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Chapitre 3 : Méthodologie de l’enquête

3. Les entretiens informels comme nouveau départ

Aussi informels qu’ils soient, ces entretiens ont été une ressource essentielle à ce travail de recherche, qu’est l’étude sur les jeunes pratiquants et les activités nautiques. Ils ont été l’élément déclencheur de notre sujet d’étude. Les entretiens considérés informels sont très différents des entretiens formels puisqu’ils laissent libre choix aux questions, à la posture, aux lieux etc. Contrairement aux entretiens formels de type semi-directif, l’objectif n’était pas de vérifier une hypothèse en recherchant des données empiriques subjectives mais plutôt de trouver matière à travailler sur le sujet des jeunes et des activités physiques et sportives. Après la rencontre de huits personnes et dès la réalisation de cinq entretiens, nous leurs avons trouvé un lien correspondant à notre objet d’étude.

a. Méthodologie adaptée : la théorie ancrée

Pour chacun des entretiens informels, nous nous sommes assurés d’avoir une ouverture complète sur l’environnement qui nous entourait lors de l’échange. Effectivement, dans ce type d’entretien, le cadre et le contexte est tout aussi important que les propos donnés par l’interviewé. La veille de chaque départ sur le terrain, nous nous assurions d’avoir rassemblé un matériel complet composé de feuilles blanches pour les croquis, un appareil photos pour des prises de vues instantanées (météo, placement, cadre de la pratique physique …), un bloc note en guise de journal de terrain, le dictaphone pour l’enregistrement des échanges. Ce dernier outil est selon nous, indispensable à un échange naturel et spontané puisqu’il permet de se rendre entièrement disponible physiquement ; c'est-à-dire dans l’attitude mais aussi mentalement c'est-à-dire, se donner une disponibilité d’esprit comme l’explique si bien

40 l’ethnologue Annie-Hélène Dufour25

. Comme dernier outil, le planning détaillé pour le respect des horaires méticuleusement choisis que voici :

Dates Communes Départ Quimper Heure d’arrivée Temps de pause Heure de départ Durée temps de terrain Retour Quimper 06/04 Brest 8h30 9h30 12h30-13h30 16h30 6h 17h30 08/04 Crozon 8h30 9h30 12h30 -13h30 16h30 6h 17h30 12/04 Plomeur (Pointe de la Torche) 8h50 9h30 12h30 -13h30 16h30 6h 17h10 13 /04 Plouescat 8h30 9h45 12h45 -13h45 16h15 5h30 17h30 14/04 Douarnenez 8h30 9h00 12h00 -13h00 16h 6h 16h30 15/04 Bénodet 9h00 9h30 12h30-13h30 16h30 6h 17h00

Tableau 2 Planning des entretiens de terrain

Nous avions aussi défini l’emplacement pour chaque destination dans le but de rencontrer le plus de monde possible et le plus de jeunes possible. Nous avions deux emplacements par jour. L’un ciblait un site de pratique sportive pour augmenter les chances de faire des rencontres de personnes pratiquants des activités physiques ou sportives. L’autre était public et suivait l’objectif de diversifier le profil des individus rencontrés et plus précisément, les profils de pratiquants de sport de nature. La totalité de ces matériaux, hormis le dictaphone, n’était pas visible de nos interlocuteurs, ils étaient manipulés avant et après l’échange, uniquement.

Notre méthode à cet instant, s’est en fait dirigée vers une analyse par la théorisation ancrée. Cette méthode a été théorisée par deux sociologues américains notamment Anselme L. Strauss. Elle est présentée dans un livre intitulé The Discovery Of Grounded Theory.26

25

« Permettre un échange qui s’approche des conditions naturelles de la conversation, ce qui n’est pas sans effet sur la qualité des informations recueillies ainsi d’ailleurs que sur la qualité de la relation qui s’établit avec l’informateur » Dufour Annie-Hélène, « L’ethnologue et l’enregistrement de terrain », Bulletin de liaison des

adhérents de l'AFAS [En ligne], Archives des Sonorités, mis en ligne le 01 juillet 2002, consulté le 05 avril 2016.

26

Barney G. Glaser

,

Anselm A. Strauss

,

« La découverte de la théorie ancrée. Stratégies pour la recherche

41 A l’inverse des méthodes plus « traditionnelles », la théorie « ancrée », autrement dit « enracinée », commence par la collecte de données pour ensuite y chercher un constat qui a du sens. Au lieu de commencer par la construction d’une hypothèse dans un champ et un cadre théorique donné et défini et pour ensuite la vérifier sur le terrain, cette autre méthode dégage d’abord des données empiriques afin de construire des théories à partir de ces données, à partir de ces situations de terrain. L’objectif était alors d’identifier grâce à une série de « codes » tirés des éléments du journal de terrain, des images, des enregistrements etc, des catégories. Ces catégories représentent des phénomènes observés qui construisent en quelque sorte la théorie.

Pour respecter la démarche de la théorie et pour faciliter notre entrée et notre travail sur le terrain, nous nous sommes inspirés d’un écrit d’Anne Revillard, sociologue et professeure en Sciences Po, OSC-LIEPP.27 Voici la trame que nous avons tenté de suivre au plus près sur le terrain :

 Notes descriptives :

Décomptes, caractéristiques des individus, bribes de propos, description des lieux, Vocabulaire neutre

 Réflexion méthodologiques :

Condition entrée sur le terrain, évolution relation avec enquêté, difficultés + analyser

 Notes d’analyse :

Bribes d’interprétation, hypothèses, amorces de généralisation, connexion avec des concepts et théories

27

Anne Revillard, « Observation directe et enquête de terrain », https://annerevillard.com/observation-directe-et- enquete-de-terrain/, consulté le 7/04/2016

42  Notes prospectives :

Comportement lors du prochain entretien, les choses à vérifier, à observer

 Réflexions personnelles

Impressions subjectives, positives ou négatives (admiration, rejet…), jugements, convictions auto-analyse

Quelques questions selon nous étaient indispensables pour notre enquête, que ce soit des touristes comme nous le voulions au départ, ou des locaux comme nous avons fini par interroger étant donné l’absence relative de touristes. Nous avons interrogé les pratiquants sur leur pratique, la raison du lieu de leur pratique, la raison pour laquelle ils pratiquent telle ou telle activité, ce qu’ils éprouvent en pratiquant, comment ils sont arrivés à pratiquer l’activité. Nous avons interrogé leur provenance, posé des questions sur leurs âges, leurs métiers ou études, les destinations de vacances lorsque ce sont des locaux et les autres lieux où ils se sont déjà rendu pour des vacances.

b. Posture et attitude adoptée sur le terrain

Ce type d’entretien demande une attitude et un comportement adapté à l’interlocuteur. Contrairement à un entretien formel, l’entretien informel n’impose rien à l’échange. La discussion n’est absolument pas guidée, elle suit simplement un thème. Ici, il s’agissait de l’activité nautique du pratiquant rencontré. Dans ce cadre, c’est le « franc-parler » qui prime. « Il s’agit justement de s’appuyer sur les formes ordinaires des échanges sociaux pour donner l’apparence d’une conversation à un entretien qui supprime son statut formel (…)»28

Nous étions alors dans une recherche de complicité et nous n’avons pas hésité à adopter le tutoiement quand nous le ressentions possible.

28

Bruneteaux Patrick, Lanzarini Corinne, « Les entretiens informels », In: Sociétés contemporaines N°30, 1998. P.166

43 Notre posture de chercheur était explicitement connue par l’interlocuteur. Dès la première approche, nous nous présentions comme stagiaire à Finistère Tourisme et étudiante à Brest. Nous avons d’emblée présentés notre rôle au sein de l’organisation et nos objectifs de recherche. Le tout était finalement de faire oublier au pratiquant interrogé notre posture au fur et à mesure de l’échange.

Nous devions également faire attention au langage utilisé. Dans ce type d’échange, l’emploi d’un niveau de langage soutenu dénoterait complètement avec l’objectif de proximité. Cela rappellerait à l’enquêté, l’objectif de l’échange que l’on cherche à masquer et à lui faire oublier. Certains termes comme « à ton avis » sont donc à proscrire car ils exhibent et témoignent de la démarche entreprise pour obtenir un échange.

Durant l’échange, nous devions mettre en place quelques techniques, parfois complexes, d’attitude et de réflexions intériorisées. Effectivement, toujours dans ce même objectif de dissimulation, il était important de ne pas entrer dans une discussion composée de relances n’ayant aucuns liens avec le récit de l’enquêté. Il était nécessaire de rebondir toujours sur les propos et les expériences de nos enquêtés pour ne pas donner l’impression de vouloir « faire- parler ». Aussi, nous n’hésitions pas à donner nos opinions, nos points de vue, même dans les cas où nous n’étions pas d’accord. Cependant, nous prenions les précautions de ne pas contrarier ou mettre en colère l’interlocuteur. Notre avis était exprimé selon l’ouverture et le comportement de la personne et selon le sujet évoqué.

Enfin, comme l’insinue Patrick Bruneteaux et Corinne Lanzarini dans leur article sur les entretiens informels, le plus difficile pour l’enquêteur est de mémoriser la discussion mais surtout, faire plusieurs choses à la fois pour détenir un maximum d’informations à traiter par la suite.29

29

« Souplesse, mémorisation, relances informelles, exploration globale et centrée, mise en fragilité de l’enquêteur qui « ne sait pas », responsabilisation constituent autant de petites techniques qui sont pesées à chaque phrase pour se demander quelle orientation est la bonne. Il y a, comme dit J.-C. Kaufmann, « une enquête dans l’enquête » (1996). » Bruneteaux Patrick, Lanzarini Corinne, « Les entretiens informels », In: Sociétés contemporaines N°30, 1998. P.166

44 c. Les limites rencontrées dans le cadre de la théorie ancrée

Malgré une préparation à l’avance bien peaufinée, nous n’avons pu suivre à la lettre toute la programmation terrain. Nous n’avons pas eu non plus les moyens d’aller jusqu’au bout de notre marche d’investigation. Nous nous sommes effectivement arrêtés au bout de la troisième journée de terrain. La méthodologie par théorie ancrée n’a pas pu fonctionner comme nous l’aurions voulu, ceci, dû à différents problèmes et contraintes rencontrées :

Tout d’abord, la période de vacances n’était clairement pas la plus adaptée. Nous l’avions déjà interpréter lors de la phase exploratoire. Nous avions su par le questionnaire mis en place dans le cadre de l’état des lieux que d’une manière générale, les départs en vacances se constataient principalement sur la période estivale et hors vacances scolaire à près de 75%. Bien que le printemps se trouvait être la 3ème réponse donnée, nous avons dès le début sur le terrain rencontré très peu de touristes et très peu de jeunes.

Non seulement nous n’avons croisé que peu de touristes sur des lieux pourtant les plus fréquentés en Finistère lors des vacances, mais en plus, nous nous sommes concentrés sur un public cible absent. Les jeunes adultes que nous voulions questionner étaient complètement absents du terrain. Le peu de fois où nous en croisions, il s’agissait de jeunes locaux. De plus, très rares étaient ceux qui pratiquaient une activité physique ou sportive nautique voire, de nature. Malgré tous les devants que nous avions pris, nous avions omis de vérifier l’ouverture de certains prestataires de loisirs sportifs sur les vacances de printemps. L’un d’eux n’était donc pas ouvert.

L’absent de touristes et de promeneurs est aussi le résultat d’une météo pas très avantageuse et encourageante. Le travail de terrain avait était daté sur la seule période de vacances qu i nous restait devant nous, celles des vacances de pâques. Effectivement, nous ne pouvions choisir librement les dates car notre stage finissait fin mai. En l’absence de cette contrainte, nous aurions bien évidemment choisi l’été comme dates d’investigation de terrain.

Nous ajouterons, qu’au-delà d’un manque de marge de manœuvre dans le choix des dates, nous étions énormément limités dans le temps puis qu’il nous restait deux mois après cela pour poursuivre et terminer l’analyse des réponses du questionnaire et mettre en place d’autres méthodologie d’enquête pour le bien fait de notre étude.

Nous terminerons par évoquer les contraintes institutionnelles rencontrées malgré une anticipation mise en place. Le changement de direction, le départ en vacances de nombreux

45 membres de l’organisation, les obligations horaires liées au prêt d’une voiture de fonction sont quelques-unes des entraves rencontrés.

Bien que nous nous soyons heurtés à de nombreuses contraintes, nous avons récoltés quelques entretiens et quelques données intéressantes quant à notre sujet d’enquête sur les pratiques et les pratiquants d’activités nautiques.

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