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Le système que nous avons modélisé peut être endommagé par un « mauvais entretien » ou un court circuit. Alors qu’en apparence, il est similaire à d’autres processus physiologiques de notre organisme, il présente la particularité d’être fortement lié à notre pensée, puisqu’il ne s’agit pas uniquement de réguler une homéostasie interne, mais de s’adapter à un environnement externe changeant, que les humains eux mêmes modifient. Le système est donc en apprentissage permanent lui même, à cause de la nature évaluative, porté par les mêmes paramètres que les éléments qui déclenchent et qui guident. Si les émotions sont réprimées, comme elles sont un élément intermédiaire indispensable au bon fonctionnement du système, l’humain s’en trouve perturbé (Amherdt, 2005). En suivant la logique de notre modèle, on peut alors supposer que l’émotion, au lieu de jouer son rôle de guide intermédiaire dans une action mobilisant des ressources, a pu être bloquée dans une valence négative, comme si le besoin n’était jamais assouvi ou que le déclencheur motivationnel était stoppé dans son élan. Il n’y a donc pas d’état de bonheur final. De même, la résignation apprise s'explique par le fait que l'individu n'arrive plus à établir la relation entre ce qu'il fait et les résultats de son action (Lieury et Fenouillet, 2013). Or le rôle des

émotions a pu être entravé de deux manières : l’occurrence d’un mauvais développement émotionnel en parallèle au développement de l’enfant, et parce que notre société n’a pas encouragé leur expression, mais leur contrôle (Amherdt, 2005). Goleman (1997) suggère que les réalités de la nouvelle civilisation n’ont pas permis l’évolution de notre système émotionnel au même rythme, et qu’un grand problème de notre époque vient du fait que « c’est uniquement chez l’adulte civilisé qu’on rencontre la plus grande anomalie animale : les émotions coupées des réactions qu’elles devraient entraîner » (Ibid., p. 21). Autre dysfonctionnement, l’addiction. L’addiction provient d’une souffrance psychique (Loonis, 2007). Selon notre modèle, le système a prévenu d’un problème (douleur ou émotion négative). Mais la personne, déconnectée de son système d’alerte, a fait dévier la voie vers un désir comme force extrême déconnectée du plaisir, le contentement éprouvé n’étant que le plaisir consécutif au comportement compulsif pour apaiser le trouble à l’origine de l’émotion désagréable. La personne n’est pas autonome, et toute tentative d’intériorité la ramène à une souffrance antérieure. Faire croire que les émotions négatives sont mauvaises et les étouffer à tout prix au profit d’émotions positives, comme pourraient le laisser entendre certaines voies néobehavioristes, peut aussi entraîner cette déviance. En étant déconnecté des émotions, il est aisé de confondre la chose et le plaisir ou bonheur à l’obtenir. En effet, lorsqu’on désire quelque chose, d’une manière dissociée de nos besoins et de nos émotions, on finit par associer le plaisir ou le bonheur à l’objet, et du coup on veut cet objet à tout prix (Brandt et Singer, 1998 ; Silverstein, 2000), mais il faut toujours plus.

Dans le cas de la résilience, (processus adaptatif d’une personne qui maintient un niveau de fonctionnement relativement stable et sain après avoir été exposée à l’adversité, Chouinard et al., 2012) la résolution du traumatisme dépend de l’entourage affectif, mais aussi des récits que la personne se fait de son expérience ainsi que ceux de son entourage (Cyrulnik, 2005). La transaction entre l’affectif et le cognitif facilite la sortie de cet état, il y a eu création de sens. Quand l’information entrant dans la conscience de l’individu est congruente avec les buts, l’énergie psychique coule sans effort. Face à un imprévu, une catastrophe, si la personne utilise son énergie psychique pour ériger une barrière ou se débattre contre une cause extérieure, elle va à sa destruction. D’après le modèle, c’est parce que la personne persiste dans ce qui a déclenché la motivation de départ, mais la ressource n’est pas mobilisable, le système évaluateur l’en informe en maintenant un des éléments du

continuum dans une valence négative. Si au contraire, la personne dépense son énergie

2005). En effet, soit l’idée de ce nouveau but déclenche le bonheur (qui va renforcer l’élan vers tout le système), ou alors le système prévient que la ressource imputée à ce nouveau but est mobilisable, d’où déclenchement de bonheur. Les deux peuvent aussi se déclencher conjointement.

Le stress, également émotion dite négative, fait partie des valences négatives de notre

continuum. Le système informe du déséquilibre entre la perception qu’une personne a des

contraintes que lui impose son environnement, et la perception de ses propres ressources pour y faire face (Saunder, 2006). Il devient problématique si la personne reste enfermée dans ce stress29 (anxiété) et qu’il s’aggrave. Le coping évoque les stratégies d’adaptation ou d’ajustement face aux exigences internes ou externes qui menacent ou dépassent les ressources d'un individu (Lazarus et Folkman, 1984 ; Paulhan, 1992). Ces stratégies visent la modulation ou la modification de l’émotion, dans un processus qui mêle le cognitif, l’affectif et la motivation. À la lumière du modèle c’est vraiment le bien être ou le bonheur qui est à la clé, comme processus motivationnel qui permet à la personne de trouver de nouvelles ressources pour sortir de la situation, lorsque les demandes ou obstacles sont perçus davantage comme des défis que comme des menaces, donc de nouveaux buts.

Dans ces cas de dysfonctionnement, nous considérons que la personne n’est pas autonome vis à vis de son processus bonheur, dont elle ignore le fonctionnement. En accord avec Silverstein (2000), nous avançons que dans la vie actuelle, outre les difficultés de lecture des émotions déjà mentionnées, les gens n'établissent pas de connexion absolue entre volonté, désir et bien être, à cause des standards avec lesquels ils évaluent leur vie. Nous pensons qu’il y a un réapprentissage à mener. Si le plaisir ou le bonheur constituent le but, on rate sa cible. Nous avons explicité que chaque échelon du modèle est soumis à des boucles rétroactives, mais les schémas circulaires sont aussi un dysfonctionnement : elles sont sources de rumination mentale. Il s’agit de cas dans lesquels une situation réactive une pensée liée à une action passée, ayant entrainé une émotion négative. Chaque fois qu’une nouvelle situation se présente, la pensée de la situation passée engendre le déclenchement de l’émotion négative liée à la situation passée, inexorablement. S’en défaire peut aussi faire l’objet d’un réapprentissage.

29 En conférence, nous avons eu plusieurs fois la remarque « oui, mais il y a le bon stress, qui peut rester

longtemps, lui ». Il est fort probable que ce que certains appellent le bon stress corresponde au sentiment d’excitation qui se situe entre l’anxiété et le flow (Csiksentmihaly, 1990), voir figure 2.

5. AUTONOMIE ET BONHEUR