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Chapitre I. Contexte de l’étude

4. La mesure de l’adhérence des couches minces

4.3 Les essais d’adhérence dérivés de l’indentation

D’autres méthodes, couramment utilisées pour mesurer l’adhérence des couches minces, dérivent de l’essai d’indentation. L’indentation, ou essai de dureté, est une technique consistant à faire pénétrer une pointe très dure, de géométrie connue, dans le matériau pour en mesurer ses propriétés mécaniques. Le principe de cet essai, et de sa version la plus évoluée, la nanoindentation, est décrit en détail dans le chapitre II.

4.3.1 Indentation normale

Les appareillages de macro et micro-dureté ont rapidement été utilisés pour mesurer l’adhérence de revêtements minces. La méthode la plus simple, initialement développée par Chiang et al. en 1981 et Marshall et Evans en 1984, consiste à provoquer le délaminage du revêtement à l’aide d’un cône Rockwell. L’indentation est appliquée perpendiculairement à la surface de l’échantillon comme pour un essai de dureté classique. A partir d’une force critique Fc, il apparaît, sur les revêtements durs, une fissure interfaciale formant une cloque ou « blister » (fig. 1.11). Le taux de restitution d’énergie est alors calculé à partir du diamètre de la cloque et de la force critique, en connaissant les propriétés mécaniques et les contraintes résiduelles du dépôt. Cet essai a ensuite été étendu aux échelles micrométriques et sub- micrométriques grâce aux appareillages de microdureté et de nanoindentation.

(b) (a)

(b)

Figure 1.11 : (a) Double cloquage si l’indentation est suffisamment profonde. (b) Simple cloquage après retrait de l’indenteur si l’indentation est peu profonde (Volinsky et al. (2002)).

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Les couches ultra-minces de la microélectronique se prêtent cependant assez mal à la mesure d’adhérence par indentation directe, car leur faible épaisseur ne permet pas d’obtenir un délaminage conséquent. Dans le cas des couches ductiles de cuivre, une grande partie de l’énergie est dissipée par déformation plastique et par formation d’un bourrelet autour de l’indenteur. Pour les revêtements fragiles tels que les couches diélectriques ou les couches barrières, les mesures sont compliquées par des phénomènes de fragmentation multiple. Une nouvelle méthode développée par Kriese et al. en 1999, baptisée « superlayer indentation method » permet de résoudre la plupart de ces problèmes. Suivant cette technique, l’indentation ne s’effectue pas directement sur la couche étudiée, mais par l’intermédiaire d’une couche supérieure dure et épaisse, dont les contraintes résiduelles compressives élevées favorisent le délaminage par flambage. Cette procédure a depuis été couramment utilisée dans le domaine de la microélectronique, notamment par Vella et al. (2001) et Volinsky et al. (1999) (2002) (2003) (2003-a). L’analyse mécanique pour calculer Gc est une extension des travaux effectués par Marshall et Evans en 1984.

La figure 1.12 présente un exemple d’essai de nanoindentation normale pour mesurer l’adhérence entre une couche de cuivre et une couche de passivation SiN. Les figures 1.12b et 1.12c montrent respectivement un essai sans couche supérieure et avec une couche supérieure TiW de 1 µm, en vue de dessus. On constate nettement l’avantage procuré par la couche supérieure qui permet d’étendre considérablement le délaminage. Les images en coupe FIB (Focused Ion Beam) (fig. 1.12a et 1.12d) permettent de localiser la rupture légèrement sous l’interface Cu/ SiN.

L’essai de nanoindentation normale avec couche supérieure permet donc de mesurer l’adhérence de revêtements très minces en provoquant un délaminage circulaire conséquent. Une coupe FIB du blister est néanmoins indispensable pour localiser la rupture et interpréter correctement les résultats. Le dépôt d’une couche supérieure rend aussi la préparation des échantillons assez délicate.

c) d)

a)

b)

Figure 1.12 : Essai de nanoindentation normale pour mesurer l’adhérence à l’interface Cu/ SiN. (a),(c) et (d) avec une couche supérieure TiW de 1 µm, (b) sans couche supérieure (Vella et al. (2001)).

L’indentation sur coupe ou interfaciale a été utilisée par plusieurs auteurs pour mesurer l’adhérence de revêtements épais (Choulier (1989), Lesage et al. (1993), Chicot et al. (1996), Liu (2005)). La méthode développée par Lesage et al. consiste à indenter avec une pyramide Vickers une coupe de l’échantillon, les diagonales de la pyramide étant alignées avec l’interface (fig. 1.13a). Cette technique leur a permis de mesurer l’adhérence d’un revêtement Cr3C2-NiCr de 200 à 600 µm d’épaisseur sur différents aciers. La force appliquée directement à l’interface, comme lors de l’enfoncement d’un coin, provoque une rupture interfaciale circulaire facilement contrôlable. D’autres travaux plus récents, concernant la mesure de l’adhérence d’un revêtement Al2O3 sur un substrat en aluminium (Zhang et al. (2004)), se basent sur un essai de micro-indentation sur section transversale avec mesure de la force tangentielle. L’indentation à pointe conique est effectuée dans le substrat en aluminium à environ 200 µm de l’interface Al/ Al2O3 (fig. 1.13b). La force tangentielle mesurée varie brutalement lors de l’apparition de la fissure interfaciale, ce qui permet de repérer la force critique de délaminage.

(a) (b)

Figure 1.13 : (a) Principe de l’essai d’indentation interfaciale à pointe Vickers (Chicot et al. (1996)). (b) Essai d’indentation conique à proximité de l’interface Al/ Al2O3 (observation au MEB) (Zhang et al.

(2004))

Une nouvelle méthode de nanoindentation sur coupe appelée « Cross Sectional Nanoindentation – CSN », destinée exclusivement aux revêtements de la microélectronique, a été développée par Sanchez et al. en 1999. Le principe est proche de l’essai de Zhang et al. (2004) à la différence près qu’il s’effectue à une échelle beaucoup plus réduite (la distance entre l’indenteur et l’interface étant de quelques microns) et qu’il nécessite un substrat fragile comme le silicium. L’essai de CSN a fait l’objet d’une grande partie de ce travail de thèse et sera détaillé dans le chapitre III.

Une autre technique proche de l’indentation interfaciale, baptisée « film projection », a été proposée par Kamiya et al. en 2002 pour mesurer les propriétés élastiques ainsi que l’adhérence des revêtements minces. La méthode consiste à graver le substrat sur une certaine distance pour mettre à nu l’extrémité du

revêtement, puis à agir directement sur cette portion de film « projetée ». La figure 1.14 permet de visualiser l’essai : à l’aide d’une pointe en diamant, la force est exercée perpendiculairement à la portion du revêtement qui dépasse du substrat. Il est alors possible de mesurer la réponse élastique du revêtement et de remonter au module de Young par le biais de simulations numériques, ou bien de provoquer le délaminage du film pour mesurer son adhérence en augmentant la force d’appui. Les auteurs proposent

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également d’utiliser cette méthode pour évaluer les contraintes résiduelles du film ainsi que sa résistance à la rupture. Ces travaux concernaient initialement des films diamant déposés sur un substrat en carbure de tungstène cémenté de type WC-Co (matériau très dur destiné aux outils de coupe). La méthode de « film projection » a été appliquée récemment aux matériaux de la microélectronique pour étudier l’adhérence d’une couche de cuivre vis-à-vis d’une couche barrière TiN et vis-à-vis d’une couche d’arrêt de gravure SiCN (Kamiya et al. (2006)). Afin d’éviter une déformation plastique trop importante de la couche de cuivre, la portion projetée du film a dû être découpée par FIB en « briques » de quelques microns de côté, ce qui a pour conséquence de diminuer la surface à délaminer (fig. 1.14d). L’application de cet essai aux couches de cuivre complique encore plus la préparation de l’échantillon, qui est déjà très délicate dans le cas des revêtements durs.

Enfin, pour terminer sur les essais dérivés de l’indentation, il est important de citer l’essai de rayure qui est très couramment utilisé pour l’évaluation de l’adhérence des couches minces. Cet essai a été décliné à toutes les échelles, depuis la macro-rayure pour les revêtements épais jusqu’à la micro ou nano- rayure pour les couches minces. Dans le cadre de cette thèse, un essai de micro-rayure a été utilisé pour mesurer l’adhérence des couches SiN et SiCN développées par Alchimer et des revêtements polymères développés par AlchiMedics. Cet essai sera donc décrit en détail dans le chapitre IV.

(c)

(d)

Figure 1.14 : (a, b) Principe de l’essai de « film projection » (Kamiya et al. (2002)); (c) vue de dessus du délaminage d’un revêtement diamant (Kamiya et al. (2002-a)) ; (d) découpage du film de cuivre en

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