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3. LES DIVERSES MESURES

3.1 Les données qualitatives associées à l’évaluation

Ces cinq personnes sont rencontrées individuellement lors d’une évaluation psychologique. Pour chacune, la psychothérapeute complète l’anamnèse qui se retrouve en annexe E. Cette entrevue semi-dirigée et directive permet de décrire l’histoire de leur dépression majeure et de leurs symptômes, leurs antécédents familiaux, sociaux ou environnementaux de la maladie ainsi que les facteurs qui ont contribué à l’émergence de ceux-ci et enfin leurs histoires développementale et professionnelle. En préparation de cette étape de thématisation, divers outils sont conçus : un protocole d’entrevue initiale et anamnèse, la fiche de référence médicale ainsi que les notes d’évolution écrites à la fin de chaque entrevue de psychothérapie

(voir annexes E, J et F). Puis, la chercheuse débute sa démarche de codification par le protocole d’entrevue initiale suivi de la fiche de référence médicale, du verbatim intégral et finalement des notes d’évolution. Selon la suggestion de Sabourin (2006), elle procède en deux étapes : 1) la description du contenu et une démarche heuristique par la segmentation des extraits, 2) la définition des catégories descriptives et leur schématisation dans une classification de ces catégories. Elle suit également les recommandations de Paillé (1994) « Le chercheur procède donc à une lecture attentive de la transcription de l’entrevue, des notes de terrain, etc., puis tente de qualifier par des mots ou des expressions le propos d’ensemble» (p. 96).

Le recours à ces trois sources de données qualitatives s’avère ainsi pertinent lors de l’entrevue d’évaluation. En général, il ressort que : 1) la fiche de référence médicale fournit des précisions sur les diagnostics, le traitement pharmacologique, la date de début du suivi médical et le nombre d’essais tentés pour un retour au travail; 2) le verbatim fait ressortir les types d’interventions et de réponses des personnes impliquées, il permet aussi de mieux mesurer la qualité de leurs relations interpersonnelles, leur satisfaction envers les traitements reçus, le soutien qui leur a été offert ou leurs impressions face à leur travail; et 3) outre que l’évaluation initiale et l’anamnèse guident le questionnement du psychothérapeute lors de l’évaluation, elles prennent en considération les antécédents familiaux, les habitudes de vie, les autres traitements possibles, la date du retour au travail éventuel et les cinq axes du DSM-IV-TR, car, à ce moment, le DSM-5 n’était pas encore publié. Ces trois sources d’information sont utiles puisqu’elles se complètent mutuellement et offrent une plus grande précision dans les résultats obtenus. Afin de réaliser cette tâche, le logiciel QDA Miner qui est un instrument permettant l’analyse qualitative conçu pour les recherches de type mixte est retenu. Il peut ainsi être utilisé pour analyser des transcriptions d’entrevues, mais aussi d’autres documents visuels. Grâce à ce logiciel, il est possible d’établir des relations de séquences et de cooccurrences entre les codes. Donc, dès l’évaluation psychologique, c’est le début de la collecte des données qualitatives. Suite à cette première étape, un rapport est achevé immédiatement et il y

a transcription d’un verbatim intégral aux fins de la recherche. Tous les documents sont anonymisés pour des raisons éthiques.

Les cinq personnes sont donc évaluées lors d’entrevues qui sont toutes enregistrées. Pour deux d’entre elles, il a été nécessaire d’en réaliser deux plutôt qu’une, car ces personnes veulent préciser de façon assez détaillée plusieurs aspects de leur vécu ce qui nécessite plus de temps. Chaque entrevue d’évaluation a une durée de 90 minutes pour un total de 630 minutes d’enregistrement et d’écoute. Seulement le contenu des quatre personnes retenues pour l’étude est retranscrit intégralement en verbatim qui est codifié par la suite avec le recours au logiciel QDA Miner. Le protocole de l’entrevue initiale et anamnèse que l’on retrouve en annexe E servent de guide pour interroger la personne et permet de faire ressortir la sévérité de la dépression majeure ainsi que le degré de fonctionnement de la personne. Les variables concernent les particularités personnelles à chacun des cas comme le sexe, l’âge, la profession, l'état civil ou le niveau d’éducation complété; les codes se rapportent à l’historique de la dépression majeure, aux traitements déjà suivis par la personne, à ses antécédents psychiatriques et médicaux personnels ou familiaux, à son état mental durant l’entrevue, à son histoire de vie personnelle et professionnelle. Afin d’établir les principaux concepts, il y a codage d’un premier verbatim d’une des personnes participantes. S’en suit l’analyse du texte. De cette manière, des unités de sens d’un mot, d’un segment ou d’un ensemble sont obtenues. C’est une première liste de codes qui sont regroupés par la suite sous forme de catégories, des noms communs qui conceptualisent ces codes et permettent d’en définir les aspects. Les concepts sont tous en lien avec les objectifs de cette étude. Ainsi, une arborescence se développe. À la fin de cette analyse initiale et de l’obtention de l’arborescence, les verbatim sont repris et la codification est refaite au complet avec ceux des trois autres personnes.

Plus particulièrement, en vue de répondre au questionnement sur les facteurs qui ont pu contribuer à l’émergence des symptômes de la dépression majeure, des

verbatim, quatre catégories importantes de facteurs sont dégagées. Ces facteurs sont d’ordre organisationnel, interpersonnel, identitaire et de protection. Ces derniers sont éventuellement à promouvoir puisqu’ils peuvent retarder la venue des symptômes de dépression, réduire leur intensité ou encore prévenir la récidive de la pathologie. Le tableau 9 regroupe la codification retenue qui est décrite dans les prochains paragraphes

Tableau 9

Les divers facteurs qui prédisposent à la dépression majeure ou qui en protègent Catégories Divers facteurs

Organisationnels - Baisse de motivation au travail - Surcharge et débordement au travail - Difficulté relationnelle avec le supérieur

- Difficulté relationnelle avec les collègues ou conflit de rôle - Absence de défi

- Lourdeur de la clientèle

- Difficultés financières ou faillite

- Difficulté dans la conciliation famille/travail - Nouveau travail

- Sous-charge de travail

- Conditions ambiantes difficiles et manque de soutien Interpersonnels - Deuil

- Conflit interpersonnel - Transition de rôle ou de vie

- Déficit interpersonnel ou absence de soutien dans l’épreuve Identitaires - Perte de la santé

- Déni de la maladie - Rechute de dépression - Faible estime de soi - Enfance malheureuse De protection - Recherche de sens

- Connaissance de la dépression - Soutien interpersonnel

- Clarté des rôles

- Résolution de problèmes - Sécurité financière - Lâcher-prise - Jardinage - Lecture

- Se distraire de ses pensées ou méditations - Entraînement physique

La définition des facteurs organisationnels provient des écrits de divers chercheurs (Vézina et St-Arnaud, 2011; Wang, 2004; Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail dans les organisations, 2003). Cette catégorie repose sur la réaction des sujets à des stress organisationnels. Par le fait même, les conditions d’apparition doivent se situer dans le milieu de travail par une réaction psychique de tension intérieure aux événements qui peuvent prendre différentes formes: la baisse de motivation, la surcharge ou la sous-charge de travail, l’absence de défi, les conditions ambiantes difficiles, le conflit de rôle, les difficultés relationnelles avec la clientèle, avec le supérieur ou les collègues, l’exposition à de hauts niveaux de performance, la difficulté de conciliation famille et travail, les ennuis financiers et le changement d’emploi. La personne n’a qu’à nommer ses sources de stress vécues au travail.

Les facteurs interpersonnels proviennent de Klerman, Weissman, Rounsaville et Chevron (1984). Pour eux, la dimension interpersonnelle est une composante importante de la vie. Quatre domaines sociaux retiennent donc l’attention : le deuil pathologique, le conflit interpersonnel, les transitions de rôles et de vie difficiles et le déficit interpersonnel. Cette catégorie repose sur la réaction des sujets à ces situations interpersonnelles. Par le fait même, les conditions d’apparition doivent se situer dans le milieu de vie de la personne par une réaction psychique de tension intérieure à ces différentes situations. Ici aussi, les personnes n’ont qu’à identifier et nommer les facteurs qui correspondent à leur situation.

Les facteurs identitaires sont en lien avec l’état de santé de la personne et la perte d’identité s’y rattachant qui peut être réactionnelle ou consécutive à l’émergence de la maladie. Cette perte qui perturbe le concept de soi et l’estime personnelle peut-être associée à l’émergence des symptômes de dépression, elle peut aussi les maintenir souvent pendant longtemps. Le choix de certains concepts repose sur l’impact d’un changement d’identité expliqué par Dubar (1996). Cette catégorie repose donc sur la réaction psychique de tension intérieure des personnes

participantes à l’apparition de la maladie. Elles n’ont qu’à les identifier et les nommer.

Quant aux facteurs de protection, ils peuvent favoriser chez la personne un retour à la santé ou permettre la réduction de l’intensité de ses symptômes de dépression. Contrairement aux autres facteurs, les concepts dégagés sont exclusivement issus du verbatim des quatre personnes interrogées. On peut notamment retrouver dans cette catégorie la recherche de sens, la connaissance de la dépression, le soutien interpersonnel, la clarté des rôles, la sécurité financière, le lâcher-prise, la méditation ou encore diverses activités physiques comme l’entraînement ou le jardinage.