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Chapitre I. Contexte de l’étude

4. La mesure de l’adhérence des couches minces

4.1 Adhésion et adhérence

Afin de bien comprendre la nature du problème, aussi bien en microélectronique qu’en biomédical, il est important de faire la distinction entre les deux termes « adhésion » et « adhérence » qui peuvent prêter à confusion. Ce que l’on appelle en français « adhérence » ou en anglais « mechanical adhesion » est une grandeur qui se mesure par des essais mécaniques appelés essais d’adhérence, visant à évaluer la difficulté à séparer deux corps (fig. 1.7). L’adhésion, ou « adhesion » pour les anglo-saxons, désigne l’ensemble des interactions présentes à l’interface qui créent l’adhérence mais n’expliquent pas à elles seules l’énergie de rupture d’un assemblage (Darque-Ceretti et Felder (2003)).

- géométrie - rhéologie - épaisseur Adhésion interfaciale ancrage mécanique interdiffusion « electron as glue » Propriétés mécaniques Adhérence Sollicitation mécanique

Figure 1.7 : Schéma des concepts d’adhésion et d’adhérence

4.1.1 Les interactions à l’origine de l’adhésion

On peut distinguer trois principaux types d’interactions interfaciales :

− L’ancrage mécanique, qui est l’approche la plus ancienne pour expliquer les phénomènes d’adhésion et qui résulte de l’interpénétration « macroscopique » entre les deux matériaux en contact. C’est le cas d’un adhésif qui pénètre dans les aspérités et les pores du substrat avant de se rigidifier. L’ancrage mécanique est donc favorisé par la rugosité et la topographie des surfaces en contact. En plus de l’effet d’ancrage, cette interpénétration augmente la surface de contact entre les deux corps et donc le nombre de liaisons chimiques possibles.

− L’interdiffusion, qui se manifeste dans le cas des matériaux polymères par l’interdigitation des chaînes moléculaires et pour les métaux par la formation d’un gradient de composition chimique, voire d’un alliage d’interface. Elle conduit à la formation d’une interphase d’épaisseur non nulle et dépend, pour les polymères en contact, de leur compatibilité et de leur structure.

Les liaisons intermoléculaires peuvent être de type Van der Waals ou de type liaison hydrogène. Ces liaisons sont souvent regroupées sous le terme anglo-saxon « electron as glue ». Du point de vue macroscopique, les interactions à faible portée entre deux matériaux (liaisons interatomiques et hydrogène) sont souvent étudiées sous l’approche acide-base. L’intensité de ces liaisons est caractérisée par l’énergie d’adhésion de Dupré w, qui est l’énergie libre perdue par l’unité d’aire d’interface lors de sa formation. Pour une interface métal/métal, w est de l’ordre du J/m2, alors que pour une interface polymère/polymère w est de l’ordre de quelques dizaines de mJ/m2.

4.1.2 La mesure de l’adhérence

Lors d’un essai d’adhérence, la force mesurée provient de la rupture des liaisons interfaciales par propagation d’une fissure qui produit le plus souvent une déformation irréversible importante des matériaux (fig. 1.7). L’énergie de rupture est donc très supérieure à l’énergie d’adhésion des deux matériaux et dépend à la fois de l’énergie de Dupré et de la rhéologie des matériaux en contact. Les essais qui permettent de calculer une énergie d’adhérence indépendante de la géométrie de l’essai sont les essais dits essais de mécanique linéaire de la rupture, où la plus grande partie des matériaux est dans un état de déformation élastique. La déformation irréversible, plastique ou/et viscoélastique, si elle a lieu, est confinée dans une zone de très faibles dimensions en tête de fissure (fig. 1.8). Dans ce cas, il est possible de calculer l’énergie nécessaire pour rompre l’interface, sous forme de taux critique de restitution d’énergie Gc, à partir des équations de l’élasticité. De nombreux essais d’adhérence permettent une approche en mécanique de la rupture. Ils consistent à mesurer la force nécessaire pour propager une fissure interfaciale dans une configuration géométrique simple. L’analyse de la réponse mécanique du système nécessite la connaissance des propriétés élastiques des deux objets (module de Young et coefficient de Poisson) et de leurs dimensions.

F

b

h

a

dissipation plastique confinée en tête de fissure

Figure 1.8 : Principe de l’essai de clivage

La figure 1.8 présente le principe de l’essai de clivage, qui est un exemple simple d’essai d’adhérence en mécanique de la rupture. Les deux objets parallélépipédiques, de largeur b et d’épaisseur h, sont séparés par une force F créant une fissure de longueur a. L’analyse mécanique de cet essai montre que le taux critique de restitution d’énergie du système, représentant l’énergie mécanique libérée par

Chapitre I. Contexte de l’étude

- 23 - l’avancement de la fissure, vaut :

3 2 2 2 12 h Eb a F Gc = c eq. 1.1

Fc étant la force critique permettant d’amorcer la propagation de la fissure de longueur a et E le module de Young du matériau (supposé identique pour les deux objets). Ce calcul est valable uniquement dans le cas d’une fissure longue comparée à l’épaisseur des deux adhérents (a >> h) (Darque-Ceretti et Felder (2003)).

Dans le cas où l’essai provoque une déformation plastique macroscopique des matériaux (par exemple pour l’essai de clivage, si l’épaisseur h des adhérents est inférieure à une certaine valeur), c'est-à- dire une déformation irréversible synonyme d’énergie « perdue », la détermination de Gc par les équations de la mécanique de la rupture n’est plus possible. Il faut en effet, dans ce cas, tenir compte de cette dissipation d’énergie non confinée. Dans certaines configurations d’essais, il est possible de calculer ou d’estimer la contribution de la dissipation non confinée et donc d’extraire l’énergie d’adhérence propre. L’étude nécessite alors la connaissance de la rhéologie complète des matériaux (contrainte d’écoulement plastique, viscosité, etc.). Dans d’autres cas, il n’est pas possible de dissocier l’énergie d’adhérence interfaciale de celle associée à la déformation plastique des matériaux, l’énergie mesurée est alors représentative d’un essai particulier et les résultats ne sont pas transposables, quantitativement, à d’autres essais.

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