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L’essentielle mise en forme contractuelle pour des retombées fructueuses

PARTIE 3. La mise en forme de l’exploitation commerciale des brevets

E. Le recours en contrefaçon

3.2. L’essentielle mise en forme contractuelle pour des retombées fructueuses

retombées fructueuses

L’innovation collaborative est en plein essor depuis quelques années. Les acteurs innovent avec des partenaires de plus en plus nombreux et de plus en plus éloignés géographiquement, mais aussi éloignés en termes de tailles et de secteurs. « Dans ce contexte, les acteurs performants sont ceux qui savent formaliser et partager une ambition claire pour

690 Forget, supra note 548. 691 Marchand, supra note 480. 692 Bell, supra note 440.

693 Bell, supra note 440 ; AIPLA, supra note 434. 694 AIPLA, supra note 434

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l’innovation collaborative »695. Ainsi, les copropriétaires d’un brevet s’en remettant au droit

statutaire pour la gestion de leurs droits et obligations n’empruntent pas la voie du succès. Il est sans équivoque qu’une démarche structurée doit être suivie pour mettre en place une collaboration performante. La loi, au Canada ou aux États-Unis, comporte trop d’aléas pour pouvoir extraire toute la valeur d’un brevet détenu conjointement. Heureusement, les régimes statutaires peuvent être modulés contractuellement pour mieux s’adapter aux ambitions stratégiques des partenaires et combler les lacunes législatives696. Les dispositions statutaires sont généralement supplétives de sorte que les copropriétaires peuvent convenir d’une indivision sur mesure697. Les acteurs de la collaboration peuvent donc spécifier l’étendue de leur contrôle sur les droits conférés par le brevet conjoint698. Donc, les brevets conjoints peuvent supporter l’innovation collaborative s’ils sont proprement compris et gérés contractuellement699.

Afin que les brevets conjoints soient perçus comme un levier plutôt qu’un frein dans les projets collaboratifs, certaines étapes doivent être respectées700. La construction d’un partenariat se déroule nécessairement en plusieurs étapes inévitables débutant bien avant le début des négociations avec le partenaire. La planification précontractuelle est rarement discutée comme étant un stade de projet à passage obligatoire. Un partenaire qui désire mettre toutes les chances de son côté pour s’assurer d’un succès collaboratif devrait se poser quelques questions en amont de la collaboration. La stratégie collaborative individuelle d’un acteur pourra, par exemple, influencer le choix de son partenaire, c’est-à-dire le type de partenaire, sa taille, son industrie, son secteur d’activités, sa localisation géographique ou encore sa complémentarité dans son offre de services. La réponse à ces questions permettra d’avancer plus rapidement dans les négociations d’une entente contractuelle. Aussi, bien connaître son partenaire, permet qu’une relation de confiance puisse s’établir. Cette relation de confiance est essentielle puisqu’un contrat, aussi bien rédigé soit-il, n’est rien s’il n’est pas basé sur la

695 Saunière, « Innovation », supra note 4 à la p 96. 696 Kim, supra note 78 à la p 250.

697 Prud’homme, supra note 467 à la p 195 ; IPR, «joint ownership », supra note 436 à la p 3. 698 Bell, supra note 440 à la p 33.

699 Kim, supra note 78 à la p 251, 700 Sapp, supra note 15 à la p 21.

confiance701. Ce rationnel d’affaires ne pallie pas les lacunes statutaires, mais permet de se

positionner face au dépôt d’un brevet conjoint avec le partenaire choisi. Si un acteur ne respecte pas la mise en place de ces quelques points préliminaires avant le début des négociations, ce dernier ne devrait pas opter pour le dépôt d’un brevet conjoint. Un brevet conjoint est un outil puissant et requiert une stratégie forte pour en extraire sa valeur702. Lors d’une collaboration, les entreprises qui sont technologiquement et financièrement plus faibles ont tendance à s’engager trop rapidement dans un brevet conjoint avec un partenaire703, donnant ainsi une mauvaise réputation aux brevets conjoints704. Ainsi, dans ce cas, des alternatives à la propriété intellectuelle conjointe devraient être envisagées et négociées dans une entente contractuelle. On peut par exemple penser à opter pour un seul titulaire de la propriété intellectuelle705. De toute évidence, les brevets conjoints émergeant d’une collaboration sont des outils complexes et il faut des acteurs et des professionnels expérimentés pour planifier une bonne gestion des droits et obligations de chacun des partenaires706. Les acteurs ayant la capacité de mettre en œuvre une démarche structurée semblent les plus à même de créer de la valeur à partir de leur brevet conjoint et ainsi, éviter les collaborations stériles707.

3.2.1. Le outils contractuels tablant sur les brevets conjoints

Avec la prolifération des projets de recherche collaboratifs, la création de résultats conjoints est devenue chose courante708. Les partenaires qui optent pour des développements

collaboratifs doivent donc se méfier de cette occurrence et devraient s’entendre, avant le début de travaux conjoints, sur les termes et conditions de la propriété des résultats et de leur

701 Lee, supra note 149 à la p 8.

702 Belderbos, supra note 19 aux pp 849. 703 Ibid.

704 Voir Koutsogiannis, supra note 34 ; Sapp, supra note 15 ; Yang, « Joint developments »,

supra note 24 ; Bolduc, supra note 36 ; Yang, « Jointly owned patents», supra note 12 ; Belderbos, supra note 19. Ces auteurs ne recommandent pas l’utilisation du brevet conjoint comme outil de collaboration puisque la gestion en commun d’un brevet conjoint est très complexe.

705 Sapp, supra note 15 à la p 26.

706 Hagedoorn, « joint patenting », supra note 58 à la p 1046. 707 Saunière, « Innovation », supra note 4 à la p 96.

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exploitation709. Ces termes négociés devraient être consolidés à l’intérieur d’une ou de

plusieurs ententes contractuelles fixant l’intention des parties afin d’éviter les pièges statutaires de la copropriété d’un brevet, tel que développé à la Section 3.1710. Tout terme non couvert par l’entente tombera automatiquement sous le régime statutaire national711. Ainsi, certains points critiques doivent être abordés dans un document juridique et le succès de la collaboration en dépend712.

En analysant les projets collaboratifs dans l’espace-temps, la chronologie des événements dicte les outils contractuels à utiliser. Aussi, étant donné que les points les plus importants à protéger lors d’un projet conjoint sont la propriété des résultats et leur exploitation, il est recommandé de procéder en deux temps pour leur protection. Dans un premier temps, les partenaires voulant démarrer un projet collaboratif pour, par exemple, former un partenariat stratégique ou encore démarrer un projet spécifique pour concevoir et développer un nouveau produit, devront régir l’allocation des actifs co-développés dans une entente de collaboration plus générale713. Dans un deuxième temps, et advenant que les collaborateurs ont opté pour un modèle de propriété conjointe, les partenaires copropriétaires devront prévoir l’administration du bien indivis ainsi que les droits et obligations de chacun des partenaires pour l’exploitation du brevet conjoint714. L’entente de gestion de la propriété intellectuelle conjointe est habituellement le véhicule contractuel utilisé à cette étape plus avancée de la démarche collaborative puisqu’on tient pour acquis que des résultats intéressants ont été développés et protégés715. Une bonne gestion de la propriété intellectuelle conjointe suppose donc de définir à quel moment un aspect particulier doit être traité et quelles sont les compétences, notamment

709 IPR, «joint ownership », supra note 436 à la p 3 ; Saunière, « Innovation », supra note 4 à

la p 61.

710 Voir section 3.1 du mémoire, ci-dessus.

711 IPR, «joint ownership », supra note 436 à la p 3. 712 Bader, supra note 33 à la p 16.

713 IPR, «joint ownership », supra note 436 à la p 3 ; Painchaud, supra note 80 aux pp 2-3 ;

Saunière, « Innovation », supra note 4 à la p 15.

714 O’Reilley, supra note 655 à la p 295 ; Prud’homme, supra note 467 à la p 217. 715 Ibid.

juridiques, à mobiliser à ce moment716. La formalisation de telles ententes contribue à rendre

plus efficace le montage de projets collaboratifs717.