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2.3 Le sacré se substitue au cabaré

3.1.1 Les enfants : l’importance du support familial

Pour les femmes qui ont des enfants, la décision de migrer par l’intermédiaire d’un club impliquait aussi de décider avec qui les laisser. Généralement elles recouraient aux grands parents des enfants, avec qui ils restaient jusqu’à leurs retours ou jusqu’à ce qu’ils obtiennent

385 Interviewée en 2011 au Suriname ; elle avait un visa du pays renouvelable tous les deux ans.

386 Quirina fut une des femmes qui éprouva une émotion très forte en parlant de ses enfants, principalement quand

je lui ai demandé si jamais elle avait pensé les amener au Suriname, parce que, quand elle migra son intention était de revenir au Brésil pour leur donner une vie meilleure, mais jamais elle ne retourna au Brésil (à l’époque de l’entretien, elle avait migré depuis déjà quatorze ans).

387 Selon Quirina, ce fonctionnaire était connu pour créer des difficultés avec les demandes de mariage concernant

les Brésiliennes et les hommes surinamais, et elle agissait ainsi parce qu’elle avait été mariée et le mari l’avait abandonnée pour une Brésilienne.

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l’indépendance financière, en ayant plus de 18 ans. Sur le terrain, il fut rencontré des femmes qui étaient au Suriname depuis plus de seize ans et dont les enfants étaient restés avec ceux qui les abritaient depuis le jour de leur départ — une responsabilité pour qui accepte de prendre soin des enfants et des adolescents de celles qui partent avec l’intention de leur donner une vie meilleure

La majorité des enfants de femmes interviewées était, au Brésil, sous la responsabilité, principalement, d’une femme, mais il y a des cas d’ex-maris (les pères) qui restèrent avec eux, unique moment où la figure masculine apparaît dans l’accueil des enfants après la séparation du couple. Les grands-parents maternels représentent ceux qui ont le plus la garde (neuf), suivis par les ex-maris (trois) et par les grands-parents paternels (deux) ; et l’une des femmes laissa un des enfants avec une amie. Douze des femmes qui voyagèrent au Suriname par l’intermédiaire des clubs avaient des enfants quand elles partirent, et au moment de la recherche treize étaient mères pour un total de 32 enfants (Tableau 7).

Tableau 7 : Les responsables pour les enfants durant l’absence de la mère.

Responsables Nombre de mères* Nombre de d’enfants

Grands-parents maternels 9 15

Ex-maris 3 8

Grands-parents paternels 2 4

Amie 1 1

N’avaient pas d’enfants au

moment du voyage 2** -

* Treize des femmes interviewées qui voyagèrent pour les clubs de prostitution du Suriname avaient des enfants au moment de la recherche, mais le nombre de mères citées dans ce tableau diffère parce que la majorité de celles qui avaient plus d’un enfant ne les laissèrent pas tous dans la même maison ; ainsi une mère peut avoir laissé un des enfants dans la maison des grands-parents maternels et l’autre dans la maison d’une amie.

** Une d’elle, au moment de la recherche, avait deux fils, qui naquirent au Suriname et sont avec elle et le mari. L’autre est sans enfant et continue dans le marché du sexe.

En général, les femmes qui avaient plus d’un enfant optèrent pour les séparer, principalement entre les grands-parents maternels et paternels. Des 28 enfants qui restèrent au Brésil quand la mère partit au Suriname, dix-neuf restèrent avec les grands parents. A parler du moment durant lequel elles laissèrent les enfants avec une autre personne pour pouvoir voyager, diverses émotions affleurèrent, un mélange d’impuissance, de peur, de courage, de responsabilité et d’espoir d’un futur meilleur — désir que plusieurs femmes, même après quelques années, ne réussirent pas à réaliser.

189 Le jour où je suis partie, j’ai trop pleuré, j’ai embrassé très fort mes enfants. Maintenant cela me donne encore envie de pleurer. J’ai embrassé Vânia et Marlon. Ma mère ne savait pas que je voyageais [au Suriname], rien, personne. Sandro je l’ai laissé avec ma mère, [...]. Après, moi ici, après deux mois de présence ici au Suriname, j’ai demandé qu’on avise ma mère. Sauf que ma mère ne savait pas où j’étais, je n’avais pas dit ce que je venais faire, mais la famille du père de mes enfants savait. [...]. (Lara, 52 ans, propriétaire d’une cantina et d’un cabaré, trois enfants, interviewée en 2011 au Suriname)

Les trois femmes qui recoururent aux ex-maris, même en sachant qu’elles couraient le risque de perdre la garde des enfants, le firent parce qu’elles ne pouvaient pas les laisser avec les grands parents. Yasmin (34 ans, cuisinière de restaurant, deux filles, interviewée en 2011 au Suriname) fut l’une d’elles :

– Quand je suis venue ici ils restèrent avec le père. – Tu étais déjà séparée de lui ?

– Oui déjà, j’étais déjà séparée. A cette époque, ils étaient avec moi, seulement quand j’ai décidé de venir ici, je ne lui ai pas dit où j’allais. Je lui ai dit que j’allais travailler, mais je ne lui ai pas dit que je venais au Suriname. J’ai dit : « Alors, tu vas rester avec mes filles, seulement je ne te les donne pas, je te les laisse seulement pour un temps ». Puis je suis venue.

Laisser les enfants avec le père n’est pas toujours synonyme de tranquillité, même quand elles participaient financièrement aux dépenses (et toutes affirmèrent qu’elles envoyaient de l’argent pour les dépenses des enfants qui étaient restés)

De quinze en quinze jours, je leur envoyais de l’argent. Seulement quand j’envoyais de l’argent, j’appelais toujours pour savoir s’il était bien arrivé et combien cela avait fait. Alors une fois, j’ai eu l’occasion de parler avec ma fille, et j’ai demandé : « Fille, où est ton père ? ». Elle a dit : « Mère, chaque fois que tu envoies de l’argent, papa va au bar, à boire avec ton argent ». [...] j’ai demandé de payer le plan de santé pour ma fille mineure, seulement il ne l’a jamais amenée chez le médecin ; Le plan que je payais qui était de Unimed, il ne l’y a jamais amenée. Alors ma fille m’a dit qu’il ne faisait que dépenser l’argent que j’envoyais pour elles. Il sortait avec sa femme et les deux buvaient. Plusieurs fois j’ai appelé le Brésil — il m’arrivait d’appeler le Brésil à des neuf heures, neuf heures et demi de la nuit, jusqu’à dix heures —, ma fille me disait : « Maman j’ai faim ». « Et l’argent que j’ai envoyé ? » « Ah, papa est en train de le boire. » (Yasmim, 34 ans, cuisinière de restaurant, deux filles, interviewée en 2011 au Suriname)

Une seule des femmes revint pour chercher un des enfants après qu’il eut complété 19 ans et elle l’emmena pour travailler au garimpo ; celle qui était au Suriname avait seize ans à l’époque de la recherche de terrain, les enfants étaient restés avec le père ; une autre, bien qu’elle

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ait laissé les enfants avec la grand-mère paternelle, eut des difficultés pour les récupérer, car le père intervint et voulut empêcher le départ de la maison de la grand-mère, l’obligeant à recourir à la justice pour retrouver la garde ; une autre retourna un an après pour chercher les filles et eut des problèmes avec son ex-mari, pour les récupérer :

Après une année j’ai résolu d’aller au Brésil, pour les chercher. Il m’a dit qu’il allait me les laisser mais il ne l’a pas fait. La seconde fois, je suis retournée à nouveau au Brésil, et là il m’a laissé les deux, alors je les ai amenées. Mais il m’a dit qu’il allait me les laisser que six mois, que je devais revenir, sinon il allait m’envoyer la police. Mais je savais ce que mes filles vivaient, la belle- mère les maltraitait, la plus vieille, la belle-mère la battait avec un tuyau. Elle appelait ma fille de traînée, lui disait qu’elle deviendrait une pute, qu’elle serait cela, elle disait beaucoup de choses sur elle, elle battait la petite. Alors elles ont vécu des moments difficiles, et quand j’ai réussi à les récupérer, nous ne sommes pas retournées, je ne les ai pas laissées repartir. Alors il m’a dit qu’il allait me mettre la police au train. J’ai dit : « Dans ce cas fais-le ». Elles ont passé cinq ans ici avec moi. Maintenant, en décembre, elles sont parties parce qu’il a un cancer, et pour ça je les ai laissées repartir. Mais, ainsi, ma vie au Brésil n’a pas été très bonne, alors je n’ai plus l’envie de vivre au Brésil. (Yasmim, 34 ans, cuisinière de restaurant, deux filles, interviewée en 2011 au Suriname)