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Réduction Épuration

2.2 Description des déchets et produits

Nous allons à présent décrire brièvement les déchets issus des différents processus sidérurgiques. Pour une description plus détaillée de ces échantillons, notamment leurs morphologies et l’observation microscopique des phases qui les composent, on pourra se référer aux travaux de Fluzin [47], Serneels [1] et Mahé-Le Carlier [19].

2.2.1 Réduction

2.2.1.1 Déchets

Les déchets de réduction peuvent avoir des compositions minéralogiques et surtout chimiques très diverses qui dépendent non seulement de la composition du minerai, des pollutions et des éventuels ajouts (cf. § 2.1.2.3), mais également des conditions thermodynamiques qui règnent dans le fourneau (température, durée, capacité réductrice des gaz) (cf. § 2.1.2.4). Ces déchets peuvent toutefois être séparés en deux grands groupes :

Scories « denses » : Fe2O3 > 60 % [2]

Déchets communément associés à des contextes archéologiques de bas fourneaux. Leurs morphologies dépendent du mode de fonctionnement du four (accumulation interne, écoulement hors du four). Elles sont principalement composées de fayalite (Fe2SiO4) dans

laquelle ont cristallisé des dendrites de wüstite (FeO). Si le minerai est riche en Al, il peut y avoir formation d’hercynite (FeAl2O4) ; si il est calcique ou alumino-calcique des cristaux de

kirschteinite (FeCaSiO4) et de mélilite ((Ca,Na)2 (Mg, Fe, Al) [(Al,Si) SiO7]) peuvent

également se former.

Laitiers Fe2O3 ~ 15-20 % [2]

Déchets typiques des hauts fourneaux, ils contiennent généralement peu de fer comparé aux scories denses. Les laitiers ont un aspect « vitreux » et peuvent être de couleur bleu claire à vert bouteille. Ils sont principalement composés d’une matrice silicatée souvent vitreuse dans laquelle il est possible de trouver des pyroxénoïdes ou pyroxènes, des reliques de minerai qui n’ont pas fondu lors de la réduction ainsi que des billes de fonte.

2.2.1.2 Produits

Procédé direct

Comme nous venons de le voir (cf. § 2.1.2), la réduction directe a lieu à une température inférieure à celle de la fusion du fer, qui ne permet pas de séparer la totalité des scories du fer

métallique. Le produit de cette réduction est donc une éponge plus ou moins carburée de structure très hétérogène contenant encore une partie de scorie sous forme d’inclusion [30].

 Métal

Généralement, les teneurs en carbone du métal n’excédent pas 1,2 à 1,4 %. Jusqu’à 2,11 %, il s’agit d’acier ; au-delà se situent les fontes dont l’obtention est très fortuite en réduction directe (Figure 12) [2]50. Du fait de la variabilité des conditions thermodynamiques locales dans les foyers anciens et les traitements de mise en forme à haute température, le métal est généralement très hétérogène. Un même objet peut en effet présenter des zones contenant des teneurs en C (fer-acier) et des microstructures très variées (structure de widmanstätten, perlite lamellaire…) (Figure 7).

Figure 7 : Mise en évidence (attaque nital)de l’hétérogénéité de la teneur en carbone d’un fer de construction de la cathédrale Notre Dame de Rouen (ROU314) [50] 51.

En plus du carbone, le métal peut contenir d’autres éléments comme P. Vega et al. [45] montrent que certains objets issus de la filière directe peuvent contenir des teneurs moyennes en P dans la matrice métallique atteignant 5000 ppm. Les auteurs indiquent également que la répartition du P dans ces fers est très hétérogène. Elle se retrouve à plusieurs échelles : mésoscopique (de l’ordre du mm) et microscopique (structures fantômes52) (Figure 8).

42 50

Notons toutefois que plusieurs blocs de fonte ont été mis au jour à Ponte di Val Gabbia, près de Bienno (V-VIe siècle). Il s’agirait d’une production délibérée et non accidentelle 48. Fluzin, P. Ponte di Val Gabbia III (Bienno). Les premiers résultats des études métallographiques. in Iron in the Alps, Desposits, mines and metallurgy from antiquity to the XVI century. 1998. Bienno - Italie: Comune di Bienno, 49. Fluzin, P. Synthèse des études métallographiques d'échantillons de la forge de ponte di Val Gabbia III (Bienno V-VIth century AD). Mise en évidence de la décarburation de la fonte. in Prehistoric and medieval direct iron smelting in Scandinavia and Europe. 1999. Sandjberg: Aarhus University Press.

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L'attaque au réactif nital, permet de révéler la structure métallographique des échantillons (cf. Chapitre II)

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Ce terme a été choisi car on peut les distinguer après attaque nital en faisant varier légèrement la mise au point 45. Vega, E., P. Dillmann, and P. Fluzin, Contribution à l'étude du fer phosphoreux en sidérurgie ancienne. La revue d'Archéométrie, 2002. 26: p. 197-208.

(a) (b)

Figure 8 : Mise en évidence de l’hétérogénéité de la teneur en phosphore de deux fers de construction des églises rouennaises ( OUEN15a, ROUTN6) (a) Variations mésoscopiques et microscopiques (attaque Oberhoffer53) ; (b) Structures fantômes (attaque nital) [50].

 Inclusions

Les inclusions ont des compositions minéralogiques voisines de celles des déchets de l’opération. Dillmann [18] a montré que les phases cristallines présentes dans ces inclusions étaient principalement la fayalite et la wüstite (Figure 9). Il est également possible d’y trouver de l’hercynite et d’autres phases aluminées de type spinelle.

Figure 9 : Inclusions contenant des dendrites de wüstite dans une matrice fayalitique [23].

Les inclusions ont également des compositions élémentaires relativement proches de ce qui peut être observé dans les scories de réduction. Or il a été établi précédemment que la 43

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Ce réactif fait apparaître en sombre au microscope optique les régions comportant du P en faible quantité en y précipitant préférentiellement du cuivre 51. Stewart, J.W., J.A. Charles, and E.R. Wallach, Iron-Phosphorus- Carbon system part II - Metallography behaviour of Oberhoffer's reagent. Materials science and technology, 2001. 16: p. 283-290.

composition en éléments majeurs de ces scories est très dépendante des différentes contaminations extérieures (cf. § 2.1.2.3). Ainsi le rapport de deux CNR (Tableau 5) ne sera pas constant du minerai aux scories jusqu’aux inclusions de l’objet. Toutefois Dillmann et al. [23] ont montré que si ces rapports ne peuvent « signer » un minerai, ils permettent en revanche de caractériser un atelier utilisant toujours le même type de minerai, fourneau charbon et éventuellement ajout. La Figure 10 présente le rapport SiO2/Al2O3 dans les

inclusions de loupes issues de différentes réductions expérimentales se déroulant dans le même four et au cours desquelles les mêmes minerais et charbons ont été utilisés. On constate bien que les inclusions issues des différentes expérimentations ont des rapports SiO2/Al2O3

assez proches. Dans certains cas cependant, les rapports de CNR ne sont pas constants pour toutes les inclusions de l’objet analysé (ceci est par exemple le cas pour quelques inclusions de la Figure 10). Cela est dû à un effet de concentration de certains éléments lors d’une grande fragmentation des inclusions dite « effet de pépite ». Pour pallier cet effet et obtenir des teneurs « globales » par objet, les auteurs ont introduit une correction des teneurs en fonction de la surface de chaque inclusion analysée. Cette correction sera présentée en détail dans le Chapitre II.

Figure 10 : Teneurs en SiO2 et Al2O3 dans les inclusions d’objets ferreux issus de trois opérations de réduction

expérimentales avec le même minerai [23].

Lors des travaux de post-réduction (épuration, forgeage), il y aura à nouveau contribution des parois du four et des cendres. Lors du forgeage, des ajouts de natures variées constitués essentiellement de grains de sable, d’argile ou de scories pilées peuvent également être

utilisés54. Ces ajouts peuvent considérablement contaminer les inclusions. Dillmann et al. observent leurs effets, en comparant les compositions d’inclusions d’objets issus de la même expérimentation, mais forgés en utilisant des ajouts sableux. La Figure 11 montre que si certaines inclusions conservent le rapport des CNR de la réduction, la plupart d’entre elles sont polluées en SiO2 voire sont quasiment exclusivement composées d’oxydes de silicium.

Ces résultats montrent la nécessité, dans le cadre d’études de provenance, d’analyser des objets peu travaillés dont les inclusions seront probablement moins contaminées par des pollutions lors des étapes de post-réduction.

Figure 11 : Teneurs en SiO2 et Al2O3 dans les inclusions d’objets ferreux forgés avec ajouts [23].

Procédé indirect

Pour la filière indirecte, l’augmentation de la température facilite la diffusion du carbone dans le métal ; le produit obtenu est donc de la fonte (% C > 2,11) qui ne contient quasiment aucune inclusion non métallique puisqu’elle sort à l’état liquide du bas fourneau. Cette fonte est qualifiée d’hypoeutectique ou d’hypereutectique suivant que sa teneur en carbone est inférieure ou supérieure à 4,3 % (Figure 12) et de fonte grise, blanche ou truitée selon la forme de ce carbone (graphite, cémentite) [52]. Ces matériaux peuvent également contenir du

45 54

Ces ajouts ont pour but d’éviter la réoxydation du métal lors du forgeage et la formation d’une couche de calamine néfaste pour les soudures.

Si55 et du P, celui-ci en excès se combine avec le fer pour former des eutectiques (Fe3P-Fe,

Fe3P-Fe3C-Fe). Les fontes archéologiques contiennent aussi fréquemment des inclusions ou

des précipités endogènes non métalliques de formes polygonales constituées de carbonitrures de Cr, Ti et V ((Cr, Ti,V) (N,C)) (Figure 13) et de sulfure de Fe, Mn ((Fe,Mn)S) [18].

Figure 12 : Diagramme d’équilibre fer-carbone (Trait plein : diagramme métastable fer-cémentite Trait pointillé : diagramme d’équilibre stable fer-graphite) [52].

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Cet élément est prépondérant dans les fontes grises (jusqu'à 4 %) qui peuvent être considérées comme des alliages ternaires fer-carbone-silicium 52. Arvieu, C. and I. Guillot, Atlas métallographique, ed. U.d.T.d. Compiègne. 1997.

Figure 13 : Carbonitrure de titane et vanadium dans une fonte grise (chantilly, 1879) [46].

2.2.2 Affinage

2.2.2.1 Déchets

Contrairement aux déchets de réduction directe, les scories d’affinage ont été jusqu’ici peu étudiées. Les scories analysées sont généralement des fonds de foyer de grandes dimensions56, de forme plano convexe, légèrement concaves sur le dessus [24, 53-55] (Figure 14).

Figure 14 : Scorie d’affinage mis au jour à Glinet [54].

Ces déchets sont principalement composés de fayalite (Fe2SiO4) et de wüstite (FeO) sous

forme de dendrite ou de globule. Ils contiennent également des billes et fragments métalliques plus ou moins carburés ainsi que de gros morceaux de charbon de bois [53, 55]. Les scories

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Environ 26 x 22 cm sur le site de Montagney 53. Fluzin, P., Etudes métallographiques préliminaires concernant les vestiges sidérurgiques du site de Montagney. Minaria Helvetica, 2000. 20b: p. 91-104. et 40 x 30 cm sur le site de Glinet 54. Dillmann, P., et al. Early modern cast iron and iron at Glinet. in Norberg-Nora, 700 years of ironmaking. 2003. Norberg.

d’affinage ont des compositions globales proches de celles du procédé direct, avec toutefois des teneurs en CaO et P2O5 (Tableau 8) généralement plus importantes. Une concentration

élevée en P2O5 serait la marque de l’affinage d’une fonte phosphoreuse et une grande quantité

de CaO pourrait résulter d’ajouts lors de cette étape pour éliminer P. Les éléments traces ont rarement été analysés dans ces déchets ; Serneels [35] montre cependant que les scories peuvent contenir des teneurs élevées en Sr, Ba, V, Cr et Co57.

Tableau 8 : Compositions en éléments majeurs et traces de scorie d’affinage. Scories issues du site de Maglio [35]

TIC001 TI002 TI081 TIC151

Scories d’affinage du ferrier de Brévon [55] % SiO2 7,19 4,21 5,06 4,25 10 TiO2 0,11 0,09 0,10 0,08 Al2O3 1,96 1,37 1,65 1,32 1 Fe2O3 26,36 35,72 30,35 56,22 70 FeO 43,13 40,95 47,67 22,00 Fe m 6,09 8,45 7,78 0,47 MnO 0,54 0,34 0,21 0,44 MgO 1,13 0,90 1,00 1,23 CaO 3,29 2,29 3,02 4,58 10 Na2O 0,25 0,10 0,09 0,19 K2O 0,63 0,31 0,32 0,97 P2O5 8,81 5,57 1,50 7,43 1-3 H2O 0,00 0,00 0,00 0,00 CO2 0,28 0,00 0,55 0,19 C. org. 0,00 0,00 0,13 0,08 ppm Sr 201 149 228 297 Ba 774 496 561 980 V 829 602 133 656 Cr 543 384 130 441 Co 225 249 280 155 48 57

Les études précédentes ont montré que Ba et Sr ne sont pas réduits. Les teneurs élevées en ces éléments proviennent donc de pollutions ou d’ajouts lors de l’affinage. En revanche, V, Cr et Co, présents dans la fonte, sont probablement issus de celle-ci.

2.2.2.2 Produits

Etant donné que l’affinage se déroule à l’état solide jusque dans la seconde moitié du XIXe siècle, le produit de cette opération est une loupe plus ou moins carburée de structure très hétérogène [30] contenant encore une partie de scories sous forme d’inclusions.

 Métal

Comme pour le procédé direct, en raison de son mode d’élaboration (variabilité des conditions thermodynamiques dans le foyer d’affinage , mise en forme…) le métal issu de la filière indirecte sera un matériau très hétérogène : microstructure, répartition de la teneur en C et P [45].

 Inclusions

Dillmann [18] a montré que les phases cristallines majoritairement présentes dans ces inclusions étaient comme pour le procédé direct la fayalite et la wüstite. On trouve également dans celles-ci des phosphates de fer de calcium et de silicium (Fe3(PO4)2, Ca3(PO4)2,

Fe9O8PO4) ainsi que des oxydes de vanadium, chrome et titane (V2O3, V4O9, TiO2)58. Ces

derniers forment des inclusions de forme angulaire qui semblent être une réminiscence des carbonitrures de la fonte. Les compositions élémentaires de ces inclusions sont proches de celles des scories d’affinage. Les inclusions peuvent ainsi, comme les déchets de l’opération, contenir des teneurs importantes en CaO liées à des pollutions ou des ajouts lors de cette étape. Au sein d’un même objet nous pouvons également être confrontés à de grandes hétérogénéités de composition en éléments majeurs liées à l’« effet de pépite »[23]. Pour corriger cet effet et obtenir des teneurs « globales » par objet il est nécessaire d’appliquer une correction des teneurs en fonction de la surface de chaque inclusion analysée (cf. Chapitre II).

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Ces phases ont été identifiées uniquement dans les inclusions d’objets issus de la filière indirecte 18. Dillmann, P., Diffraction X, Microdiffraction X et Microfluorescence X sous Rayonnement Synchrotron et analyses comparées pour la caractérisation des inclusions. Application à l'étude de l'évolution historique des procédés d'élaboration des objets ferreux (procédés direct et indirects), in Sciences Mécaniques pour l'Ingénieur. 1998, Université de Technologie de Compiègne: Compiègne. p. 300.

Figure 15 : Inclusion angulaire à forte teneur en oxyde de titane et vanadium observée après décarburation de cette fonte 4 h à 1100 °C à l’air [46].

3. Etudes basées sur la connaissance du comportement