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2- Les différentes conceptions de l’innovation sociale

L’innovation sociale n’est pas un concept stabilisé. Utilisée par plusieurs chercheurs dans différents champs disciplinaires, elle couvre des significations différentes selon les références et les présupposés des chercheurs qui l’emploient. Pour Guyon et Besançon, il existe deux conceptions différentes de l’innovation sociale, composées chacune de plusieurs approches.

La figure ci-dessous illustre cette affirmation.

Figure 4: Les principales approches de l’innovation sociale

Source : T., Guyon ; Besançon, E., (2013), « Les principales approches de l’innovation sociale », L’innovation sociale en pratiques solidaires. Emergence, approches, caractérisation, définition, évaluation.

Contribution de l’Institut Jean-Baptiste Godin, Janvier 2013, p. 20.

L’approche de l’innovation sociale dans la modernisation des politiques publiques s’inscrit dans le New Public Management. Dans une logique de réforme du secteur public, cette approche considère l’innovation sociale comme la capacité du secteur privé et la société civile à compenser les imperfections de l’Etat, surtout devant la baisse des budgets.

L’approche anglo-saxonne de l’entrepreneuriat social voit l’innovation sociale comme une nouvelle solution aux problèmes sociaux portée par les entrepreneurs sociaux. Cette approche est une réaction aux politiques libérales des années 1980-199097.

L’approche européenne de l’entreprise sociale conçoit l’innovation sociale comme une nouveauté, une nouvelle organisation, un nouvel esprit entrepreneurial, issue d’une démarche collective et ascendante en vue de répondre à la demande d’une communauté. Enfin, l’approche institutionnaliste, basée sur les travaux du Centre de Recherche sur les Innovations

97Voir infra pour le détail des deux approches qui composent cette conception.

Sociales (CRISES) au Québec, définit l’innovation sociale comme toute nouvelle approche, pratique ou intervention, ou encore tout nouveau produit mis au point pour améliorer une situation ou résoudre un problème social et ayant trouvé preneur au niveau des institutions, des organisations, des communautés. Cette approche met en avant le résultat (la nouveauté), la finalité (résolution d’un problème social) et la diffusion de l’innovation sociale dans différents cadres institutionnels, organisationnels et communautaires.

En suivant la perspective institutionnaliste, plaçant l’accent sur le processus, Besançon98 met en évidence plusieurs champs qui semblent structurer l’innovation sociale en tant que processus : le territoire, le modèle économique, la gouvernance et l’empowerment.

Selon Richez-Battesti99, l’innovation est territorialisée via la coopération des différents acteurs dans un même territoire autour d’un projet commun. Ces interactions sociales sont facilitées par la proximité qui s’exprime de différentes manières : géographique (agents présents dans le même espace) ; organisationnelle (la coordination entre agents en vue d’une action collective et un partage de savoir et savoir-faire) et institutionnelle (ensemble de valeurs et de principes communs partagés par les agents formant une conscience et une confiance collective).

L’innovation sociale en tant que processus, de par l’hétérogénéité des acteurs impliqués, favorise un modèle économique pluriel en termes de ressources marchandes, non marchandes et non monétaires.

Intégrer les réseaux territoriaux, les usagers et les salariés, tel est le mode de gouvernance promu par l’innovation sociale dans cette perspective. Cette forme de gouvernance élargie implique une co-construction en amont avec les différents acteurs des politiques publiques et une co-production des politiques publiques via la participation des acteurs de la société civile et même les entreprises commerciales.

Quant à l’empowerment, il se croise avec l’innovation sociale en ce qu’il est un processus ascendant, une impulsion poussant des individus et groupes d’individus dans un territoire donné, rencontrant un problème social ou visant un idéal social, et qui en assumeraient la direction et les principales responsabilités. Dans la perspective

institutionnaliste, l’empowerment n’est pas seulement un ensemble d’initiatives citoyennes qui résolvent des problèmes sociaux, mais il vise l’intégration des usagers et des groupes exclus dans le processus. La finalité est une transformation des bénéficiaires de simples agents en actants.

Richez-Battesti100 propose d’étudier l’innovation sociale à l’aune de ses résultats.

L’analyse des résultats renvoie aux objectifs de cette dernière. L’innovation sociale vise le mieux-être des individus ou des collectivités, à travers la combinaison de résultats et d’effets induits volontairement. Cela passe par le développement d’activités (non par le marché ou l’Etat) porteuses d’enjeux collectifs (la réponse à un besoin social non satisfait) ; et l’émancipation et l’empowerment des individus et des groupes en difficultés d’insertion professionnelle et sociale, en vue d’une cohésion sociale et économique du territoire.

Besançon101propose, dans la perspective d’analyse en termes de résultats de l’innovation sociale, deux pistes pour mieux caractériser le résultat de l’innovation sociale : l’accessibilité et la logique de service.

L’innovation sociale comme accessibilité est appréhendée comme une réponse à un besoin social. L’auteur, devant le caractère subjectif de la notion de besoin social, ne retient que les besoins de base ou prioritaires. Pour cela, elle s’appuie sur le travail de la commission, Sen et Fetoussi102. En se basant sur les travaux de recherche existants la commission arrête une liste de huit dimensions objectives du bien-être :

 Les conditions de vie matérielles (revenu, consommation et richesse) ;

 La santé ;

 L’éducation ;

 Les activités personnelles, dont le travail ;

 La participation à la vie politique et la gouvernance ;

 Les liens et rapports sociaux ;

 L’environnement (état présent et à venir) ;

 L’insécurité, tant économique que physique.

100N., Richez-Battesti, (2008),Op. Cit., p. 5.

101 E., Besançon, (2013), Op. Cit., pp. 42-49.

102J. E., Stiglitz ; Sen, A. ; Fitoussi, J.-P. (2009), Rapport de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, [en ligne] URL : www.stiglitz-sen-fitoussi.fr, pp. 14-15.

Le bien être étant une notion pluridimensionnelle, ces huit dimension objectives vont modeler le bien être de chacun en fonction de sa subjectivité.

Toujours selon Besançon103, l’innovation sociale comme logique de service se fait de deux manières :

 Le service rendu par le bien est privilégié sur le bien lui-même : mettre à disposition un bien dont on facture l’usage et non la propriété ;

 Le fait de subordonner un bien ou une activité productive à un service qui l’englobe et le dépasse : le bien n’est qu’un support pour développer des capabilités.

Deuxième section : Fondements théoriques de l’entrepreneuriat social

Concept polysémique et protéiforme, l’entrepreneuriat social regroupe des pratiques aussi différentes et variées que leurs contextes d’émergence. Nous en recenserons, dans cette section ses différents contextes. Ensuite, nous en présenterons ses deux conceptions dominantes. Enfin, nous en exposerons ses principales définitions.