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5. Phytotolérance et détoxication des polluants dans les tissus végétaux

5.3 Les enzymes de phase II et les organochlorés

5.3.1 Les glutathion-S-transférases (GSTs)

Chez les plantes, une des voies principales de détoxication de phase II décrite pour

les organochlorés correspond à une conjugaison au tripeptide, glutathion (Glu-Cys-Gly).

Cette conjugaison a lieu soit directement sur les polluants primaires, i.e. les herbicides

chloroacetanilides (Jablonkai and Hatzios 1993)chloro-s-triazines (Jablonkai and

Hatzios 1991, Cherifi et al. 2001) et chloroacétamides (Edwards et al. 2000) et le

fongicide chlorothalonil (Wang et al. 2010), soit sur les polluants secondaires issus du

métabolisme de phase I, i.e. le 2,4-dichlorophenol (métabolite du trichlorobenzène)

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dichlorobenzène (Wang et al. 1996, Petroutsos et al. 2007a, Fujisawa et al. 2010) et le

pentachlorophénol (Roy and Hanninen 1994).

Ce type de conjugaison est catalysée par les GSTs (EC 2.5.1.18) qui permettent de

substituer les groupements électrophiles présents sur des substrats non-polaires

endogènes (quinones, phytoaléxines) ou des xénobiotiques par le glutathion réduit

(Edwards et al. 2000, Sheehan et al. 2001, Pompella et al. 2003, Udomsinprasert et al.

2005, Allocati et al. 2009). Très hydrophile, le glutathion possède un groupement –SH

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qui correspond à un site nucléophile, site de réaction et de liaison avec les substrats. Il se

retrouve en concentration importante dans les cellules où il joue un rôle de protection

complexe, notamment pour gérer les espèces réactives oxygénées intermédiaires (ROIs)

issus du processus photosynthétique (Fig 20A) (Coleman et al. 1997, Hayes and

McLellan 1999, Foyer et al. 2001). Dans la majorité des cas les ROIs sont ensuite

contrôlés et pris en charge par le métabolisme, mais dans le cas d’une augmentation

massive de la quantité de ROIs, ceci peut conduire à un stress oxydant occasionnant des

dommages cellulaires (Mittler 2002). Il s’en suit alors la cascade classique de réactions

oxydatives vues précédemment.

Les GSTs ont été identifiées et caractérisées dans de nombreux organismes

(insectes, bactéries, mammifères) et dans de nombreuses espèces de plantes (Banerjee

and Goswami 2010). La détoxication des herbicides par conjugaison au glutathion dans

les plantes a été très largement étudiée, notamment chez Zea mays (Edwards and Owen

1986, Jablonkai and Hatzios 1991, Scarponi et al. 1992, Jepson et al. 1994, Holt et al.

1995, Marrs et al. 1995, Hatton et al. 1996, Rossini et al. 1996, Dixon et al. 1997, Marrs

and Walbot 1997, Cherifi et al. 2001). La conjugaison ‘xénobiotique-glutathion’ a lieu au

niveau cellulaire (cytosolique, mitochondriale et microsomale) dans l’ensemble des

tissus végétaux. Le conjugué ‘xénobiotique-glutathion’ est ensuite exporté du cytosol

vers la vacuole et/ou l’apoplaste grâce à la présence de transporteurs

transmembranaires de type ABC (Coleman et al. 1997, Bourbouloux et al. 2000, Foyer et

al. 2001, Bartholomew et al. 2002, Reade et al. 2004, Bowles et al. 2005, Klein et al.

2006). La séquestration des conjugués au niveau vacuolaire présente de nombreux

avantages pour la plante, i.e. assurance d’une protection de l’impact toxique directe du

xénobiotique, séquestration { faible coût énergétique pour l’individu, dégradation

intravacuolaire (carboxypeptidases) du métabolite conjugué sans risque potentiel pour

la fonctionnalité cellulaire (Wolf et al. 1996, Schröder et al. 2003, Schröder et al. 2007).

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Figure 20 : A. Induction du stress oxydatif par les xénobiotiques et les rôles protecteurs des

glutathion-S-transférases (GSTs). (En haut) sont présentés les mécanismes de formation des intermédiaires oxygénés

réactifs (ROIs) générés par des xénobiotiques, ainsi que (en bas) les conséquences toxiques pour la cellule.

Les réactions dans l’enceinte montrent l’intervention des GSTs dans la détoxication des produits

d’oxydation. ADH, alcool déhydrogénase ; APX, ascorbate peroxydase ; DHAR, déhydroascorbate

peroxydase ; GPOX, glutathion peroxydase ; GRX, glutarédoxine ; GSTL, GSTs de classe lambda ; ROI,

intermédiaires oxygénés réactifs; TRX, thiorédoxine (Edwards et al., 2005) B. Progression dans le temps

de la fluorescence après application de mono-bromobimane (MBB, sonde fluorescente de marquage des

groupes -SH) sur la pointe de racines d’orge âgées de 5 jours (Zeiss Axiovert-20X). Une translocation de la

fluorescence en direction de la base des racines a été observée avec une forte augmentation dans les tissus

méristématiques de la racine. L’échelle de couleur représente des unités arbitraires (AU) de fluorescence

(Schröder et al. 2007).

Cependant, certaines études ont mis en évidence un transport intracellulaire et

intercellulaire des conjugués glutathion (Schröder et al. 2007). A partir d'expériences

réalisées avec des racines d’orge (Hordeum vulgare) il a été démontré qu’une partie de

ces conjugués sont transportés à longue distance dans la plante, plutôt que stockés

uniquement dans la vacuole. Cette étude représente le premier rapport sur le transport

unidirectionnel à longue distance des xénobiotiques conjugués dans les plantes et sur

l'exsudation d'un conjugué glutathion à l'extrémité des racines (Fig 20B). Ceci permet

ainsi de maintenir une faible concentration interne en xénobiotiques potentiellement

dangereux pour l’organisme (Schröder et al. 2007). Ces exsudations semblent par

ailleurs, influencer la structure communautaire de la rhizosphère notamment au niveau

ROI formation Photosynthesis Respiration/1ry metabolism X Disruption Xenobiotic (X) Environment Plant cell GST X-SG Ligand binding

Detoxifying fatty acid oxidation products

OH-, O2O2-H2O2

Disulphide exchange Hydroperoxide formation Fatty acid Fission GST ADH GST GPOX ROI Loss of protein/coenzyme function General oxidation DNA alkylation Ligand binding? (a) (b) A. B.

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de la microflore et de la micro-pédofaune qui pourraient trouver de ce fait une source de

nourriture intéressante (Diekmann et al. 2004, Schröder et al. 2007).

Figure 21 : A. Vue d’ensemble des caractéristiques des différentes classes de GSTs végétales (Edwards

and Dixon, 2005). B. Abondance relative des différentes classes de gènes GST (a) et d’expression (b) chez

trois espèces végétales (McGonigle et al. 2000, Frova 2003).

Les GSTs correspondent à une superfamille hétérogène de protéines

multifonctionnelles groupées en 8 classes d’isoenzymes (Fig 21A) ; les classes Tau et Phi

sont spécifiques des plantes et sont les plus représentées dans le règne végétal, les

classes Theta et Zeta sont présentes chez les plantes et les animaux, les Lambda et DHAR

sont également spécifiques des plantes (Moons 2005). Chez Z. mays, les classes de GSTs

prépondérantes sont les classes Phi (54%), Tau (41%) et Zeta (4%) (McGonigle et al.

2000, Frova 2003) (Fig 21B). Les classes Tau et Phi ont la particularité d’avoir une

structure en dimère et de catalyser la conjugaison de divers xénobiotiques avec une

prédominance pour les herbicides sélectifs.

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