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interventions de santé publique

2.1. L’évaluation des interventions de santé publique

Les interventions de santé publique visent à promouvoir, à protéger la santé ou à prévenir les problèmes de santé dans la population [134]. Elles peuvent être de nature biomédicale telles que les programmes de vaccination, de dépistage, d’élimination de la présence d’un facteur de risque comme l’hypertension artérielle [135]. Elles peuvent également être de nature éducative comme la formation de professionnels de santé à la prise en charge précoce ou à la prévention d’une maladie ou d’un facteur de risque, ou même encore la promotion de mesures préventives au niveau de la population. Elles peuvent enfin, avoir un caractère social ou économique tel que les mesures politiques comme la gratuité des services pour inciter l’utilisation de services préventifs ou curatifs, ou les actions sociales ciblant des groupes défavorisés [135].

L’évaluation des interventions de santé publique est un domaine essentiel du processus d’élaboration des politiques de santé publique [136] et également une fonction essentielle de l’épidémiologie [137]. Elle est perçue comme le processus de détermination, de manière aussi systématique et objective que possible, de la pertinence, de l’efficacité, de l’efficience et de l’impact des interventions par rapport aux objectifs établis [137].

2.2. La contribution de l’épidémiologie

La contribution de l’épidémiologie à l’évaluation des interventions de santé publique s’inscrit dans le contexte plus général de la science de l’application des connaissances issues de la recherche (implementation science) [138]. Ainsi, l’épidémiologie peut contribuer 1) à l’établissement des preuves en santé publique, 2) à l’estimation de l’effet causal des interventions en santé publique, 3) à orienter le choix des plans d'étude et des méthodes d’analyse appropriés.

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2.2.1. La contribution de l’épidémiologie à l’établissement des preuves en

santé publique

Les preuves pertinentes pour la prise de décision et l’application des connaissances en santé publique peuvent prendre plusieurs formes, notamment en tant que données sur l’ampleur des problèmes de santé publique, sur les causes des problèmes de santé publique et sur les interventions de santé publique efficaces pour améliorer la santé des populations [139]. Les interventions de santé publique basées sur des preuves sont au cœur de l’application des connaissances issues de la recherche, car l’accent est souvent mis sur la possibilité de mise à l’échelle et la diffusion des interventions de santé publique éprouvées [139]. Dans le domaine de l’application des connaissances issues de l’évaluation des interventions de santé publique, l’épidémiologie permet de décrire et de valider la qualité de ces preuves en analysant la validité interne et le potentiel de généralisabilité [140, 141].

2.2.2. La contribution de l’épidémiologie à l’estimation de l’effet causal des

interventions en santé publique

Dans le domaine de l’évaluation des interventions en santé publique, les chercheurs comparent en général les résultats de santé d’une population exposée à une intervention à ceux d’un groupe de contrôle externe non exposé à la même intervention [142]. Le but est d’estimer l’effet causal, c’est-à-dire une mesure quantitative de la différence entre le niveau de résultat de santé si la population cible a été exposée et le niveau de résultats si cette même population n’a pas été exposée [143].

Déterminer qu'une association ou que l’effet d’une intervention de santé est causal peut avoir de profondes implications en matière de santé publique, indiquant la nécessité ou au moins la possibilité de prendre des mesures pour réduire l'exposition à un facteur de risque dangereux ou pour augmenter l'exposition à une intervention bénéfique [144]. Par conséquent, l'inférence causale est implicitement et parfois explicitement intégrée à la formulation des pratiques et des interventions de santé publique [144].

L’inférence causale est un domaine fondamental pour les épidémiologistes [145]. Ainsi, pour estimer l’effet causal, les épidémiologistes s’appuient en général sur les critères classiques de

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causalité de Hill [146]. Toutefois, ces critères se sont révélés très utiles pour la recherche sur l’étiologie, mais le sont moins pour les études sur l’efficacité des interventions de santé publique ou pour les études pour leur extension à plus grande échelle [147]. En effet, la relation entre l'exposition, les résultats de santé, les facteurs de confusion et les covariables peuvent être complexes, nécessitant ainsi une formulation explicite des relations entre ces facteurs [144]. Par conséquent, dans le domaine de l’évaluation des interventions de santé publique, l’épidémiologie contribue à élargir la vision de la causalité [147, 148], notamment en adoptant des méthodes d’analyse pour réduire la confusion telle que la stratification, l'appariement, la standardisation, la pondération par la probabilité inverse, l'estimation G et la méthode des variables instrumentales [144].

2.2.3. La contribution de l’épidémiologie au choix des plans d'étude et des

méthodes d’analyse appropriés

La compréhension de la manière dont une intervention de santé publique est efficace pour améliorer la santé des populations est primordiale et passe nécessairement par l’évaluation de son impact [149]. Cela implique la spécification de modèles conceptuels et théoriques de l’impact de l’intervention sur les résultats de santé [65] et le recours à des devis de recherche et des méthodes d’analyse épidémiologique appropriées pour mesurer son efficacité en milieu clinique ou dans les conditions réelles de mise en oeuvre sur le terrain [149, 150]. En ce sens, l’épidémiologie propose des devis de recherche expérimentale et non expérimentale que les chercheurs choisissent en fonction du contexte de l’étude et des ressources. L’épidémiologie fournit également les méthodes d’analyse quantitatives appropriées en fonction des objectifs de recherche, la nature de l’exposition à l’intervention et la nature des variables de résultat [151, 152]. L’évaluation va donc s’intéresser à mesurer l’impact de l’intervention sur l’état de santé de la population selon des indicateurs quantitatifs globaux et à long terme comme la mortalité ou spécifiques et à plus ou moins court terme comme l’incidence ou la prévalence d’une maladie ou, enfin, concerner un facteur de risque comme la prévalence d’une conduite à risque ou d’un comportement de prévention [135].

Les essais contrôlés randomisés sont considérés comme la méthode de référence pour évaluer le lien de causalité et constituent donc un premier choix [150]. Cependant, dans les conditions réelles de mise en oeuvre, le contexte d’une étude donnée peut influencer la capacité du

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chercheur à randomiser une intervention, en raison de contraintes pratiques, éthiques, sociales ou logistiques [150]. Comme alternative, pour parvenir à un équilibre entre la validité interne et externe afin de réduire les biais dans l’évaluation des interventions [150], les épidémiologistes utilisent les devis quasi expérimentaux avec ou sans groupe de contrôle [153] tels que les séries chronologiques interrompues, les devis à niveau de bases multiples (où la mise en oeuvre de l’intervention est échelonnée selon le contexte et le temps) ou la discontinuité de régression (lorsque l’exposition à l’intervention est prédéterminée par un seuil établi) [154].

Par ailleurs, les interventions de santé publique peuvent fonctionner différemment selon les caractéristiques des populations ou le contexte de leur mise en œuvre [96, 155]. Les facteurs contextuels peuvent d’ailleurs confondre le lien entre l’intervention et son impact potentiel [96]. Ils peuvent également modifier l’effet de l’intervention, agissant ainsi sur la généralisabilité des résultats [96] ou la réplication de l’intervention. Par conséquent, lorsque la puissance statistique le permet, les épidémiologistes évaluent la modification de l’effet des interventions de santé publique pour informer la prise de décision [155, 156].

Enfin, la nature de l’exposition aux interventions de santé publique peut influencer le choix des devis et des méthodes d’analyse. En outre, les individus vivant dans la même communauté sont soumis à des influences contextuelles communes [97]. En effet, lorsque l’exposition à l’intervention se mesure au niveau global, il peut être souhaitable d’estimer l’effet contextuel de résider dans une région ayant expérimenté l’intervention sur les résultats de santé en contrôlant pour les caractéristiques individuelles et communautaires. Cette perspective analytique s’inscrit dans le cadre de l’analyse contextuelle ou multiniveau [97]. Cette thèse s’inscrit dans ladite perspective [157] en évaluant les effets contextuels, c’est-à-dire les effets des caractéristiques ou des expositions collectives sur les résultats au niveau individuel [157]. De manière empirique, l’analyse contextuelle implique l’incorporation de variables de groupe et des variables individuelles dans les modèles appropriés pour évaluer leurs effets au niveau individuel [157].

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Chapitre 3. Le contexte l’intervention, le cadre conceptuel et les