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Les droits d’exploitation et d’utilisation

PARTIE 3. La mise en forme de l’exploitation commerciale des brevets

B. L’entente de gestion et d’exploitation d’un brevet conjoint

II. Les droits d’exploitation et d’utilisation

À cette étape des négociations, les parties doivent décider qui aura le contrôle pour l’utilisation de l’invention et/ou quel modèle d’octroi de licence sera mis en place754. Le modèle de gestion de la propriété intellectuelle doit être aligné avec les objectifs de la collaboration. Les stratégies peuvent varier en fonction du produit fini à livrer à la fin de la collaboration. La vitesse de mise en marché, les contrefacteurs potentiels, la complexité du

751 Gold, supra note 720 à la p 737.

752 Les auteurs proposent quelques questions à répondre pour bien déterminer les

responsabilités des parties. Voir ACC, supra note 719 à la p 24 ; IPR, «joint ownership », supra note 436 aux pp 9-10 ; Bader, supra note 33 à la p 170.

753 Saunière, « Innovation », supra note 4 à la p 61. 754 Gold, supra note 720 à la p 737.

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produit sont quelques éléments à analyser pour établir les choix des partenaires pour la gestion commerciale de la propriété intellectuelle. 755

En général, les parties planifient, à l’intérieur de l’entente de gestion, que chacune ait un droit non exclusif d’utiliser l’invention à des fins internes pour bonifier une technologie ou leur donner une longueur d’avance sur le marché en l’implantant dans leurs opérations. Cet arrangement peut ne pas convenir si, par exemple, les parties ne planifiaient pas utiliser l’invention après son développement. Alors, les parties pourraient décider d’offrir des licences à des tierces parties afin que celles-ci commercialisent l’invention codétenue. Cela dit, pour que les parties propriétaires puissent concéder des licences, elles doivent décider contractuellement si elles pourront le faire sans contrainte de la part de leur partenaire. Dans ce cas, les parties doivent prévoir une licence croisée afin que chacun puisse exploiter l’invention comme s’il était l’unique propriétaire. Les parties peuvent également décider qu’ils devront consentir à chaque nouvelle licence concédée par les autres propriétaires. Il est important de prévoir le mécanisme de consentement de façon contractuelle afin d’échapper au régime juridique applicable et de mieux planifier ce mécanisme pour éviter les surprises. Il y a une seule restriction pour ces licences croisées : aucune licence exclusive ne peut être concédée sinon elle contrevient à cet arrangement puisqu’une partie ne détient pas les droits nécessaires pour ce genre d’octroi.756

Un exemple peut illustrer cette stratégie. Dans un environnement fortement concurrentiel où la mise en marché rapide est essentielle, une approche de gestion de la propriété intellectuelle simplifiée est privilégiée dans le cadre d’une collaboration. Les partenaires copropriétaires choisissent la concession d’une exploitation libre pour toutes les parties. Ainsi, les décisions prises sont accélérées et les brevets sont déposés avant les concurrents. Le produit innovant est ainsi mis sur le marché plus rapidement. 757

Dans un modèle d’exploitation exclusive, une seule partie peut exploiter et tirer des revenus de l’invention conjointe. Cet arrangement contractuel est souvent complété par l’offre d’une

755 Saunière, « Innovation », supra note 4 à la p 63.

756 Ibid à la p 60 ; Gold, supra note 720 à la p 737 ; IPR, «joint ownership », supra note 436

aux pp 6-8 ; Bader, supra note 33 aux pp167-168.

contrepartie à la partie qui n’exploite pas758. Les parties propriétaires peuvent octroyer une

licence à un tiers ou encore décider qu’une seule partie propriétaire pourra exploiter. Dans un modèle d’exclusivité, il est recommandé de découper l’exploitation par secteur d’activités ou par zone géographique précise. La gestion des consentements est nettement plus facile dans ce genre de structure puisqu’un seul acteur a tous les droits réunis dans un champ d’application ou sur un territoire donné759.

Prenons l’exemple d’un fournisseur qui veut établir et conserver son avance dans un domaine précis pour illustrer le scénario d’exclusivité. Afin d’affirmer son avance, ce fournisseur peut se rapprocher d’un centre de recherche reconnu en la matière. Pour protéger son corps de métier, ce fournisseur recherche l’exclusivité dans son marché. Ainsi, le centre de recherche pourrait diversifier ses revenus et exploiter l’innovation dans les autres marchés ou opter pour une redevance plus élevée et concéder l’exclusivité dans tous les marchés.760

De façon plus stratégique, il a été noté qu’en Europe surtout, « un codépôt peut constituer un moyen de gérer les résultats de la recherche au sein d’un groupe, qui répartit ainsi les droits relatifs à ses innovations entre ses différentes filiales »761. Ce codépôt peut permettre un découpage géographique des droits d’exploitation du brevet entre sociétés affiliées, ou peut également être le résultat d’une collaboration internationale762. Cette copropriété par des partenaires européens, résidant dans différents pays, permet l’octroi de droits d’exploitation en fractionnant les marchés selon un mode d’allocation géographique. Ainsi, le droit de propriété lui-même est réparti, mais l’intérêt principal est axé sur les droits de commercialisation. Chacune des entreprises peut ainsi commercialiser dans son état de résidence, mais en ayant comme avantage la multiplication de la protection du brevet dans plusieurs pays. La protection est augmentée en multipliant le nombre de pays couverts tout en répartissant les coûts de chacun763.

758 ACC, supra note 719 à la p 23.

759 Saunière, « Innovation », supra note 4 aux pp 60-63. 760 Ibid à la p 63.

761 Duguet, supra note 74 à la p 137. 762 Ibid à la p 138.

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Ainsi, différentes situations dictent différents scénarios d’utilisation et d’exploitation de la propriété intellectuelle conjointe. Les acteurs performants doivent notamment évaluer pour chaque scénario les risques et les bénéfices de chaque stratégie. Il n’existe pas de modèle d’entente standard qui répond à tous les besoins764. La clé du succès repose sur les parties qui doivent avoir une bonne idée du modèle d’exploitation avant même de débuter les travaux conjoints765.