3. Les moyens de lutte contre cette pollution
3.3 L’utilisation d’organismes vivants pour le traitement in situ de sites pollués : la
3.3.3 Les différents mécanismes de phytoremédiation
Les processus de phytoremédiation sont adaptés à la gestion des pollutions
organiques et sont optimals lorsque les polluants possèdent les caractéristiques
physico-chimiques suivantes : masse moléculaire suffisamment faible (PM<500),
lipophilie intermédiaire (1,5<logKow<3,5) et de préférence non ionisables aux pH
biologiques (4,5<pH<8,5) (Tasli et al. 1996, Raveton et al. 1997, Ravanel et al. 1999,
Raveton et al. 1999, Chaton et al. 2001, Aajoud et al. 2003, Marcacci et al. 2005, Aajoud
et al. 2006). Les polluants peuvent être ainsi, extraits des matrices contaminées, stockés,
transférés et/ou détoxiqués par différents mécanismes. Les processus de métabolisation
peuvent intervenir de façon espacés dans le temps ou conjointement, aboutissant à un
système complexe d’interactions physiologiques et biochimiques au sein de la plante et
(Green and Hoffnagle, 2004) Base de données de phytoremadiation. Etudes
de terrain concernant les solvants chlorés, les pesticides, les explosifs et les
métaux (US EPA Office of Superfund Remediation and Technology
Innovation Washington, DC www.clu-in.org) .
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des organismes associés. Les différents mécanismes définissant le terme générique de
"phytoremédiation" sont détaillés ci-dessous (Fig 12).
Figure 12 : Récapitulatif des différents processus de phytoremédiation décrit par le BRGM (Bureau de
Recherches Géologiques et Minières)
La phytoextraction ou phytoaccumulation : la phytoextraction défini l’absorption des
polluants à partir de matrices contaminées par les plantes (cf. chapitre 2). La
phytoaccumulation est définie par une concentration très importante de contaminants
non dégradés rapidement ou très lentement dans la plante. On parle alors de plantes
accumulatrices et/ou hyperaccumulatrices capables de tolérer et d’accumuler ces
polluants.
La phytostabilisation est un autre mécanisme qui est utilisé dans le but de minimiser la
dispersion des polluants dans le sol. Ce procédé tire avantage de la capacité qu’ont les
plantes, au niveau des racines, à modifier les conditions environnementales du sol, telles
que le pH et la teneur en humidité. En jouant sur les caractéristiques physico-chimiques
de la rhizosphère et sur la structure des communautés microbiennes, les plantes
peuvent influencer le piégeage et la biodégradation des polluants.
La phytotransformation ou phytodégradation : Un contaminant peut être détoxiqué
(voire complètement minéralisé) par les systèmes enzymatiques des plantes capables de
M
M
M
M
M
M
M
M
M
M
M M
M
M
MM
M
M M
M
M
M
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M
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M
M
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M
CO
2
CO
2
CO
2
M
Micro-organismes
Polluant organique
Polluant organique dégradé
Elément métallique
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catalyser leur dégradation (Dec and Bollag 1994, Strand et al. 1995) (cf. paragraphe 5)
Cette métabolisation peut avoir lieu dans les tissus de la plante ou dans les
microorganismes associés de la rhizosphère (rhizodégradation). La plante peut exsuder
des substances nutritives vitales au développement des microorganismes qui pourront
jouer un rôle bénéfique de biodégradation des polluants. On parle alors de
phytostimulation.
La rhizodégradation : La rhizosphère est une zone de croissance microbienne et de
surface d’échange entre le sol, les microorganismes et la plante (Lorenz Hiltner 1904,
Curl and Truelove 1986) (Fig 13). Les communautés microbiennes (bactéries,
champignons, mycorhizes) peuvent agir sur l’absorption et la biodégradation des
polluants facilitant l’absorption ultérieure des polluants primaires et secondaires par la
plante.
Figure 13 : Consortium eau/complexe
argilo-humique/biomasse microbienne
(Tissut et al. 2006). Les points
représentent les xénobiotiques dans
l’ecosystème.
La phytovolatilisation est un mécanisme particulier par lequel les plantes
phytoextractrices peuvent libérer les polluants dans l’atmosphère via les zones foliaires
d’échanges gazeux que sont les stomates(Zayed and Terry 1994). Ce processus observé
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pour des polluants volatiles (Barac et al. 2004, Taghavi et al. 2005) est un mécanisme
négatif en terme de phytoremédiation puisque la pollution se trouve déplacée d’un
compartiment à un autre sans diminution quantitative de la charge polluante et parfois
sans diminution du pouvoir toxique de ces polluants.
La dépollution de matrices contaminées semble envisageable par
phytoremédiation, encore faut-il trouver les espèces végétales capables d’être tolérantes
à la pression chimique et de présenter un rendement d’extraction quantitativement
important et rapide. Il faut veiller à choisir des espèces végétales ne favorisant pas la
phytovolatilisation. Le piégeage physique du xénobiotique dans les matrices végétales
permet de gérer la pollution en tant que ‘déchet’ grâce { une transformation de cette
biomasse par la mise en place de filières appropriées. En fonction du type de pollution et
des matrices contaminées, de nombreuses études ont permis de lister les mécanismes
mis en jeux lors de l’application des techniques de phytoremédiation sur différents types
de polluants (Tableau 6).
Tableau 6 : Différents types de traitements en fonction du polluant à extraire ou à traiter (Susarla et al.
2002)
La phytoremédiation semble être appliquée avec succès sur les polluants chlorés,
notamment avec des rendements de phytoextraction et phytodegradation positifs
(Tableau 6). Cependant, certaines études ont pu démontrer que les solvants chlorés
peuvent être phytostabilisés mais aussi pour les plus volatils phytovolatilisés
56
le taux de résidus HCH dans le sol est plus important dans les parcelles non cultivées
que dans des parcelles céréalières comme le maïs (Zea mays) ou le blé (Triticum spp)
(Singh et al. 1991, Chaudhry et al. 2002). Par ailleurs, les HCH sont détectés dans
plusieurs plantes, incluant la laitue (Lactuca sativa) (Kohli et al. 1976) le sésame
(Sesamum indicum), l’hydrille (Hydrilla verticillata) (Waliszewski 1993), la calebasse
(Lagenaria siceraira), le melon amer (Momordica charantia), le luffa (Luffa cylindrical),
l’épinard (Spinacia oleracea) (Hans et al. 1999) et le choux chinois (Brassica campestris)
(Westcott 1985).
Chez ces différentes espèces, les résidus de ΣHCH ont été retrouvés dans les
plantes cultivées sur sol contaminé, avec une absorption passive essentiellement par
contact. D’autres études en revanche ont permis de mettre en évidence une absorption
par voie racinaire via la systémie xylémienne jusqu’aux parties aériennes de le plante.
C’est le cas d’une variété de piment (Capsicum annuum) et de la coriandre (Coriander
sativum) capables d’extraire le lindane en système hydroponique (Ma and Burken, 2003,
Wilson et al.1999).
Dans la littérature, certaines études témoignent des capacités de phytoextraction
et de bioaccumulation des chlorobenzènes dans les plantes (soja, carotte, épinard, chou,
céleri, tomate) à partir de sols contaminés (Wang and Jones 1994b, a, Wang et al. 1996,
Kraaij and Connell 1997, Zhang et al. 2005). Ces résultats montrent alors qu’il est
possible d’utiliser des techniques de phytoremédiation dans le cadre d’une pollution aux
OCs.
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