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CHAPITRE 2 : AGENTS PATHOGÈNES ZOONOTIQUES VECTORISÉS ET MALADIES ASSOCIÉES

B. Recherche de rickettsie

IV. Discussion

1. Les espèces de puces

Dans notre étude, l’espèce majoritairement trouvée est C. felis : elle était présente chez 100 % des chats et 87,1 % des chiens. Ces prévalences sont en accord avec les études précédemment menées en France. En effet, l’espèce C. felis a été identifiée à hauteur de 95 % chez le chat (Deloffre, 2001) et à plus de 85 % chez le chien (Choquart, 1999). Cette espèce est cosmopolite et est rencontrée dans différents milieux de vie. Effectivement, dans notre travail, C. felis a été retrouvée aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain et chez des animaux ayant accès, ou non, à différents types d’extérieur. De même, elle a été identifiée chez des animaux appartenant à toutes les classes d’âge. Par ailleurs, étant peu spécifique, C. felis à souvent tendance à infester tous les animaux d’un même foyer, quelle que soit l’espèce. Ainsi, chez les chats et chiens inclus dans l’étude et porteurs de C. felis, il aurait été intéressant de prélever les autres animaux du foyer. De plus, un point intéressant à soulever est le fait que des animaux traités régulièrement contre les parasites externes étaient infestés par ces puces. Les produits les plus utilisés sur les chats et chiens sont généralement des pipettes à base de fipronil or, certaines études ont montré l’apparition d’une résistance de C. felis à cet insecticide (Payne et al., 2001 ; Schenker et al., 2001 ; Bass et al., 2004). Cependant, dans l’étude que nous avons réalisée, il est difficile de savoir si le manque d’efficacité observé est dû à une résistance ou à un défaut d’observance du traitement. Les objectifs de notre étude étant autres, ces points-là n’ont pas été approfondis.

Comme déjà mentionné, de nombreuses études antérieures ont montré que l’espèce de puce principalement associée aux chats est C. felis (Annexe 1). D’autres espèces, non retrouvées chez les félins domestiques de notre population, ont été décrites chez le chat en France : C. canis, P. irritans, A. erinacei, S. cuniculi, Ceratophyllus sp., X. cheopis, L. segnis (Deloffre, 2001). Cependant, leurs prévalences sont beaucoup plus faibles que pour C. felis. Par exemple, C. canis représente moins d’1 % des puces infestant le chat, ce qui en fait un hôte potentiel mais certainement accidentel (Cadiergues, 2000 ; Deloffre, 2001). En effet, des études menées en laboratoire ont montré que la reproduction des puces C. canis est plus efficace chez le chien que chez le chat (Cadiergues, 2000).

Les résultats sont plus variables pour les chiens, même si C. felis s’est avérée être l’espèce de puce la plus commune, chez les canidés domestiques, en France (Choquart, 1999) et dans de nombreux pays (Annexe 2). La deuxième espèce rencontrée dans cette étude est C. canis, avec une prévalence de 10 %. Des études rapportent que, dans certains pays européens, C. canis peut être l’espèce retrouvée de façon prédominante et sous forme d’infestations massives comme en Grèce (Koutinas et al., 1995), en Irlande (Wall et al., 1997), en Hongrie (Farkas et al., 2009), en Albanie (Xhaxhiu et al.,

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2009 ; Shukullari et al., 2017), mais aussi sur d’autres continents comme au Nigeria (Omonijo, Sowemimo, 2017) et en Iran (Ebrahimzade et al., 2016). Pour P. irritans, rencontrée dans notre étude chez 8 % des chiens, la prévalence dépasse rarement 10 % d’après les nombreuses études déjà réalisées (Annexe 2).

Ces écarts entre les prévalences des différentes espèces de puce retrouvées peuvent s’expliquer par la spécificité ou la préférence d’hôte de chacune. Bien que les facteurs régissant la préférence d’hôte des puces ne soient pas encore totalement élucidés, il a été montré que certaines espèces, comme C. felis, ont un spectre d’hôtes très large (Dryden, Rust, 1994 ; Bitam et al., 2010) alors que d’autres, telles que C. canis, ont un spectre bien plus réduit. En effet, comme expliqué précédemment, C. canis infeste surtout les canidés domestiques et sauvages (Beaucournu et al., 1990). Un autre facteur pouvant expliquer ces différences de prévalence est la tolérance plus étroite de C. canis aux changements de conditions environnementales (Baker et Elharam, 1992 ; Dryden, 1993). Ainsi, une espèce originaire d’Afrique, comme C. felis, serait mieux adaptée à la chaleur typique dans les villes et à l’intérieur des bâtiments (Chesney, 1995) qu’une espèce dite septentrionale comme C. canis (Beaucournu et al., 1990).

Dans la présente étude, il a également été remarqué que la diversité des espèces de puces infestant le chien est plus importante que chez le chat. De même, chez nos canidés domestiques, il ne semble pas rare de trouver plusieurs espèces de puces sur un même animal, mais C. felis fait généralement partie de ces co-infections. En France, une étude a déjà montré qu’il était commun de retrouver, en plus de C. felis, d’autres espèces telles que P. irritans, C. canis, S. cuniculi, A. erinacei et Ceratophyllus spp (Choquart, 1999). De plus, des infestations mixtes ont déjà été observées dans d’autres pays comme en Hongrie (Farkas et al., 2009), au Royaume-Uni (Bond et al., 2007), en Espagne (Gálvez et al., 2017), en Allemagne (Beck et al., 2006), en Grèce (Koutinas et al., 1995), aux Etats-Unis (Harman et al., 1987), au Costa Rica (Troyo et al., 2012), en Colombie (Cañón-Franco, Pérez-Bedoya, 2010) et en Thaïlande (Changbunjong et al., 2009).

La majorité des puces des espèces P. irritans et C. canis a été retrouvée sur des chiens vivant dans des milieux ruraux et ne recevant pas de traitement antiparasitaire externe. Il est, en effet, décrit que l’hôte domestique habituel de C. canis est le chien vivant généralement à l’extérieur et en altitude, dans des conditions dites semi-naturelles, comme les chiens de berger (Beaucournu et al., 1990 ; Franc, 1998). Par ailleurs, P. irritans est souvent retrouvée sur les ovins et caprins (Buckland et Sadler, 1989 ; Christodoulopoulos et Theodoropoulos, 2003 ; Bitam et al., 2010 ; Gracia et al., 1999 ; Domínguez- Peñafiel et al., 2011). Il n’est donc pas étonnant que des chiens vivant à la campagne, donc potentiellement en contact avec ce type d’animaux, soient infestés par cette espèce. Encore une fois,

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il aurait été intéressant de pouvoir prélever les animaux au contact de ces chiens afin de pouvoir investiguer davantage ces infestations par P. irritans.

Une seule puce appartenant à l’espèce A. erinacei a été prélevée. Il est fort probable que le chien ait été accidentellement infesté par cette puce, en chassant ou simplement en entrant en contact avec son hôte originel, le hérisson (Whiting et al., 2008). Un grand nombre de ces petits mammifères vivent en milieu rural aussi bien qu’en milieu urbain, et croisent parfois des carnivores domestiques à qui ils peuvent transmettre des parasites. En effet, certaines études ont montré que les hérissons représentent une véritable source d’ectoparasites, notamment de tiques et de puces (Dziemian et al., 2015 ; Girisgin et al., 2015 ; Hajipour et al., 2015), et qu’ils contribuent ainsi à la dissémination d’agents pathogènes zoonotiques (Keymer et al., 1991 ; Riley et Chomel, 2005 ; Jahfari et al., 2017). Le fait qu’A. erinacei soit plus souvent rencontrée sur des chiens que des chats suggère que les chats présentent moins d’intérêt, ou du moins sont plus circonspects à l’approche des hérissons (Bond et al., 2007).

La prévalence de l’infestation par les puces chez les carnivores domestiques ainsi que le nombre total de puces par animal (ou charge parasitaire ou degré d’infestation) n’ont pas été déterminés du fait du protocole d’échantillonnage. En effet, ce dernier prévoyait que seuls les animaux présentant une infestation par les puces soient inclus dans l’étude. Or, la plupart du temps, les animaux étaient amenés en consultation pour des raisons autres que le parasitisme et l’observation de puces était souvent fortuite. Le peignage des animaux ne pouvait pas être exhaustif ; sa durée l’aurait alors rendu incompatible avec le temps accordé à une consultation en clinique vétérinaire. Ce paramètre, ainsi que le manque de coopération de certains animaux, compliquaient parfois les prélèvements et ne permettaient pas de récupérer le nombre requis de puces. De même, afin d’avoir de réelles informations sur l’existence ou non d’un lien entre les zones géographiques françaises et la prévalence des espèces de puce, il aurait fallu prélever des échantillons dans plus de régions et de façon équitable. Des études sur ce thème avaient déjà été réalisées en France (Choquart, 1999 ; Deloffre, 2001) ; il aurait été intéressant de poursuivre ce travail et d’observer, ou non, une éventuelle évolution depuis 20 ans. Cependant, l’obtention de ces données ne faisait pas partie des objectifs de ce travail.