lt) +i,t (2.3.0.2)

E[ri] correspond à l’espérance de rentabilité de l’actif i;

rf représente l’actif sans risque ;

E[rM] correspond à l’espérance de rentabilité du portefeuille de marché M et

E[rM]−rf est la prime de risque du marché. Empiriquement, ce facteur est construit

à l’aide d’un portefeuille global comprenant tous les titres de l’échantillon en t. Ce

portefeuille est pondéré par capitalisation ;

E[SM B] représente l’espérance de rentabilité du portefeuille SM B pour « small minus big ». Ce portefeuille est investi à l’achat sur les titres dont les capitalisations

sont les 30% plus petites du marché en t et vend à découvert les 30% ayant les plus

grandes capitalisations ;

E[HM L] représente l’espérance de rentabilité du portefeuille HM L pour « high minus low » investi à l’achat sur les sociétés dont les ratios valeur comptable sur

valeur de marché sont les plus élevés (8eme décile inclus au 10eme) et finance ces

positions longues par la vente à découvert de celles dont les ratios sont les plus

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βi, si ethi : les coefficients de sensibilité des trois primes de risque du modèle.

De manière plus générale, les modèles ad-hoc peuvent être décrits dans une version

inconditionnelle :

E[ri] =rf +λ1,iE[f1] +λ2,iE[f2] +. . .+λk,iE[fk] (2.3.0.3)

ainsi que dans une version conditionnelle :

ri,trf,t=αi+λ1,if1,t+λ2,if2,t+. . .+λk,ifk,t+i,t (2.3.0.4)

Les deux primes de risque additionnelles proposées par les auteurs en 1993, que sont la capitalisation boursière d’une part et le ratio B/M, d’autre part, ont permis de construire 25 portefeuilles de titres issus des marchés américains (NYSE, AMEX et NASDAQ) de juin 1963 à décembre 1993, soit 366 mois. Les rentabilités calculées à fréquences mensuelles sont plus élevées pour les titres dont les capitalisations sont plus modestes ainsi que pour ceux dont le ratio B/M est élevé. C’est à partir de ces observations que les auteurs décidèrent de construire des facteurs de risque comme des différentiels de rentabilités. Le mécanisme de construction est le suivant : il s’agit d’être acheteur des titres les plus rentables (ici les petites capitalisations) en vendant à découvert ceux qui le sont moins (les plus grandes sociétés). Les titres américains sont classés en cinq quintiles de taille puis, indépendamment, en cinq quintiles selon leurs ratios B/M. Le croisement des deux

classements conduit à 25 (5×5) stratégies d’investissement utilisées comme variables

dépendantes. Fama et French (1993) [261] régressent les 25 stratégies par la prime de

marché (βrMrf), le facteur taille (SMB) et le facteur de substance (HML). Les auteurs

observent subséquemment les constantes des régressions (αi) et notent qu’elles sont :

— négatives pour les stratégies situées dans les quintiles extrêmes des titres de petites capitalisations et de faible ratio B/M,

— positives pour les stratégies situées dans les quintiles extrêmes composés d’actions dont les capitalisations sont grandes et qui ont un ratio B/M élevé.

attestent dès lors que leur modèle empirique à trois facteurs parvient non seulement à expliquer les rentabilités des actions, mais permet, de surcroît, de capter les portions non expliquées par le MÉDAF. Ce résultat corrobore l’hypothèse fixée par les auteurs sur le caractère multidimensionnel que revêt le risque d’un actif financier. De nombreuses tentatives d’interprétations furent menées pour comprendre la relation entre la taille et le ratio B/M. Fama et French soutiennent que le ratio mesurant le rapport entre la valeur comptable d’une firme et sa valeur de marché constitue un proxy de vulnérabilité financière. Ils avancent qu’une comparaison entre leur modèle à trois facteurs et le MÉDAF indique une forte dominance du premier par rapport au second. Dans le cadre du MÉDAF intertemporel (ICAPM), les investisseurs sont, par hypothèse, averses au risque. Ils souhaitent une espérance élevée, mais craignent la variance. Axiomatiquement, ils cherchent à s’affranchir au maximum du risque en se couvrant des risques spécifiques liés à des variables d’états. Les portefeuilles optimaux sont par construction moins risqués pour un niveau donné de rentabilité attendue et de sensibilité aux variables d’états. Ces portefeuilles sont dits

portefeuilles Multi-facteurs-Minimum-Variance (MMV). Fama et French (1996) [265]

produisent un ICAPM muni de deux variables d’états en vue d’assortir des justifications économiques à ces deux facteurs empiriques. Les portefeuilles MMV se réalisent à l’aide de trois actifs risqués linéairement indépendants et d’un actif sans risque. La combinaison quelconque de ces trois actifs risqués permet d’expliquer les rentabilités en excès de tous les titres et de tous les portefeuilles d’actifs. Ceci implique en d’autres termes, que les régressions en séries temporelles des titres et portefeuilles par une des combinaisons

susvisées ne produisent pas d’ordonnée à l’origine (noté α) significativement différente de

zéro. Ce raisonnement peut être également appliqué au modèle à trois facteurs au regard

de la théorie d’arbitrage de Ross (1976) [621].

Sous l’hypothèse que les investisseurs sont averses au risque, Fama et French (1996a)

[264] et (1996b) [263] avancent qu’il existe deux facteurs communs de risque et que le

nombre des actifs risqués est fini. Les facteurs explicatifs développés (dans le cas de l’ICAPM et de l’APT) correspondent aux rentabilités attendues des portefeuilles Multi-facteurs-Minimum-Variance (MMV) en excès du taux sans risque. À partir de leur univers

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d’investissement américain, Fama et French (1993) [261] produisent quatre vecteurs de

rentabilité à additionner à celui du portefeuille de marché, M. Les deux premiers vecteurs sont relatifs à l’effet taille. Les auteurs calculent la médiane pour chacun des trois marchés américains (NYSE, AMEX et NASDAQ). Toutes les sociétés ayant une capitalisation

supérieure ou égale à la médiane de leurs marchés respectifs sont « big » sinon « small ».

Les deux suivants sont issus d’un classement à partir du ratio book-to-market. Les titres

ayant les ratios compris dans les trois déciles les plus élevés sont « high » (les titres de

substance) et ceux compris dans les trois déciles les plus faibles sont « low » (les titres

de croissance). Ces vecteurs de rentabilités sont préalablement considérés comme des

portefeuilles MMV sous la justification que les variables rMrf, SMB et HML expliquent

les rentabilités à l’instar des derniers modèles ad-hoc. Les auteurs observent également que

les différents trios de rentabilités en excès de M, S, B,H et Lfournissent des descriptions

équivalentes des rentabilités : la rentabilité en excès sur trois des variables prélevées

dans l’univers {M, S, B, H, L} décrit parfaitement la rentabilité en excès de la quatrième

variable issue du même univers. Pour justifier le choix des facteurs explicatifs i.e.rMrf,

SMB et HML au lieu de rMrf, (rSrf), (rBrf), (rHrf) et (rLrf) ; les auteurs

stipulent que le premier ensemble de variables est moins corrélé que le second. Ce choix a également la qualité de faciliter l’interprétation des coefficients des régressions. Cette procédure deviendra rapidement une convention sur le champ de l’évaluation d’actifs

concernant la création de facteurs de risque. Carhart (1997) [129] augmente ainsi le modèle

de Fama et French (1993) [261] en ajoutant le facteur de risque du momentum.

E[ri]−rf =βi(E[rM]−rf) +siE[SM B] +hiE[HM L] +wiE[W M L] (2.3.0.5)

Cette version inconditionnelle prend la forme conditionnelle suivante :

Hou, Xue et Zhang (2015) [414] proposent un modèle alternatif à trois et quatre facteurs

dans lesquels ils ajoutent les facteurs de taille (M E), de rentabilité financière (ROE) et

d’investissement (I/A) :

E[ri]−rf =βi(E[rM]−rf) +wiE[ROE] +hiE[I/A] (2.3.0.7)

Cette version inconditionnelle prend la forme conditionnelle suivante :

ri,trf,t=αi+βi(rM,trf,t) +wi(ROEt) +hi(I/At) +i,t (2.3.0.8)

ri,trf,t =αi+βi(rM,trf,t) +mi(M Et) +wi(ROEt) +hi(I/At) +i,t (2.3.0.9)

Fama et French (2015) [281] augmentent leur modèle de 1993 (Fama et French, 1993

[261]) en ajoutant sur la base du modèle de Miller et Modigliani (1961) [539] les facteurs

de rentabilité opérationnelle (RM W) et d’investissement (CM A) :

E[ri]−rf =βi(E[rM]−rf)+siE[SM B]+hiE[HM L]+wiE[RM W]+ciE[CM A] (2.3.0.10)

Cette version inconditionnelle prend la forme conditionnelle suivante :

ri,trf,t =αi+βi(rM,trf,t) +si(SM Bt) +hi(HM Lt)

+mi(RM Wt) +ci(CM At) +i,t (2.3.0.11)

Fama et French (2018) [285] proposent, sur motif de « demande populaire » émanant de

la communauté de scientifique, d’ajouter en sixième facteur, le momentum (WML) :

E[ri]−rf =βi(E[rM]−rf)+siE[SM B]+hiE[HM L]+miE[RM W]+ciE[CM A]+wiE[W M L]

(2.3.0.12) Cette version inconditionnelle prend la forme conditionnelle suivante :

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ri,trf,t =αi+βi(rM,trf,t) +si(SM Bt) +hi(HM Lt)

+mi(RM Wt) +ci(CM At) +wi(W M Lt) +i,t (2.3.0.13)

E[W M L] représente l’espérance de rentabilité du portefeuilleW M L, pour«winners minus losers », investi à l’achat sur les sociétés dont les rentabilités furent positives

successivement durant les douze derniers mois (8eme décile inclus au 10eme) et qui

finance ses positions longues par la vente à découvert de celles dont les rentabilités

furent négatives successivement durant les douze derniers mois (1er décile au 3eme

inclus) ;

E[RM W] représente l’espérance de rentabilité du portefeuille RM W, pour « ro-bust minus weak », investi à l’achat sur les sociétés dont les ratios de rentabilité

opérationnelle sont les plus élevés (8eme décile inclus au 10eme) et qui finance ses

positions longues par la vente à découvert de celles dont les ratios sont les plus

faibles (1er décile au 3eme inclus) ;

E[CM A] représente l’espérance de rentabilité du portefeuilleCM A, pour « conser-vative minus aggressive », investi à l’achat sur les sociétés dont les degrés

d’investis-sement sont les plus élevés (8eme décile inclus au 10eme) et qui finance ses positions

longues par la vente à découvert de celles dont les ratios sont les plus faibles (1er

décile au 3eme inclus) ;

E[ROE] représente l’espérance de rentabilité du portefeuille ROE, pour« return on equity », investi à l’achat sur les sociétés dont les taux de rentabilité financière

sont les plus élevés (8eme décile inclus au 10eme) et qui finance ses positions longues

par la vente à découvert de celles dont les taux de rentabilité financière sont les

plus faibles (1er décile au 3eme inclus) ;

E[I/A] représente l’espérance de rentabilité du portefeuille I/A, pour « investment on asset », investi à l’achat sur les sociétés dont les taux d’investissement sur actifs

par la vente à découvert de celles dont les taux sont les plus faibles (1er décile au

3eme inclus) ;

E[M E] représente l’espérance de rentabilité du portefeuille M E, pour « market equity », investi à l’achat sur les sociétés dont les capitalisations sont les plus faibles

(8eme décile inclus au 10eme) et qui finance ses positions longues par la vente à

découvert de celles dont les capitalisations sont les plus grandes (1er décile au 3eme

inclus) ;

E[QM J] représente l’espérance de rentabilité du portefeuille QM J, pour «quality minus junk », investi à l’achat sur les sociétés dont les niveaux de qualité sont les

plus élevés (8eme décile inclus au 10eme) et qui finance ses positions longues par

la vente à découvert de celles dont les niveaux de qualité sont les plus faibles (1er

décile au 3eme inclus) ;

βrMrf, ssmb,hhml,wwml,wrmw, ccma, wroe, ai/a, mme, qqmj sont des coefficients de

sensibilité pour les primes de risque susvisées.