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Chapitre 1. État des connaissances

1.2. Revue de la littérature

1.2.9. Les effets des politiques de gratuité des services

1.2.9.1. Les effets des politiques de gratuité des soins sur l’utilisation des services

Plusieurs études ont analysé les effets de la gratuité sur les résultats en santé maternelle, d’autres se sont également intéressées aux effets sur les résultats en santé infantile. En particulier, McKinnon et coll. (2014) ont montré que l’exemption des frais d’utilisation était associée à une augmentation de 3,1 accouchements pour 100 naissances vivantes et une réduction estimée de 2,9 décès néonataux pour 1 000 naissances dans trois pays d’Afrique subsaharienne [113].

Au Ghana, la mise en place de la gratuité des accouchements assistés par un personnel de santé qualifié a durablement et considérablement augmenté le taux d’accouchements assistés par du personnel de santé qualifié [114]. Ces résultats sont concordants avec ceux issus d’une étude quasi expérimentale réalisée dans 5 pays africains qui a montré que l’exemption des paiements a augmenté de 27 % le taux d’accouchements assistés par du personnel de santé qualifié et le taux de césarienne de 0,7 % [115]. Dans cette étude et dans une autre réalisée dans 4 autres pays africains, les femmes pauvres et non éduquées ainsi que celles des zones rurales en ont le plus bénéficié [115].

En ce qui concerne le contexte du Burkina Faso, des études visant à évaluer les effets de la gratuité des services sur les résultats de santé maternelle et infantile et sur l’équité dans l’accès aux soins ont été réalisées dans le cadre d’un programme de recherche réunissant l’Université de Montréal, l’organisation non gouvernementale HELP et ECHO, la branche humanitaire de la Commission européenne [24, 26, 27, 116-119]. En s’appuyant sur des données d’enquêtes de ménages répétées et des données issues du système national d’information sanitaire, ces études ont montré que la gratuité des services a augmenté le recours aux soins infantiles lorsqu’on ajuste pour la distance et le niveau de sévérité de l’épisode de maladie autorapporté (RR = 1,52 ; IC 95 % = 1,23–1,88) [26]. Les effets étaient plus importants pour les enfants issus de familles pauvres lorsque le besoin de santé est grave et les services à proximité (RR = 5,23 ; IC 95 % = 1,30–20,99) [26] tandis que l’association n’était pas significative pour ces mêmes enfants habitant à plus de 5 km des centres de santé (RR = 1,28 ; IC 95 % = 0,90–1,82) et pour les épisodes de maladie non sévères, quelle que soit la distance [26]. En plus, elle a été

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associée à la réduction des dépenses de santé appauvrissantes et des dépenses de santé des ménages particulièrement pour les ménages les plus pauvres [27, 119]. Par ailleurs, une récente étude a montré que la gratuité des services de santé a permis de renforcer le pouvoir d’agir des femmes de cette région pour une meilleure prise en charge des enfants en cas de maladie, de sorte qu’elles n’ont plus besoin de l’autorisation de leur conjoint pour conduire les enfants dans les centres de santé en cas de maladie [11]. En l’absence de groupes contrôles, ces études comparaient les résultats dans la même population avant et après le début des interventions, sur une très courte période, ce qui limite la portée des résultats dans le sens où il est impossible de prédire le maintien des effets à long terme.

Dans les autres pays d’Afrique subsaharienne, la même tendance à l’augmentation du recours aux soins a été aussi observée. Ainsi, la gratuité des services était associée à une augmentation immédiate de l’utilisation des services chez les enfants de moins de cinq ans au Mali, avec une fréquentation 1,5 plus élevée pendant la saison pluvieuse comparativement à la saison sèche [120]. L’effet a été maintenu dans tous les centres de santé jusqu’à trois ans après le début de l’intervention [120].

En utilisant les données de trois enquêtes répétées dans les mêmes ménages (un an avant et deux après l’intervention), une étude réalisée au Kenya a montré que la mise en place de la gratuité des services a augmenté le recours aux soins pour les enfants malades des villages ayant bénéficié de l’intervention par rapport aux villages sans intervention [121], ajusté sur l’âge, le lieu de résidence et la sévérité de la maladie (RR = 5.31; IC 95 % = 2.64–10.67). Lagarde et collaborateurs ont montré à l’aide de données du système national d’information sanitaire que l’exemption des paiements a entraîné une augmentation des taux d’utilisation des services de santé de 40 % en Zambie et de 98 % au Niger, mais cet effet ne s’est pas maintenu dans le temps, dans ces deux pays [122]. En revanche, dans une étude réalisée en Zambie, Masiye et coll. n’ont trouvé aucune preuve de changements dans le recours aux soins pour les moins de cinq ans ni sur la détérioration de la qualité des services, mais une hausse de la charge de travail des agents de santé [123].

Mpuga et collaborateurs, combinant des données d’enquête de ménages (un an avant et un an après l’intervention) et des données administratives ont montré que l’exemption des paiements a entraîné une réduction de 8 % de la probabilité de non-recours aux soins en cas d’épisode de

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maladie chez les enfants de moins de cinq ans et une hétérogénéité des effets à l’échelle régionale en Ouganda [31]. Cependant, des résultats mitigés ont été mis en évidence dans le contexte sud-africain [124]. Effet, s’il y a eu une augmentation des consultations curatives à la suite de la mise en œuvre de la gratuité, les services préventifs ont connu une baisse durant la période d’étude. Par ailleurs, le nombre de nouvelles inscriptions, pour la surveillance de la vaccination et de la croissance, a augmenté, dans un premier temps, avant de diminuer par la suite.

1.2.9.2. Les effets des politiques de gratuité des soins sur la santé infantile

Si la plupart des études sur les effets des politiques de gratuité se sont focalisées sur l’utilisation des services, très peu ont analysé les effets de ces politiques sur la morbidité infantile. Dans un essai randomisé communautaire réalisé au Ghana, Ansah et collaborateurs n’ont trouvé aucune association entre l’exemption des paiements et la morbidité mesurée par la prévalence de l’anémie sévère et modérée et le statut nutritionnel [125, 126].

En revanche, les résultats d’une étude transversale répétée en Ouganda ont montré que l’exemption des paiements a réduit de 4,4 % de la propension d’épisodes de maladies autorapportée chez les moins de cinq ans [31]. Une autre étude a rapporté une baisse de 40 % de la proportion d’enfants présentant une maladie fébrile au Mali, grâce à un accès accru aux services préventifs, à la suite de la mise en œuvre de plusieurs interventions en santé publique, dont l’exemption des paiements [127].

Par ailleurs, une récente étude utilisant des données d’enquêtes démographiques et de santé, à deux passages, réalisée dans plusieurs pays d’Afrique a conclu à une réduction des décès néonataux de 2,9 pour 1 000 naissances (IC 95 % = -6,8−1,0), suite à la mise en œuvre des politiques d’exemption des paiements [113].

Enfin, en ce qui concerne l’impact sur la mortalité infantile, une étude de simulation réalisée en 2005 a estimé que l’élimination des paiements directs permettrait de sauver chaque année la vie d’environ 233 000 enfants de moins de cinq ans dans 20 pays d’Afrique [128]. Au Burkina Faso, une autre étude de simulation a montré que la mise en œuvre de l’intervention pilote d’exemption des paiements a permis de sauver 593 vies d’enfants de moins de cinq ans (minimum = 168, maximum = 1060) un an après la mise œuvre dans les deux districts [23].

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Ceci équivaut à une baisse du taux de mortalité infantile de 235 décès pour 1 000 naissances vivantes en 2008, à 210 en 2009 [23]. Cette étude a aussi révélé que le passage à l’échelle de cette intervention sauverait entre 14 000 et 19 000 vies d’enfants de moins de cinq ans [23].

1.3. Les lacunes de la littérature sur les effets des politiques de