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Les diagrammes couleur–magnitude et couleur–couleur

3.2 Analyse des données

3.2.1 Les diagrammes couleur–magnitude et couleur–couleur

Les diagrammes mettant en relation les indices de couleur des étoiles avec leur magni-tude dans une bande donnée ont permis à Ejnar Hertzsprung et Henry R. Russel, indépen-damment, de mettre en évidence le fait que la répartition d’un échantillon d’étoiles sur ces diagrammes n’est pas uniforme : la plupart d’entre elles se regroupent le long de la séquence principale (Main Sequence, ou MS), une faible proportion d’entre elles ayant une position sensiblement différente. La figure 3.2.1 reproduit un diagramme HR avec la localisation des principaux types d’étoiles. Les développements théoriques permettant d’expliquer cette ré-partition, mais aussi les exceptions à cette règle, ont apporté à la physique stellaire la plupart des modèles actuellement en vigueur pour décrire l’évolution d’une étoile.

En retour, placer une étoile inconnue sur ce diagramme revient, en fonction de la préci-sion des données dont on dispose et du modèle que l’on se donne, à déterminer approxima-tivement son type, son âge et sa masse.

On peut remarquer qu’il existe deux familles de diagrammes couleur–magnitude : celle des théoriciens et des modélisateurs, et celle des observateurs. Dans le premier cas, les ré-sultats des calculs sont affichés en fonction du système de variables dans lequel s’effectue le calcul : la luminosité bolométrique et la température effective. Les observateurs, afin de limiter les hypothèses qui pourraient ajouter une erreur systématique, raisonnent le plus sou-vent en magnitude apparente et indice de couleur. Passer d’un système à l’autre suppose de connaître, entre autres :

– La distance qui nous sépare de l’ensemble des objets. Il est rare de pouvoir accé-der à cette donnée avec certitude. Hormis les sources proches dont la distance a pu être établie par parallaxe (Hipparcos), les déterminations de distance reposent sur un certain nombre d’hypothèses. Dans notre cas, on estime que la majorité des étoiles appartiennent au Petit ou au Grand Nuage de Magellan, dont les distances sont bien

3.2. ANALYSE DES DONNÉES 53

FIG. 3.5:Diagramme HR avec in-dication des principales popula-tions stellaires (tiré de Zombeck 1990)

connues. Cependant, rien ne peut assurer qu’une source particulière du champ n’est pas une étoile appartenant à notre galaxie, et donc de distance inconnue.

– L’extinction due aux poussières locales et à la matière interstellaire présente sur la ligne de visée : elle dépend de la longueur d’onde et modifie le maximum d’émis-sion en le décalant vers le rouge. De plus, elle conduit à sous estimer la luminosité intrinsèque de l’étoile.

– Le lien entre la magnitude mesurée dans une bande de longueurs d’onde donnée, et la magnitude bolométrique (intégrée sur tout le spectre). Ce lien dépend du modèle utilisé et des calibrations de ce modèle par rapport aux observations.

Les diagrammes couleur–couleur éliminent l’une des limitations des diagrammes couleur– magnitude, en mettant en relation deux grandeurs ne dépendant pas de la distance nous sé-parant de l’objet. En revanche, ils sont moins discriminants, en ce sens que de nombreuses dégénérescences subsistent, notamment parce que les variations de couleur ont moins d’am-plitude que les variations de magnitudes, et qu’elles sont de plus souvent corrélées.

Vecteur de rougissement

Afin de montrer l’effet du rougissement sur la position d’une source dans un diagramme couleur–couleur ou couleur–magnitude, il est possible de définir un vecteur de rougissement.

54 CHAPITRE 3. MÉTHODES PARTICULIÈRES D’ANALYSE DE DONNÉES

A(λ) : L’extinction dans une bande de longueur d’onde λ, en unités de magnitude. Si Mλ est la magnitude absolue d’une étoile, DM son module de distance et mλsa magnitude apparente, ces grandeurs sont liées par la relation mλ= Mλ+ DM + A(λ).

E(λ12) : L’excès de couleur. C’est le rougissement induit par l’absorption interstellaire : par exemple, E(B −V) ≡ (B −V) − (B −V)0, où (B −V)0 est la couleur intrinsèque de l’objet et (B −V) sa couleur apparente.

En théorie, chaque ligne de visée a une loi d’extinction A(λ) différente, en fonction de la quantité et de la nature de la matière absorbant la lumière de l’objet visé. Néanmoins la mesure sur un grand nombre de lignes de visée de l’absorption à différente longueurs d’ondes a permis d’établir une loi moyenne A(λ) dépendant seulement d’un paramètre RV = A(V )/E(B −V). Dans le cas d’une extinction due au milieu interstellaire diffus, RV ≈ 3.1 (Mathis 1990; Cardelli et al. 1989).

Une source de magnitude absolue et de couleur intrinsèque données voit donc sa magni-tude apparente augmenter et sa couleur rougir de façon proportionnelle, et ceci permet de déterminer le vecteur de rougissement que suit la source sur un diagramme V – (B −V) : sa pente est donnée par

V −V0

(B −V ) − (B −V )0 ≡ A(V )

E(B −V) = RV ≈ 3.1

avec V0 et (B − V)0 les magnitude et couleur qui auraient été observées en l’absence d’extinction, c’est-à-dire la magnitude absolue corrigée du module de distance et la couleur intrinsèque, qui ne dépend pas de la distance.

En pratique l’extinction est exprimée en unités de AV (= A(V )). La tabulation des valeurs du rapport A(λ)/E(B −V) (par ex. Zombeck 1990) ou du rapport A(λ)/A(J) (Mathis 1990) à différentes longueurs d’ondes permet la conversion. Il est alors possible de déterminer l’excès de couleur pour n’importe quelle couleur, connaissant AV et RV :

Si le tableau donne A(λ)/E(B −V) :

E(λ1− λ2) = A(λ1) − A(λ2) = E(B −V )  A(λ1) E(B −V) A(λ2) E(B −V)  = AV RV  A(λ1) E(B −V) A(λ2) E(B −V) 

Si le tableau donne A(λ)/A(J) :

E(λ1− λ2) = A(λ1) − A(λ2) = AV  AV A(J) −1A(λ1) A(J) − A(λ2) A(J) 

3.2. ANALYSE DES DONNÉES 55 Muni de ces vecteurs de rougissement, il est possible de «dérougir» les sources, c’est-à-dire de retrouver les valeurs de couleur et de magnitude qui auraient été mesurées en l’ab-sence de rougissement. La valeur de ce rougissement (i.e. le module du vecteur) peut être estimée par des mesures spectrographiques, par exemple en mesurant le rapport des raies Hα et Hβ (voir section 3.3.1).

Confrontation aux modèles

Au cours de leur vie, les étoiles parcourent un chemin complexe sur les diagrammes couleur–magnitude et couleur–couleur. Ce chemin dépend principalement de leur masses initiale (il peut aussi être perturbé par d’autres facteurs : par exemple binarité, rotation). L’évolution de leur spectre dépend de phénomènes complexes qui imposent le recours à des modèles. À une masse initiale et à un âge donnés, ceux-ci font correspondre un spectre et des magnitudes que l’on peut alors comparer aux mesures.

Ces modèles, de plus en plus complexes au fil des ans, réclament de longs temps de cal-cul et une excellente connaissance de leur fonctionnement pour en tirer des résultats fiables : c’est pourquoi les auteurs de modèles accompagnent leurs programmes de grilles de résultat calculées pour certains ensembles de paramètres fréquemment utilisés. Ce procédé pré-sente l’avantage d’offrir des résultats instantanément accessibles et vérifiés. En contrepartie l’espace des paramètres est quadrillé, discrétisé, ce qui peut rendre nécessaire le calcul d’in-terpolations pour avoir une idée des données pour certains paramètres (ce qui suppose des conditions de continuité et de régularité des modèles).

A partir de ces grilles de résultats (par exemple, Lejeune & Schaerer (2001)) il est pos-sible de tracer, sur les diagrammes couleur–couleur et couleur–magnitude, deux types de courbes :

– Les isochrones, qui tracent la position des étoiles d’âge donné en fonction de leur masse initiale.

– Les tracés évolutifs, qui tracent la position des étoiles de masse initiale donnée en fonction de leur âge.

En théorie, ces deux types de courbes quadrillent le diagramme et permettent, pour un point donné, de déterminer la masse initiale et l’âge correspondants. En pratique, la qualité de ce quadrillage et sa sensibilité aux incertitudes pesant (entre autres) sur le rougissement subi par la source dépendent d’une part des bandes passantes choisies et d’autre part de la complexité des ces courbes, où la présence de boucles peut générer de nombreuses dégéné-rescences.

On peut choisir d’interpréter un diagramme en système «théorique» log(L)/ log(Te f f), auquel cas les courbes sont tracées dans leur unités naturelles, et où il faut convertir les don-nées observationnelles au prix d’hypothèses sur les paramètres énumérés plus haut. Le plus souvent nous avons adopté l’attitude inverse, afin de présenter les mesures de la façon la plus naturelle possible, en faisant le moins d’hypothèses possible : comme nous mesurons des magnitudes apparentes et des couleurs, nous prenons ces grandeurs comme repère de notre diagramme. Les grandeurs issues des modèles sont alors converties pour pouvoir être com-parées aux données de ce diagramme : un modèle d’atmosphère est appliqué et un module de distance est choisi puis retranché à toutes les magnitudes.

56 CHAPITRE 3. MÉTHODES PARTICULIÈRES D’ANALYSE DE DONNÉES

L’isochrone d’âge nul (ZAMS ou Zero-Age Main Sequence), matérialise la localisation sur un diagramme HR des étoiles venant tout juste d’entrer sur la séquence principale. Elle constitue un point de repère fréquemment utilisé, en particulier pour caractériser la réparti-tion des types spectraux dans les popularéparti-tions d’étoiles jeunes.

3.2.2 Détermination des populations stellaires par comparaison des