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Réduction Épuration

2.1 Description et comportement des éléments

2.1.2 L’étape de réduction pour les deux filières

2.1.2.3 Les différentes sources d’apport d’élément chimique

Si l’on veut considérer la totalité des éléments et composés qui sont introduits dans le système lors d’une réduction, il faut tenir compte du fait que la charge introduite dans le bas fourneau ou haut fourneau n’est pas uniquement constituée d’oxydes de fer. Elle contient également d’autres éléments apportés par la gangue du minerai, les cendres de charbon de bois et les pollutions engendrées par l’utilisation d’un foyer en argile ou par d’éventuels ajouts. Nous allons passer en revue ces différentes sources de contamination.

Charbon de bois

L’opération de réduction nécessite de grandes quantités de charbon de bois33, d’une part afin de dégager de la chaleur et d’autre part afin de jouer le rôle d’agent réducteur. Lors de la combustion de ce charbon, un reliquat incombustible composé des sels minéraux du bois (Ca, K, Mg…) se forme : les cendres. La quantité de ce résidu34 et sa composition sont très variables et peuvent différer selon l’essence et la partie de l’arbre utilisée pour la fabrication du charbon et en fonction de la nature du substratum sur lequel cet arbre a poussé [20, 30]. L’étude du charbon dans le contexte archéologique est très difficile puisque celui-ci, contaminé lors de l’enfouissement, n’a pas une composition représentative du combustible utilisé. On trouve toutefois dans la littérature des analyses de cendre de charbon de bois utilisé lors de réductions expérimentales directes [20, 31, 32]. Le Tableau 3 présente quelques-unes de ces analyses. Celles-ci permettent de dégager les grandes tendances sur les compositions des cendres. Elles sont principalement composées d’oxydes de Ca et K35 et contiennent également toujours une certaine proportion de Mg, P, Al et Si, dont les teneurs ne dépassent généralement pas les 10 %mass. Les éléments traces les plus abondants sont Sr, Rb et Ba.

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Serneels montre à partir des expérimentations dans le four basque d’Agorregi que la masse de charbon utilisée est généralement 1,5 à 2 fois plus élevée que celle du minerai. Ce rapport de 3 charbons pour 2 minerais est relativement proche des données historiques de Don Benito di Ansotegui et Joachim Almunia 20. Serneels, V., Analyse chimique des matières premières et des produits de l'opération de réduction dans le four basque d'Agorregi, in La ferreria y los molinos de Agorregi-Aia,Gipuzkoa, Arkeolan, Editor. 2002, Diputacion Foral de Gipuzkoa - European comunity: San Sebastian. p. 93- 121.

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Entre 2 et 3 % selon Serneels 1. Serneels, V., Archéométrie des scories de fer. Recherche sur la sidérurgie ancienne en Suisse occidentale, ed. C.d.A. Romande. Vol. 71. 1993, Lausanne. 240..

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Serneels indique que les teneurs en Ca sont généralement supérieures à celles en K (rapport Ca : K = de 1 à 10). Cependant cela n’est pas vérifié dans les autres études. Des conditions de préparation différentes des cendres (cendre lavée, tamisée..) pourraient expliquer ces différences. Toutefois comme les auteurs ne précisent pas ces conditions, cette hypothèse ne peut être confirmée.

20. Serneels, V., Analyse chimique des matières premières et des produits de l'opération de réduction dans le four basque d'Agorregi, in La ferreria y los molinos de Agorregi-Aia,Gipuzkoa, Arkeolan, Editor. 2002, Diputacion Foral de Gipuzkoa - European comunity: San Sebastian. p. 93- 121.

31. Crew, P. The influence of clay and charcoal ash on bloomery slags. in Iron in the Alps. Bienno, 32. Kronz, A. Ancient iron production compared to medieval techniques in Germany : Fayalitic slag and elemental mass balances. in Archeometallurgy in Europe. 2003. Milan, Italie.ds le four basque d'agorregi, in La ferreria y los molinos de Agorregi-Aia,Gipuzkoa, Arkeolan, Editor. 2002.

Tableau 3 : Exemples de composition en éléments majeurs et traces de cendres de charbon de bois. Echantillon AGOC9561 chêne [20] AGOC9571 chêne [20] XP27 [31]36 Ash_1 Peuplier [32] Ash_2 Chêne [32] % SiO2 5,44 5,94 2,42 3,55 6,82 TiO2 0,10 0,10 0,02 0,11 Al2O3 1,29 1,57 0,29 0,20 2,76 Fe2O3 2,38 6,56 0,47 FeO 1,22 1,39 MnO 0,91 0,95 0,24 0,20 2,03 MgO 9,31 7,49 6,49 10,36 6,47 CaO 52,72 37,14 25,37 16,75 54,27 Na2O 0,11 0,22 0,58 2,34 3,50 K2O 4,32 8,81 63,13 55,03 13,90 P2O5 3,89 3,65 0,99 10,36 8,73 H2O 1,28 1,63 CO2 6,71 9,82 C. org. 10,17 13,23 S 1,03 1,15 ppm Zr 135 124 61 Y 7 31 8 Sr 1620 1069 2309 Rb 8 163 296 Ba 957 826 1395 V 10 11 11 Sn <4< <4< Sb <3< <3< Ag <1< <1< As 5 <3< 10 Pb 6 <2< Zn 170 66 86 Cu37 478 323 24 Ni 45 31 Cr 27 22 Co 16 5 Parois

Les parois des bas fourneaux sont généralement constituées d’argile et de sable, qui peuvent essentiellement apporter les éléments Si et Al au système (Tableau 4). Pour les éléments traces, il existe peu de données dans la littérature. Il semble cependant que les parois contamineraient le système essentiellement en Ti et Ba (Tableau 4). Pour le procédé indirect, Cécile Mahé-Le Carlier [19] indique que les parois des hauts fourneaux résistent mieux aux

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Pour cet échantillon, l’essence utilisée n’est pas précisée dans l’article.

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Une contamination par la tuyère en Cu explique la teneur élevée de cet élément dans les échantillons 20. Serneels, V., Analyse chimique des matières premières et des produits de l'opération de réduction dans le four basque d'Agorregi, in La ferreria y los molinos de Agorregi-Aia,Gipuzkoa, Arkeolan, Editor. 2002, Diputacion Foral de Gipuzkoa - European comunity: San Sebastian. p. 93- 121.

températures élevées38. Plus réfractaires, elles sont moins polluantes pour la charge que les parois de bas fourneau.

Tableau 4 : Exemples de composition en éléments majeurs et traces des parois de bas fourneau de différents sites archéologiques et utilisées pour des réductions expérimentales.

Parois de fourneau de Boécourt BOE 7022

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Argile utilisée pour un bas fourneau de réduction expérimentale [31] Parois de bas fourneau de Hillesheim [32] % ppm % SiO2 79,46 Zr 192 SiO2 63,7 68,86 TiO2 0,42 Y 16 TiO2 1,04 1,20 Al2O3 10,74 Sr 57 Al2O3 18,08 12,73 Fe2O3 2,27 Rb 127 Fe2O3 9,39 FeO 1,34 Ba 525 FeO 6,53 MnO 0,05 V 76 MnO 0,22 0,20 MgO 0,70 Sn 5 MgO 1,91 1,03 CaO 0,26 Sb 5 CaO 0,46 2,67 Na2O 0,26 Ag 2 Na2O 1,13 0,46 K2O 2,75 As 29 K2O 2,91 3,82 P2O5 0,08 Pb 5 P2O5 0,21 0,89 H2O 0,51 Zn 29 ppm CO2 0,26 Cu 31 Ba 400 C. org. 0,13 Ni 39 Cr 123 Co 34 Les ajouts

Des matériaux peuvent également être ajoutés à la charge afin de rendre les déchets de l’opération plus fusibles et de favoriser la formation d’un déchet pauvre en fer. Cécile Mahé- Le Carlier [19] indique que si ces « fondants » sont employés régulièrement depuis le XVIe siècle,l’utilisation de ceux-ci est attestée dès l’époque gallo-romaine. Ainsi de l’erbue39, des cendres de fougère, de l’argile, du calcaire ou de la castine40 (en général de la calcite CaCO3

mais aussi de la dolomite ((Ca,Mg)CO3))peuvent être ajoutés lors de la réduction [19, 35].

Selon leurs natures, ces « fondants » introduisent dans le système des éléments différents : la castine apporte du Ca et Sr mais également du Mg s’il s’agit d’un calcaire magnésien [35], l’argile fournit essentiellement Al et Si, l’erbue, matériau sablo-argileux, apporte aussi au

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Par exemple le haut fourneau de Glinet est composé d’une paroi interne (pierres de grès jointes avec de l’argile) d’une paroi intermédiaire (alternance de lit de pierres et de lit de tuiles) et d’une paroi externe (tuiles de 1,5 cm posées à plat séparées par des joints d’argile)33. Arribet-Deroin, D., Fondre le fer en gueuses au XVIe siècle. Le haut fourneau de Glinet en pays de Bray (Normandie). in Archéologie. 2001, Paris I Sorbonne: Paris. p. 799..

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Matériau silico-argileux.

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Pour les périodes plus modernes les ajouts sont surtout calciques et magnésiens 19. Mahé-Le-Carlier, C., Caractérisation pétrographique et chimique d'analogues de déchets vitrifiés acuels : les scories de la métallurgie ancienne. Etude de l'altération naturelle. 1997, Institut National Polytechnique de Lorraine: Nancy. p. 378.

système ces deux éléments mais également du K, Ti et des éléments traces tels que Rb, V, Cr et Zr [19].

Nous venons de présenter les pollutions qui peuvent intervenir et modifier la teneur des éléments dans les différents produits et déchets de la chaîne opératoire. Toutefois, il est important de rappeler que l’importance de l’influence d’un élément présent dans une de ces sources de contamination dépend de la teneur de celui-ci dans le minerai. En effet, on peut s’attendre à ce que, si un élément a une teneur faible dans le minerai l’influence des pollutions pour cet élément sera d’autant plus perceptible.