des données. Pour Creswell160, il est nécessaire de considérer, à ce stade, l’outil de collecte de données qui sera utilisé selon le niveau de prédétermination des questions, l’utilisation de questions ouvertes ou fermées ou encore la prise en compte des données numériques ou non numériques. Le choix de la méthode et les techniques utilisées sera fonction de l’objectif du chercheur. A-t-il déjà une idée sur les données qu’il veut collecter ou veut-il qu’elles émergent des participants eux-mêmes ? Aussi, le type de données jouera un rôle dans ce choix : s’agit-il de données numériques ou textuelles ? Dans l’approche mixte, il sera question de mixer les deux techniques.
Creswell propose de résumer les trois approches de recherche, leurs cadres épistémologiques ainsi que les méthodes et les techniques qui leurs sont associées :
160J.W., Creswell, (2003), Op. Cit., p. 17.
Tableau 11 : Différentes approches, méthodes et techniques de la recherche Tend à ou
typiquement Approches qualitatives Approches
quantitatives Approches mixtes Utilise ces
hypothèses philosophiques
Positionnement
constructiviste/participatif Positionnement
post-positiviste Positionnement pragmatique Emploie ces
stratégies de recherche
Phénoménologie, théories ancrées, ethnographie, étude de cas et narration
Enquête et
expérimentation Séquentielle, concurrente et transformative
Emploie ces méthodes
Questions ouvertes, approches émergentes, données en texte et image
Questions fermées, approches
prédéterminées, données numériques
Questions ouvertes et fermées, approches prédéterminées et émergentes et analyse quantitative et qualitative des données
Utilise ces pratiques de recherche, entant
que chercheur
Prend position
Teste ou vérifie des théories ou des explications
Collecte des données qualitatives et
quantitatives Collecte les opinions des
participants
Identifie des variables à étudier
Développe une
justification pour mixer Se concentre sur un seul
concept ou phénomène
Rattache des variables à des questions ou à des hypothèses
Intègre les données à différentes étapes de la recherche
Apporte des valeurs personnelles dans l'étude
Utilise des standards de validité et de fiabilité
Présente des illustrations de la procédure dans l'étude
Etudie le contexte ou le milieu des participants
Observe et mesure l'information numériquement
Emploie des pratiques de recherche quantitative et qualitative
Valide l'exactitude de ces trouvailles
Utilise des approches
non biaisées
Interprète et commente les données
Utilise des procédures
statistiques
Etablie des agendas pour des changements ou des réformes
Collabore avec les
participants
Source: J.W., Creswell, (2003), Op. Cit., p.19 (traduit de l’anglais par nos soins).
conceptuel et les hypothèses de la recherche, nous nous attelons à présent à décrire la méthodologie adoptée durant cette partie empirique.
Premièrement, après la revue de la littérature des deux concepts principaux de notre travail, à savoir la croissance inclusive et l’entrepreneuriat social, et la mise en exergue des liens conceptuels, nous aborderons notre terrain avec une étude qualitative inductive exploratoire sur un échantillon de projets INDH de la province de Sidi Slimane. L’objectif de cette première étude exploratoire et de dégager par induction les déterminants de la portée inclusive de ces initiatives sociales.
L’échantillonnage a été établi sur la base de données INDH de la province de Sidi Slimane161. Deux critères ont été utilisés pour que ces initiatives soient sociales selon la définition de l’entrepreneuriat social que nous avons arrêtée : il faut d’une part qu’elle soit un projet et non une action (nécessitant la création d’une structure : association, coopérative ou société en nom collectif). Il faut, d’autre part, qu’elle soit AGR (Activité Génératrice de Revenu) : la consistance du projet doit générer un revenu et l’initiative doit être portée par des acteurs du secteur social. Durant cette première phase, l’entretien semi-directif est utilisé pour collecter les données. Dans le troisième chapitre de ce travail, nous avons pris position quant à la définition de l’entrepreneuriat social. Dans cette étape, nous avons fait un choix plus rigoureux des initiatives à étudier. Nous pensons que les initiatives répondant à ces critères nous informeraient encore plus que celles ne répondant pas à tous ces critères à la fois.
Dans la deuxième phase, vient le tour de l’étape quantitative dans la stratégie de recherche choisie. Une base de données regroupant toutes initiatives portées par le secteur associatif de la région a été constituée. Notre source principale est la division de l’action sociale de chacune des trois provinces de la région. C’est la base de données exhaustive que nous avons pu avoir regroupant les initiatives financées entre 2005 et 2015 au sein de la région par l’INDH.
Une fois la base de données arrêtée, plusieurs prétraitements doivent être opérés avant la régression proprement dite :
Filtrer les initiatives pour ne garder que celles portées par les acteurs de l’entrepreneuriat social ;
161 A cette époque nous ne disposions que la base de données de la province de Sidi Slimane, c’est pourquoi l’échantillon de cette étude est totalement composé des projets de cette province.
Faire une analyse en composante principale (ACP) sur le jeu de donnée ainsi constitué. Elle nous permettra de sonder automatiquement la base de données en mettant en avant les ressemblances entre individus statistiques et les corrélations entre variables. Cela nous aidera à supprimer les individus avec des comportements déviants et des variables sans signification statistique ;
Créer la variable « inclusivité » des initiatives, qui sera la variable à expliquer de notre modèle. Elle sera une variable basée sur une variable que nous avons trouvé dans la base de données et qui n’est pas exploitable en l’état, décrivant la consistance des initiatives financées par l’INDH.
Nous avons retenu la technique statistique de la régression logistique pour le traitement des données collectées. En effet, nous cherchons à déterminer le caractère inclusif (ou non) des initiatives des acteurs du tissu social constituant notre jeu de données. Ces deux modalités, inclusive ou non inclusive, nous poussent à utiliser cette technique statistique qui traite des variables à expliquer (variables dépendantes) de ce type. Les variables explicatives (variables indépendantes), quant à elles, peuvent être soit de type binaire, soit de type continu. L’issue de cette régression nous permettra de confirmer ou infirmer les hypothèses présentées plus haut.
Dans la deuxième étape de la recherche, nous utiliserons, pour faire le calcul de l’ACP et de la régression logistique, le logiciel « R ». Il est à la fois un langage de programmation et un logiciel dédié aux statistiques et à l’analyse de données. Le développement de nouvelles fonctionnalités et la mise à jour du logiciel sont assurés par une communauté de développeurs-contributeurs bénévoles. Ce logiciel, mis à part le fait qu’il est gratuit (sous licence libre), offre un grand éventail de possibilités, de fonctionnalités et aussi une modularité infinies aux utilisateurs initiés à la programmation informatique.
Ci-après un tableau répondant, en ce qui concerne notre recherche, aux trois questions posées par Creswell au début du chapitre.
Tableau 12 : Récapitulatif du positionnement épistémologique et de la méthodologie de la recherche
Positionnement épistémologique
Le positivisme est clairement notre positionnement. Nous voulons confirmer statistiquement la relation de causalité entre les initiatives de l’entrepreneuriat social et l’inclusivité du processus de la croissance économique
Stratégie de recherche
Les spécificités de la problématique et du terrain nous ont poussé à opter pour une stratégie mixte alliant une première étape qualitative exploratoire et ensuite une deuxième étape quantitative confirmatoire :
Première étude qualitative : faire d'abord une exploration via une étude qualitative sur un échantillon des initiatives INDH de la province de Sidi Slimane.
Deuxième étude quantitative : les résultats de la première étude seront vérifiés quantitativement sur l'ensemble de la base de données exhaustive de la région.
Méthodes de collecte et de traitement des données
Première étude qualitative : un guide d'entretien semi-directif sera utilisé pour collecter les données des porteurs des initiatives échantillonnées.
Deuxième étude quantitative : d'abord une Analyse en Composante Principale du jeu de données, ensuite une régression logistique du modèle économétrique construit.
CONCLUSION
Le résultat des actions de l’entrepreneuriat social tombe directement dans le processus de croissance économique, favorisant ainsi l’inclusion des personnes à sa marge. En effet, les initiatives de l’entrepreneuriat social visent l’émancipation, le renforcement des capacités, l’empowerment des personnes et de groupes de personnes, pour pouvoir saisir et concrétiser des opportunités, surtout économiques. Ces personnes et ces groupes, en exploitant ces opportunités, entrent de plein pieds dans le processus de croissance économique et en deviennent ainsi participants et bénéficiaires.
Au Maroc, l’INDH offre le cadre d’interactions entre secteur public et secteur de l’entrepreneuriat social. C’est une initiative aux moyens considérables, touchant tout le territoire du royaume, ciblant des catégories de personnes souffrant d’une manière ou d’une autre de la pauvreté. Aussi, la région choisie, Gharb-Chrarda-Beni Hssen, est intéressante puisqu’elle présente, selon le HCP162, les chiffres les plus dégradés en matière de pauvreté au niveau national.
Avenier et Thomas163 insistent sur l’importance du cadre épistémologique dans tout travail de recherche. En effet, toute recherche s’inscrit dans une conception, implicite ou explicite, de la connaissance. En examinant toute recherche, nous retrouverons une certaine idée de la nature du phénomène observé (ontologie) et la méthodologie mobilisée pour l’étudier (épistémologie). Le cadre épistémologique que nous avons choisi, le positivisme, nous parait le plus approprié vu les buts poursuivis par ce travail. Nous voulons étudier les effets des initiatives de l’entrepreneuriat social sur l’inclusivité de la croissance économique.
La stratégie, ainsi que les techniques de recherche choisies, sont, à nos yeux, compatibles à la fois avec le cadre épistémologique retenu et surtout les spécificités du terrain à étudier.
La stratégie de recherche mixte comporte deux étapes. La première étape est qualitative et exploratoire, la deuxième étape est confirmatoire. Ainsi, dans la première étape de ce travail, nous étudierons les initiatives INDH de la province de Sidi Slimane entre 2005 et 2015. C’est une étude qualitative et exploratoire et se fera avec des entretiens
semi-conclusions de l’étude qualitative, qui nous ont servi d’hypothèses, seront vérifiées via un modèle économétrique sur la base de données exhaustive INDH de toute la région Gharb Chrarda Beni Hssen.
Quatrième chapitre : Initiatives entrepreneuriales sociales de la
province de Sidi Slimane (une
approche qualitative)
INTRODUCTION
Ce chapitre inaugure la première étape de la partie empirique de notre travail. En effet, après avoir présenté les deux principaux concepts, le modèle conceptuel ainsi que les hypothèses de la recherche, il est temps de présenter les premiers résultats de notre rencontre avec le terrain.
Dans le chapitre précédent, nous avons situé notre positionnement épistémologique et détaillé la méthodologie suivie lors des deux étapes de la phase empirique du travail. A présent, nous présenterons les résultats de la première étude qualitative, exploratoire et inductive qui a étudié des initiatives INDH de la province de Sidi Slimane. L’objectif de cette étude est de faire une première rencontre avec les porteurs des initiatives dans la province.
Cela a été un premier aller-retour entre théorie et terrain.
L’INDH, en tant qu’initiative nationale touchant tout le territoire du royaume, n’avait pas exclu Sidi Slimane. D’abord, durant la première phase de l’initiative en tant que commune de Kenitra et ensuite dans la deuxième phase en tant que province, depuis 2010. Les indicateurs de la région en général, et ceux de Sidi Slimane en particulier, étaient les plus dégradés au niveau national. L’apport de l’INDH dans l’amélioration des indicateurs sociaux a été indéniable et ce, dès les premières années. C’est la raison pour laquelle nous avons touché, sur différents aspects, un échantillon de seize porteurs d’initiatives INDH par un entretien semi-directif.
Le chapitre sera organisé comme suit. Il sera question, d’abord, de la présentation de la région Gharb-Chrarda-Beni Hssen, sa géographie, les spécificités de sa population et leurs conditions de vie. Ensuite, nous présenterons l’étude qualitative proprement dite, consacrée aux initiatives INDH de la province de Sidi Slimane. Ainsi, nous commencerons par présenter la province, quelques statistiques sur les initiatives de l’INDH au sein de la province, la méthodologie et le guide d’entretien. Enfin, nous analyserons les entretiens réalisés et nous tirerons leur implication sur l’ensemble de notre travail.
Première section : Présentation de la région Gharb-Chrarda-Beni Hssen
La région Gharb-Chrarda-Beni Hssen s’étend sur une superficie de 79990 Km2, soit près de 1,12% de la superficie totale du royaume. Elle est composée de trois provinces : Kenitra, Sidi Kacem et Sidi Slimane. Les dites provinces regroupent 10 communes urbaines et 53communes rurales. Du fait de sa proximité de l’Atlantique, ses précipitations annuelles dépassent la moyenne nationale. Quant au climat, il est méditerranéen : doux et humide l’hiver, chaud et sec l’été. Aussi, la région dispose d’une richesse forestière importante s’étalant sur une superficie de 130000 ha, dont 29,2% de forêt naturelle.
Dans cette section, nous commercerons par faire un focus sur la démographie de la région, son niveau d’instruction et les conditions de vie de la population. Ensuite, nous présenterons les spécificités de son économie. Enfin, nous exposerons l’état de la pauvreté.