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5 La présentation et l’analyse des données

5.1 La pédagogie différenciée de Maude

5.1.3 Les facteurs internes à la pratique de différenciation pédagogique

5.1.3.2 Les dispositifs de différenciation pédagogique de Maude

Maude mentionne bien connaître les quatre dispositifs (structures, processus, contenus et productions)13 de différenciation pédagogique suggérés par Caron (2003),

13

mais elle hésite à décrire comment s’effectue son choix des dispositifs à utiliser. Après réflexion, elle constate que ce choix se réalise surtout en fonction des situations d’apprentissage proposées aux élèves. Par exemple, lorsqu’elle utilise l’enseignement stratégique dans une situation d’apprentissage, elle sait que les élèves auront à travailler parfois en équipe, parfois en dyade ou simplement tout seul. Elle est consciente alors qu’elle différencie les structures. Par ailleurs, son discours montre aussi que le choix des dispositifs se fait surtout à partir de sa connaissance des besoins des élèves. Lorsqu’elle permet à l’élève dyslexique de présenter son travail oralement plutôt que par écrit, elle sait qu’elle différencie les productions pour stimuler l’élève à la tâche.

Maude dévoile aussi sa facilité à différencier les processus en classe et ses propos réaffirment cette propension à varier les façons dont se réalisera l’apprentissage. Par exemple, en début d’année, son atelier sur les intelligences multiples sert à différencier son enseignement et à adapter le matériel pour chacune des particularités de ses élèves. De plus, lorsqu’elle fait des dictées trouées par l’écoute de chansons pour les intelligences musicales, lorsqu’elle fournit le texte d’avance à un élève dyslexique ou lorsqu’elle fait des photocopies couleurs pour faciliter la lecture d’un autre, elle différencie les processus. C’est la prise en compte incessante des besoins de ses élèves qui l’incite à adapter ses méthodes d’enseignements. D’ailleurs, le respect de leurs particularités est omniprésent dans son discours :

«C'est inévitable avec mon groupe! Les besoins sont trop différents et il y a beaucoup d'élèves avec différentes problématiques.»

«Établir quels sont les besoins des élèves, qui a besoin de plus de temps pour une tâche, qui a besoin de lire les textes en avance, est-ce qu'il y en a d'autres qui ont besoin du portable ou d'un endroit isolé. Juste faire cela demande énormément de temps. Et il faut respecter cela aussi! »

Pour elle, il est d’ailleurs plus facile de différencier les structures, les processus et les productions que les contenus, surtout si elle ne connaît pas bien la matière à enseigner. Maude est claire sur ce point :

«Je pourrais différencier davantage en histoire, mais je suis moins à l'aise avec la matière, je ne suis pas une prof d'histoire. Je suis une prof du primaire qui est rendue qualifiée en français. En histoire, je suis encore en train de m'approprier la matière. Je maîtrise ce que je donne, mais je ne suis pas encore assez à l'aise pour différencier comme il le faut. »

Elle constate alors que différencier les contenus est plus exigeant. Elle en témoigne par ces deux affirmations :

«Pour les processus d'apprentissage, je trouve cela plus facile. Par exemple, tel élève a de la difficulté dans une situation de lecture et bien je vais de lire à sa place comme tuteur lecteur ou tuteur scripteur. Je peux écrire la réponse à la place de l'élève si je lui demande ce qu'il veut répondre à cette réponse-là. J'arrive plus avec les processus que les contenus.»

«Dans la classe en tant que tel je trouve cela difficile de différencier les contenus parce qu'il faudrait être trois à l'avant.»

Pourtant, à la lumière de la figure présentée plus bas, la différenciation des contenus arrive deuxième en ce qui a trait à la fréquence des items liés aux quatre dispositifs de différenciation. Cette figure décrit justement la fréquence de codage relevé dans le discours de l’interviewée.

Figure 6: La fréquence des codes liés aux dispositifs de différenciation utilisés par Maude

Il est important de rappeler que la fréquence des codes provient des segments repérés par la chercheuse et non pas à chaque fois que Maude parle d’un dispositif. L’inverse est aussi possible. Maude peut parler de sa pratique en croyant ne pas utiliser un dispositif alors que les définitions associées aux dispositifs montrent pourtant le contraire. Par exemple, bien que Maude fasse part de ses difficultés à différencier les contenus, l’analyse de son discours indique que la différenciation des contenus est pourtant très présente dans les propos recueillis et à peu près à la même fréquence que la différenciation des structures.

«Dans leur portfolio, ils ont une section divers comme des jeux de français, des proverbes, etc. Ils peuvent aussi faire des activités cinq minutes, terminer leur roman, remplir une fiche de lecture…»

«Dans mes ateliers, je varie le plus possible entre la grammaire, les textes, les SVA (ce que je veux savoir et ce que j'ai appris). Donc, lecture, grammaire, écriture et une recherche dictionnaire.»

Ces exemples ont été répertoriés au moment où Maude parle de sa pratique de différenciation pédagogique de manière générale. Elle n’a pas conscience à ce moment du

fait qu’elle parle de la différenciation des contenus. Une analyse approfondie du verbatim signale que son interprétation de la différenciation des contenus de Maude diffère quelque peu des éléments codifiés issus de la recension des écrits. Pour elle, différencier les contenus signifie l’adaptation du contenu à enseigner pour chaque élève. Elle affirme d’ailleurs :

«J'aurais envie de le faire davantage, mais je ne sais pas si c'est possible. J'en ai 21, je fais le maximum possible et ce bout là des contenus, j'avoue que cela est difficile. Je peux adapter les contenus pour ma clientèle, mais pour chacun un contenu différent c'est plus difficile. Sans compter tous les imprévus comme les absences.»

La littérature montre que si le contenu est la cible de la différenciation, il faut distinguer le contenu que certains élèves apprendront, ce que la plupart apprendront et le contenu que tous les élèves devront apprendre (Caron, 2003, p. 104). À ce titre, lorsque Maude adapte le contenu pour ses groupes-famille, lorsque ses élèves travaillent différents contenus lors des activités cinq minutes ou lorsqu’ils choisissent une situation d’apprentissage dans la section divers de leur cahier à anneaux, elle différencie les contenus en ne le définissant pas de la même façon.